La chronique de Dov Zerah
Depuis le 19 octobre 2009, depuis que Papaconstantinou, ministre grec des finances reconnait devant ses pairs que les statistiques grecques étaient fausses, le monde de la finance internationale, et plus particulièrement la zone euro, scrutent avec inquiétude la situation grecque. Cette crainte s’est accentuée avec la victoire en janvier d’Alexis Tsipras, leader du mouvement d’extrême gauche Syriza.
Opposé à la politique d’austérité supervisée par la communauté internationale en contrepartie de l’aide financière, il s’est fait élire sur la promesse de s’affranchir de la dette auprès de l’Europe, de ne plus négocier avec la troïka, le groupe de trois représentants des créanciers, l’Union européenne, le FMI et la BCE.
Mais comment faire pour concilier d’un côté la volonté de desserrer la contrainte de la rigueur indispensable pour essayer de retrouver une capacité de remboursement et de l’autre le souhait des créanciers de retrouver leurs fonds ?
Le dilemme est important
Comment ne pas comprendre le vote des Grecs, leur message. Ils sont au minimum marqués par le chômage, la pauvreté grandissante, et l’absence de perspectives ?
Parallèlement, comment ne pas comprendre les jugements sévères des européens meurtris d’avoir été trompés par de fausses statistiques, et hésitant à faire un effort supplémentaire alors que le système fiscal grec est totalement défaillant ? Comment ne pas comprendre les exigences des Etats européens qui ont forcé leurs banques à accepter une perte de 70 % de leur capital en contrepartie d’une reprise du solde par les Etats qui portent près de 150 Mds€ notamment par le biais du Fonds européen de stabilité financière (FESF) ? Une fois les banques européennes désengagées, il faut rappeler notamment aux grecs que la charge de leurs dettes est maintenant portée par les contribuables européens.
Depuis l’élection du Premier ministre grec Alexis Tsipras s’est noué un psychodrame, une tragédie digne de la Grèce antique : déclarations, menaces, pressions, stigmatisation de la troïka, tentative grecque de revenir sur l’accord de 1953 d’effacement de la dette allemande, menace grecque d’engager une demande reconventionnelle de remboursement d’un emprunt forcé de l’Allemagne nazi, évocation de l’organisation d’un référendum sur le maintien de la Grèce dans l’euro, appels au respect des accords conclus par la Grèce, déclaration du ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble «je réfléchirai longuement avant de répéter qu’il n’y aura pas de faillite de la Grèce», critiques sévères à l’égard des responsables grecs, comme celle de la directrice générale du FMI laissant entendre que ses interlocuteurs grecs ne se comportaient pas en adultes…
Ce psychodrame a eu une vertu pédagogique
Une fois arrivé au pouvoir, le leader du mouvement d’extrême gauche Syriza a dû adoucir son discours devant les dirigeants européens mais continue de tout faire pour ne pas décevoir son peuple, et garder sa confiance. Ces différentes gesticulations lui permettent d’atterrir par rapport à ses promesses électorales.
De leur côté, les créanciers européens ont compris que l’appauvrissement du débiteur diminue sa capacité de remboursement. Dans la relation entre le débiteur et le créancier, il arrive parfois que le créancier a tout autant, voire plus à perdre que le débiteur. Rappelons que deux-tiers des 320 Mds€ de dettes de la Grèce sont détenus par des Etats ou institutions européens. Tout défaut de paiement de la Grèce en ferait les principales victimes.
Les paramètres de l’accord portent sur :
– La non remise en cause des réformes du code du travail, et la modification des conditions pour procéder à des licenciements collectifs
– Le maintien de l’impôt sur la propriété immobilière
– La rationalisation du système de TVA avec l’augmentation du taux pour certains produits
– La diminution de certaines retraites
– La suppression de l’abattement de 30 % sur la taxe de solidarité pour les plus hauts revenus
– Le programme de privatisations avec notamment celle du port du Pirée
– Un plan d’aide à l’investissement financé par l’Europe
Un accord devrait être finalisé d’ici au 30 juin pour permettre à la Grèce d’honorer ses engagements de remboursement. Mais très vite d’autres échéances vont se présenter, et la question de la capacité de remboursement de la Grèce se posera à nouveau.
La crise grecque n’est pas prête de finir
Il serait temps de mettre à profit le répit obtenu en sortant du débat articulé autour des deux solutions jusque-là avancées : mesures d’ajustement ou sortie de la zone euro.
Nombreux sont ceux qui ont pris conscience des effets catastrophiques du Grexit avec les retraits des dépôts bancaires. En quelques jours, les Grecs ont retiré 4 Mds€, ce qui a contraint la BCE a porté à 85 Mds€ le plafond de concours provisoires aux banques grecques. La sortie de l’euro entrainerait une très forte dévaluation de la nouvelle monnaie, un effondrement du secteur bancaire, une inflation galopante, une impossibilité de rembourser les dettes…et au final une austérité autrement plus sévère que celle mise en place depuis cinq ans.
Il serait temps d’alléger la dette de la Grèce en allongeant la durée des prêts, même si elle est déjà à 32 ans, ou le différé d’amortissement. Il ne faut plus exclure une annulation pour une partie, voire la totalité de cette dette. De la même façon qu’il a fallu prendre acte, il y a quatre ans, de l’impossibilité de la Grèce de rembourser la dette bancaire, il convient de reconnaître la difficile soutenabilité de la dette grecque, sauf à vouloir régulièrement avoir ce type de psychodrame. On l’a fait en 1953 avec l’Allemagne. On l’a fait avec les pays en développement dans les années quatre-vingt-dix. On a fini par accepter de ne pas avoir le remboursement des emprunts russes…
Que les responsables européens mettent à profit ce délai pour préparer les opinions publiques
Le véritable atterrissage grec sera alors été réalisé.
Dov ZERAH