Par Messanh L., Lomé/
L’intense programme de développement des infrastructures au Togo ne fait pas que des heureux. La société civile, parfois infiltrée par l’opposition, et les bailleurs classiques tirent à boulets rouges. Qu’en est-il?
[private]Tiré par le développement des infrastructures de transport, et un secteur secondaire qui se revigore, le Togo enchaîne, depuis quelques années, de bons résultats sur le plan macroéconomique.
Mais, cinq années après l’atteinte de l’initiative PPTE (Pays Pauvre Très Endetté), la dette publique globale a franchi la barre des 1.000 milliards de FCFA. Un réendettement dénoncé aujourd’hui par la Société Civile et certains bailleurs qui pointent du doigt la jeune garde de technocrates évoluant autour du président Faure Gnassingbé et, surtout, l’inamovible Adji Otéth Ayassor, reconduit à son poste de ministre de l’Economie et des Finances et, comme si cela ne suffisait pas pour irriter les bailleurs, bombardé ministre d’Etat, numéro deux du gouvernement.
Pour comprendre les réserves des bailleurs, il faut remonter en 2010.
A l’époque, le Togo atteint enfin l’initiative Pays Pauvre Très Endetté (PPTE), après des années d’efforts et de sacrifices. Un objectif qui lui ouvrait la voie à l’annulation partielle de sa dette extérieure, estimée en 2009, à 357 milliards de Francs CFA, ce qui représentait encore à peu près 52 % du PIB (Produit Intérieur Brut).
Bref, c’était un véritable soulagement avec des comptes remis à plat et la capacité de pouvoir emprunter sur le marché régional et international. Une piste que les autorités togolaises ne vont pas tarder à réactiver, pour le financement d’un développement, aujourd’hui axé sur des travaux d’infrastructures routières.
Investissements en déphasage avec la SCAPE
C’est là oû le bats blesse. Selon la SCAPE (Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi), un cadre de référence adopté par l’exécutif togolais sous la dictée des bailleurs, le pays devrait consacrer 17,45% de ses investissements pour le développement des secteurs à fort potentiel et 10,24% pour le renforcement des infrastructures économiques.
A l’arrivée, c’est l’inverse qui est observé. La première rubrique, fourre tout, se retrouve à 6,24% du Budget 2015. L’axe n°2, le Renforcement des infrastructures économiques, émarge à plus de 20,43% du budget.
Les partenaires au développement s’en sont aperçu et ont tiré la sonnette d’alarme mais sans grand succès. Ce tropisme pour les infrastructures a un prix. La dette publique du pays est remontée à 900 milliards de Francs CFA en 2013.
Ce qui, en 2014, emmènera les représentants du FMI (Fonds Monétaire International) et de l’UE (Union Européenne), à interpeller publiquement le gouvernement togolais, sur les axes prioritaires de son budget annuel, qui consacre encore , du moins officiellement, plus de 100 milliards aux infrastructures, en 2015.
Le processus de‘réendettement’ du pays, jugé rapide et massif, s’opère sur des dettes à court, moyen et long termes, auprès de divers organismes, intérieurs et extérieurs : le Club de Paris (ensemble des pays occidentaux), les créanciers alternatifs (le fonds koweitien, le fonds saoudien et la Chine), les régionaux africains BOAD (Banque Ouest Africaine de Devloppement), la BAD (Banque Africaine de Développement), les multilatéraux ( la BID, Banque Islamique de Développement). A cette liste, s’ajoutent Exim Bank de Chine, Exim Bank d’Inde et un FMI assez mécontent du reste de perdre son influence d’antan sur Lomé.
Cette bravade restera-t-elle impunie? Les institutions de Bretton Wood (Banque Mondiale et FMI) seraient sur le point de réduire leurs engagements sur le Togo, obligeant du coup, les autorités à se tourner davantage vers d’autres sources de financement.
Nouveaux engagements
En exemple, sur le marché régional de l’UMOA-Titres, le Trésor public a levé 123 milliards de FCFA, au cours du premier trimestre 2015, contre 31,5 milliards au premier trimestre 2014, comme relevé par la deuxième revue du Conseil National de Crédit. Dans le mois de juillet 2015, le Togo a encore levé 30 milliards de FCFA sur ce même marché.
Pour sa part, le FMI, dans son rapport d’Avril 2015, sur l’économie de la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine), recommande entre autres, un assainissement budgétaire, et une transformation structurelle de fond. « C’est parce que le FMI s’est rendu compte que sur les cinq dernières années, le déficit budgétaire de nos Etats, s’est lourdement creusé, et a alimenté considérablement la dette », explique cet économiste.
S’agissant du Togo, au lendemain de l’initiative PPTE, le ratio dette /PIB est passé à fin 2011, à environ 42% du PIB, selon les estimations. Entre 2011 et 2015, le pays serait à un niveau de 54% du ratio d’endettement. «On est aujourd’hui, autour de 1.102 milliards de FCFA environ de dettes, et lorsque vous prenez un taux d’intérêt plancher de 1%, que vous appliquez à 1.102 milliards, vous vous retrouvez à environ 349 F CFA d’intérêt par seconde, ce qui augmente notre dette», s’alarme Thomas Koumou, Président de «Veille Economique», une association qui dénonce ce qu’elle appelle un «endettement exagéré», orchestré par l’Etat togolais.
« Le niveau d’endettement global des pays dans la zone UEMOA, ne devrait pas atteindre 70% du PIB selon les directives de l’UEMOA . De 32 % en 2010, le ratio du Togo Est de 54 % du PIB, il y a de quoi s’inquiéter», rouspéte la société civile qui n’étend pas son analyse à la contrrpartie, c’est à dire à l’actif du bilan.[/private]
Un commentaire
Ah ! Article intéressant. Mais juste quelques questions aux FMI, OSC et autres :
1 – Supposons que la tomate et sa transformation soient des secteurs à fort potentiel et que la tomate pousse merveilleusement bien au centre nord du pays et que le marché de la tomate est au sud et dans les pays limitrophes. Si on ne met pas en place les infrastructures, comment les tomates vont aux marchés ?
2 – Supposons que le port de Lomé soit le seul port en eau profonde de la région – ah en fait il l’est ! Supposons donc que cette position naturelle soit un atout et que le corridor vers l’hinterland soit un secteur à fort potentiel … doit-on laisser les semi remorques traverser Lomé (ou leur faire contourner Lomé plutôt ?), doit-on laisser les semi-remorques chuter dans les monts Alédjo ou Défalé (ou doit on contourner ces monts plutôt ?), doit on permettre que la circulation soit fluide sur le corridor ou doit on garder des routes surannées ?
3 – Supposons que la population urbaine croisse à Lomé, ah, en fait elle progresse très vite ! Supposons aussi que la classe moyenne se développe, ah bon c’est le cas ! Et elle s’équipe en auto et autres biens ! Doit-on laisser ces personnes aller à leurs occupations dans une situation de vétusté d’infrastructures …
4 – Une compagnie se créé à Lomé, les échanges commerciaux reprennent avec le monde, doit-on laisser la foule grouillante de passager s’entasser dans une aérogare d’un autre temps ?
De toutes les façons si rien n’est fait, les titis jaseront toujours et si on fait quelque chose, les titis jaseront toujours.