Du 5 janvier au 14 avril, cela fait exactement 100 jours depuis que Michaëlle Jean a pris ses nouvelles fonctions de secrétaire générale de la Francophonie. Quel bilan peut-on dresser en 100 jours?
Les 100 jours sur un mandat de quatre ans ne sont rien du tout pour dresser un bilan sérieux, c’est juste une symbolique qui permet à l’opinion publique de savoir quels sont les menus que la nouvelle secrétaire générale compte-t-elle mettre sur la table et quel plan de match propose-t-elle pour la suite des choses. Les 100 premiers jours sont également déterminants pour savoir si la personne est capable de prendre les bonnes décisions le plus tôt possible.
En effet, le début du mandat de Mme Jean à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a été marqué par un événement tragique qui a secoué le monde entier. Aussitôt entrée en fonction, deux jours après, le pays hôte de l’organisation dont elle tient désormais les commandes a été ébranlé par les attentats de Charlie Hebdo. Ces attaques horribles rappellent également la fusillade du 22 octobre 2014 au Parlement du Canada, celle du 18 mars 2015 au musée du Bardo en Tunisie et tout récemment l’attentat terroriste du 2 avril 2015 à l’Université de Garissa au Kenya, pays non membre de l’OIF. L’ensemble de ces événements, l’émoi et l’indignation qu’ils ont suscités, vont certainement influer beaucoup dans les actions à entreprendre tout au long du mandat de Mme Jean à l’OIF.
En suivant la plupart des interventions de Mme Jean dans les médias, on note à chaque fois sa volonté de lutter contre les forces du mal qui endoctrinent les jeunes et les poussent à commettre des actes de barbarie, c’est le cas notamment en Afrique avec le Boko Haram qui massacre aveuglement les populations civiles et enlève les jeunes filles dans les écoles. On peut donc déduire qu’elle est convaincue que l’extrémisme qui pousse aux actes de barbarie trouve dans la pauvreté et la précarité un terreau fertile et que le meilleur moyen de le contrer, est d’utiliser « l’arme de construction massive » pour sortir les jeunes de la pauvreté en leur donnant une éducation de qualité qui va leur procurer un meilleur avenir.
En effet, les actes de barbarie à travers le monde démontrent qu’aucun État n’est à l’abri des menaces extrémistes. D’où la nécessité pour l’OIF en tant qu’espace d’échange et de dialogue, de contribuer à préserver la paix, la démocratie et l’État de droit, en misant sur la francophonie économique pour endiguer la pauvreté.
Ceux qui ont suivi de près ou de loin les premiers pas de Mme Jean à l’OIF ont certainement observé que les trois premiers mois ont été très intenses, notamment par la succession des audiences accordées. Mme Jean était quotidiennement à l’écoute de différentes personnalités, notamment les chefs d’État et de gouvernement, les ministres, les ambassadeurs de pays membres, les représentants des organisations nationales et internationales pour faire les points sur la bonne marche de l’OIF.
En 100 jours, elle a naturellement formé et mis en place son cabinet tout en veillant à assurer une transition dans la douceur avec l’ancienne équipe. Elle a attendu jusqu’au 30 mars, date prévue pour présider son premier Conseil permanent de la Francophonie (CPF), au cours duquel elle a présenté les objectifs principaux de son mandat conformément à la feuille de route décidée au Sommet de Dakar et comment elle entend s’y prendre pour les atteindre. Elle a également informé les représentants personnels des chefs d’État et de gouvernement du choix de la personne, Adama Ouane, qui devra désormais gérer des affaires administratives et financières et administrer la coopération intergouvernementale multilatérale, sous son autorité bien évidemment et ce, conformément à l’article 8 de la Charte de la Francophonie.
Durant les 100 jours, la secrétaire générale a mobilisé les jeunes et les organisations de jeunes francophones sur les conséquences du changement climatique qui n’épargnent aucun État au monde et le devoir moral des États de trouver une solution durable pour préserver notre environnement. Elle a donc lancé une consultation en perspective de la 21e session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21). Une conférence sur le changement climatique qui se tiendra pour la première fois dans un pays francophone en décembre 2015.
Lire aussi: Défis climatiques: quelle contribution doit-on attendre de l’OIF?
Une autre chose que l’on peut observer durant les 100 premiers jours de Mme Jean est son style tout particulier de communication – dû peut-être de son passé de journaliste -, qui consiste à être régulièrement sur le devant de la scène, soit pour condamner les violations des droits de la personne d’où qu’elles surviennent, soit pour insister sur le rôle de l’OIF d’accompagner les pays membres dans leurs efforts à la fois pour le développement et dans le processus démocratique. Et cela, en dépit de ceux qui pensent et disent « qu’il ne faut pas trop tirer sur le balafon ou encore qu’il ne faut pas trop mettre le doigt entre l’arbre et l’écorce, au risque d’y laisser les phalanges ». Il y a lieu de noter que d’ici à la fin de son premier mandat, il y aura au moins une dizaine d’élections présidentielles dans les États membres de l’OIF.
Une chose est vraie, présider une organisation éminemment politique, Mme Jean doit savoir aménager le chou et la chèvre si elle veut mener à bien et imprimer une nouvelle dynamique à l’OIF. Elle doit non seulement sensibiliser les États membres, mais également faire preuve d’une grande capacité de plaidoyer auprès des partenaires multilatéraux pour mobiliser les moyens conséquents afin de mettre en œuvre les engagements pris lors du Sommet de la Francophonie à Dakar en novembre 2014.
Un signe encourageant, après son passage à New York où elle a eu des entretiens fructueux avec le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, l’Assemblée générale des Nations Unies vient d’adopter, le 2 avril 2015, la Résolution A/69/L.58 portant sur l’approfondissement de la coopération entre les deux organisations, l’ONU et l’OIF. Tout ceci augure bien pour l’avenir de l’Organisation.
Tout compte fait, après les bisbilles qui ont suivi la nomination de Mme Jean et au-delà des critiques parfois injustes de la part de ceux qui tenaient absolument que le poste reviennent à un Africain, bien qu’elle porte en elle, également, une partie de l’Afrique, il y a lieu de souligner que la poussière est retombée, la confiance s’est installée au fur et à mesure et sa personnalité inspire de plus en plus confiance. Ceux qui ont eu l’occasion de la côtoyer disent d’elle, qu’elle est à la hauteur de la tâche.
Nous avons bon espoir qu’elle tiendra ses promesses de campagne pour une Francophonie de plus en plus audible et active dans la recherche des solutions aux grands défis du monde contemporain.
Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue