D’origine roumaine et citoyenne du monde, Maria Nadolu parcourt la vaste terre et consigne dans ses carnets des histoires sans clichés et sans fards qui sortent souvent de l’ordinaire et renvoient à cette humanité que nous avons en partage. Après avoir mené les lecteurs de Financial Afrik à Chypre, au Sri Lanka, à Bruxelles, à Manhattan et, entre autres, en Inde, Maria opère une halte à Surinam, un nom rendu célèbre dans « Candide » de Voltaire. Bonne route.
L’arbre miracle ou les regards croisés entre l’Amérique du Sud et l’Afrique
L’avion a atterri à sa destination finale : Paramaribo, Surinam. Bagages récupérés, le taxi s’élance dans la nuit profonde. Sans voir, on peut imaginer la luxuriante végétation de ce riche pays, ancien Guyanne hollandaise, couvert à 80% par des forêts tropicales. L’air vibre et on devine la variété des odeurs et des couleurs d’un endroit où les quatre religions vivent ensemble en paix et harmonie, en plein cocktail ethnique : hollandais, amérindiens, marrons, chinois.
Après une heure de route, on est arrivé à sa porte. A 4 heures de matin, elle est apparue toute souriante. Haute, une posture majestueuse et des mots bien mesurés. Je vais passer plus de deux semaines dans un de ses appartements, pendant mon séjour au Surinam. Son accueil fut selon des plus strictes, mais chaleureux avec les règles de la courtoisie. La maison illuminée, meubles blancs de style postcolonial, et un grand message ornant les cousins et les sous-verres «la maison c’est là où le cœur se trouve». Marina da Costa provient de la famille da Costa, des juifs Sefardi chassés par l’Inquisition, partis de Portugal et d’Espagne, et arrivés jusqu’au bord de la rivière Surinam, à 30 km de là où elle se verse dans les Caraïbes.
Là, pendant le 17 ème siècle, ils ont construit ce qu’on a connu comme «le Jérusalem au bord de la rivière». Des pionniers cherchant une meilleurs vie, ils ont franchi les jungles pour arriver au cœur de la savane, là où ils ont formé une forte enclave, connue aussi bien pour son positionnement que pour sa prospérité. Et depuis ce temps-là, les da Costa ont tissé une histoire indissociable de celle de Surinam. Des propriétaires de plantations, des intellectuels, des financiers. Le père de Marina fut un des premiers ingénieurs agronomes de Surinam. De lui, elle a appris que même si on plante un crayon dans le sol du pays, des racines et des feuilles pousseront. Sa mère, connue en ville comme « l’encyclopédie ambulante» de Paramaribo, lui a fait découvrir l’histoire de sa famille, pendant les longues et torrides après-midis de travail dans la savane, où elles creusaient, coupaient des lianes et créaient des chemins sur les traces de leurs ancêtres. Une sacrée mission pour découvrir l’histoire de Jodensavanne (La Savane Juive). C’est une des premières résidences permanentes juives aux Caraïbes, semi-autonome pendant plus d’un siècle, jusqu’en 1825 ; Joensavanne fut prospère et fleurissante avec son industrie du sucre, qui put soutenir le de la Synagogue Espagnole et Portugaise de New York City. Le XXème siècle a vu le déclin de cette ville. Pendant les années 60, elle a été redécouverte grâce à l’initiative de la mère de Marina qui démarra la recherche archéologique et historique.
Pour Marina, aujourd’hui c’est indispensable de faire connaître l’univers de ses ancêtres et de connecter les pièces de puzzle. Elle lui semble qu’on vit dans un univers interconnecté, ou on doit être conscient de nos racines, afin de pouvoir s’ouvrir au présent avec force et espoir. Elle est une dame parfaite, servant le thé et organisant des dîners sophistiqués avec des conversations intellectuelles, mais elle peut aussi bien s’aventurer dans les jungles, avec sa machette prête à ouvrir de nouveaux chemins. Apres avoir vécu 30 ans en Hollande, elle est revenue au Surinam pour se reconnecter avec ses racines. Elle a établi une agence de tourisme culturel, et elle organise des circuits entre Yodensavanne, les plantations de thé et de café. Parmi ses derniers projets, la culture de l’arbre Moringa, où elle voit un fort potentiel, spécialement en regardant vers l’Afrique. C’est un coté de son travail qu’elle a voulu partager avec les lecteurs de Fiancial Afrik.
Selon les ethnobotanistes, Moringa Oleifera est très proche d’être une source parfaite en termes de variétés et de concentration de vitamines, acides aminés et protéines végétales ; couvrant un haut pourcentage des besoins de base. Aujourd’hui le Moringa est utilisé comme remède et essentiellement multivitaminés, aussi bien que source de protéines végétales dans plusieurs des régions les plus chaudes au monde. Le Moringa est une culture importante en Inde, en Ethiopie, aux Philippines et au Soudan. L’arbre est cultivé en Afrique de l’Ouest, de l’Est et du Sud, en Asie tropicale, en Amérique latine, aux Caraïbes, en Floride et dans les Iles du Pacifique. Moringa Oleifera, l’espèce à la plus grande valeur économique, est originaire d’Asie du Sud où elle pousse sur les contreforts de l’Himalaya, mais elle est largement cultivée sous les tropiques. On trouve neuf espèces dans l’est de l’Ethiopie, au nord du Kenya, et en Somalie, dont huit sont endémiques de l’Afrique, selon les sources de l’Organization des Nations Unis pour l’Alimentation et l’Agriculture.
L’arbre s’épanouit extrêmement bien dans certaines régions les plus difficiles, qui sont extrêmement chaudes, dans des endroits secs où d’autres plantes sont très difficiles à cultiver. Les feuilles de Moringa Oleifera ont tous les acides aminés essentiels, les acides gras bénéfiques et les huiles oméga. Moringa renferme des quantités riches en calcium, en fer et en nombreux autres minéraux vitaux, ainsi qu’une grande variété de vitamines, antioxydants et anti-inflammatoires, mais très peu de calories attachés. Bref, l’arbre miracle donne de l’énergie et un supplément de santé. On le considère comme un arbre généreux parce que les hommes ont trouvé des usages multiples de ses différentes parties, y compris ses graines plein d’huile. De plus, le résidu comprimé est utilisé pour la purification de l’eau.
La concentration de vitamines a attiré l’attention de scientifiques du monde du monde entier. Marina nous recommande le reportage du Dr. Russ Bianchi et Dr. Monica Marcou qui ont écrit le livre «L’arbre miracle» pour en savoir plus sur les effets du Moringa. En revenant à l’Afrique, dans la région sub-saharienne, tout nouveau-né a entre 20 et 40% de probablité de mourir avant l’âge de 5 ans à cause de la malnutrition. Ceux qui survivent ont jusque à 50% de probablités de souffrir d’un manque de développement physique et mental causé par la malnutrition. Moringa Oleifera peut être une solution.
Parmi les arbres endémiques, le Moringa fait aussi le sujet de cultures. Au Sénégal, par exemple, on l’utilise depuis 1998 pour combattre les risques de la malnutrition. C’était la mission de Lowell Fuglie dans ce pays ouest-africain pendant 16 ans, assistant les cliniques afin de sauver les enfants soufrant de malnutrition. Il s’est mis à la culture de l’arbre et les échanges avec les travailleurs du secteur de la santé sur le moyens de réduire la malnutrition grâce aux vertus du Moringa. Les sénégalais ont testé et témoigné les effets de l’arbre miracle bien plus efficace que les coûteux produits importés, tels que le lait à poudre, le sucre et l’huile végétale.
Récemment, L’organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, en reconnaissant son importance, a déclaré le Moringa parmi les cultures traditionnelles du mois. Sur le site de l’organisation, on explique des recettes culinaires à base de Moringa. A vous de l’essayer, pensant à Marina et à sa croyance : on vit dans un univers interconnecté, et c’est en connaissant ses racines qu’on peut vivre le présent pleinement et construire un futur meilleur.
Maria Nadolu travaille notamment dans la communication, l’événementiel et les projets économiques à caractère culturel. Elle fait partie des soutiens de première heure du projet Financial Afrik et, à ce titre, a participé à la promotion du support auprès d’un public qualifié au Maroc, en Europe et dans le monde en général. Africanophile naturelle, Maria Nadolu milite pour une nouvelle Afrique et un nouveau monde où le juste prix dans les échanges remplacerait l’aide et les dons.