«En Afrique, c’est l’Etat et le PIB qui tirent le crédit. Nous devons inverser la donne»
Leader au Gabon et en Afrique Centrale, la BGFI Bank est désormais dans les terres ouest-africaines. Aprés le Bénin et la Côte d’Ivoire, le groupe présidé par Henri-Claude Oyima vient de planter son fanion au Sénégal. Dans cet entretien exclusif, l’architecte de cette success story bancaire livre son point vue sur les réformes accélélatrices de la bancarisation.
Monsieur le président, la BGFIBank vient de s’installer au Sénégal, portant à trois ses filiales en Afrique de l’Ouest. Quelles sont vos ambitions pour la sous-région?
L’implantation de notre enseigne au Sénégal répond à notre modèle
de développement par cercle concentrique. Nous avons débuté par le Gabon, suivi de l’Afrique Centrale, de l’Afrique de l’Ouest, de l’Europe et le reste. Notre diversification géographique permet de renforcer notre présence sur des marchés à fort potentiel en mettant notre expertise au service de nos économies en pleine mutation. BGFIBank Sénégal constitue pour nous un centre de relais stratégique supplémentaire pour notre Groupe dans la zone UEMOA.
Il est bon de rappeler que nos offres s’adressent à la fois aux institutions dans le cadre de projets structurants, aux PME/PMI à fort potentiel et aux particuliers. La complémentarité de nos métiers nous permet de répondre de façon adaptée et optimale à chacune de nos cibles. Notre ambition est d’être un acteur majeur au Sénégal, en Côte d’Ivoire au Bénin et dans l’Afrique de l’Ouest en général.
Comment se porte l’année 2015 jusque-là en termes de résultats ?
L’année 2015 sera meilleure que l’année 2014. Nous avons maîtrisé notre coût du risque, nos charges, tout en accélérant nos réalisations. La situation nette à ce jour est en hausse de 6% par rapport au 31 décembre 2014, le ratio de Solvabilité CoreTier One selon les normes Baloises ressort à 14% et reste stable par rapport au 31 décembre 2014. La rentabilité des Fonds Propres (ROE) s’établit à 11% contre 9% au 31 décembre 2014 et là où notre PNB a été de FCFA 186 milliards en 2014.
Que représente aujourd’hui la BGFIBank au Gabon, dans la zone CEMAC et en Afrique en termes de taille du réseau, d’actifs et de PNB?
Nous sommes la première banque au Gabon avec plus 50% de parts de marché à la fois en dépôts et en crédits mais aussi en termes de participation au financement de grands projets structurants. En dehors de la banque, nous sommes aussi leader dans les services financiers spécialisés comme le crédit-bail, l’affacturage, la microfinance et la banque d’investissement. Nous avons une quinzaine d’agences, un total bilan de 1 200 milliards de FCFA, des dépôts qui dépassent les 1000 milliards FCFA, un encours crédit de 900 milliards FCFA et un PNB qui dépasse les 66 milliards de FCFA en décembre 2014. En Afrique centrale, le Groupe BGFIBank reste leader, nos chiffres enregistrés en 2014 confortent cette position. Nos marges de progression sont en croissance constante en dépit de la situation économique de la zone CEMAC. De plus, notre diversification métiers répond à une logique de complémentarité, nous permettant ainsi d’accompagner tous nos clients dans chacun de leur projet où qu’ils puissent se trouver.
Comment expliquez-vous que malgré le développement de grands groupes dans nos régions, l’Afrique reste encore en deçà des seuils de bancarisation de 15%?
Il y a plusieurs phénomènes qui peuvent expliquer la sous bancarisation. Parmi lesquels la réglementation qui n’est pas suffisamment coercitive en autorisant la généralisation des transactions en espèces. Ce qui n’est pas pour améliorer la culture bancaire. La frilosité de nos populations à confier leurs liquidités aux banques. A cela s’ajoute un réseau bancaire concentré en ville et inexistant en province. La logique voudrait que les Etats, à travers des politiques d’incitations appropriées, puissent encourager les structures bancaires à accélérer leur implantation dans ces zones. Un taux de bancarisation élevé est synonyme de baisse du niveau de thésaurisation. C’est notre rôle à nous financiers de faire accéder nos compatriotes à nos produits, y compris à ceux qui n’ont pas un niveau de vie élevé.
D’aucuns expliquent le paradoxe de la sous-bancarisation par la cherté des services bancaires et le retard dans l’adoption du mobile banking. Partagez-vous ce constat ?
Je ne partage pas ce point de vue. Selon moi les causes de la sous- bancarisation sont multiples. Parmi lesquelles, la non mise en œuvre
des obligations de domiciliation des salaires et des règlements de prestations d’un certain montant; la faiblesse des revenus des populations sans minima sociaux ; le manque de réseaux alternatifs aux banques tel que les réseaux de micro finance.
La bancarisation est un processus fortement corrélé au niveau de développement d’une économie et son stade de formalisation. L’actualité récente, en est la meilleure illustration; lorsqu’on voit les retraités grecs obligés de se réveiller à 4h du matin pour faire la queue en vue de toucher leurs pensions faute d’avoir un compte bancaire. Cela dit, nous pouvons améliorer les choses en travaillant sur la complémentarité des institutions et des entreprises capables d’apporter une valeur ajoutée dans le défi de la bancarisation et de l’inclusion financière. C’est ce que nous nous efforçons à favoriser a travers nos filiales de micro-finance (Loxia au Gabon) et les partenariats que BGFIBank a noué avec des opérateurs Télécom dans certains pays africains pour permettre le lancement d’offres de services bancaires basés sur le mobile. A mon sens pour améliorer nos taux de bancarisation, il faudrait instaurer des règlementations plus strictes sur les paiements (obligation de domicilier les salaires et les prestations à partir d’un certain seuil).
Comme je vous l’ai indiqué, le problème vient d’une réglementation encore assez permissive sur le paiement par espèces et du niveau de paupérisation. Les banques n’étant pas suffisamment établies dans tous nos pays, on ne peut pas expliquer la sous- bancarisation par la cherté des coûts. En ce qui concerne, le mobile banking, c’est un produit qui ne peut exister qu’en s’appuyant sur un réseau bancaire classique et une règlementation solide comme l’obligation de comptes, le virement des salaires dans un compte etc. Ceci dit, c’est de bonne guerre, les clients diront toujours que les services bancaires sont chers et les banques que leurs services ne sont pas suffisamment rémunérées. C’est toujours le même plaidoyer entre demandeur et fournisseur. Donc, pour améliorer les taux de bancarisation, il faut développer le réseau bancaire, les banques de proximité et améliorer la réglementation autour de l’utilisation des liquidités.
N’est-ce pas, monsieur le président, tout un pan du système bancaire qu’il faut repenser quand on constate le faible taux de mobilisation d’épargne en Afrique subsaharienne (moins de 15%) et le faible taux des concours bancaires à l’économie ?
Il est vrai en effet que le taux de mobilisation de l’épargne est assez faible en Afrique subsaharienne. C’est du ressort des banques et des financiers de trouver les stimulants nécessaires pour attirer l’épargne des ménages et des entreprises. Cela dit, il est généralement admis que les africains n’ont pas assez confiance en eux-mêmes. Ils préfèrent placer leurs épargnes à l’extérieur du continent dans des produits souvent à faible rendement plutôt que dans nos banques.
”Cela dit, il est généralement admis que les africains n’ont pas assez confiance en eux-mêmes. Ils préfèrent placer leurs épargnes à l’extérieur du continent dans des produits souvent à faible rendement plutôt que dans nos banques.«
Il y a tout un travail pédagogique de sensibilisation à faire à ce niveau pour changer les mentalités. L’africain doit avoir confiance en lui- même et en son système financier. Au niveau du crédit, il y a problème. Dans les pays développés, c’est le crédit qui tire le PIB. En Afrique, c’est l’Etat et le PIB qui tirent le crédit. Nous devons inverser la donne et cela passe par une concertation accrue entre tous les acteurs.
Vous avez lancé Ogar International avec la compagnie d’assurance Ogar. Pouvez-vous nous donner quelques détails sur l’objet de cette joint-venture et ses premières prises de participation au Cameroun et ailleurs?
Effectivement, nous avons l’assurance comme quatrième métier après la banque commerciale, les services financiers spécialisés et la banque d’investissement. Nous détenons 64% de la compagnie d’assurance Assinco. Notre ambition de départ consistait à nous développer à l’international en profitant de nouveaux relais de croissance. En chemin, nous avons rencontré un partenaire, Ogar, dont les actionnaires avaient exactement la même ambition. Nous avons mis
en place ce véhicule d’investissement à parts égales. Aujourd’hui, Ogar international a pu racheter un réseau en zone UEMOA, au Bénin, au Togo et en Côte d’Ivoire. En tout, nous sommes présents dans 11 pays.
Compte tenu du poids actuel de a BGFI Bank, peut-on dire que la suite logique la plus probable serait l’ouverture du capital de la holding à un grand groupe ou l’introduction en Bourse ?
Nous sommes déjà un grand groupe. Les problématiques du capital dépendent des actionnaires. Nous en parlerons le moment venu. Nous avons deux bourses dans la sous-région. Je pense qu’on ne fera pas l’économie d’ouvrir le capital en Bourse. On ne fera pas non plus l’économie d’avoir des partenariats avec d’autres organismes qui apporteront un plus au niveau de la gouvernance, des ressources humaines et des finances.
Une Banque à cheval sur les principes de la responsabilité sociétale
La BGFIBank a créé il y a quelques années la BGFI business School. «Cet Institut, explique M. Oyima, est partie d’un besoin et d’un constat simple: le manque de ressources humaines». A l’origine, l’institut formait des ressources humaines destinées à intégrer le groupe dans ses différentes lignes de métiers. Mais le projet a très vite évolué pour prendre une dimension nationale puis régionale. «L’idée c’était d’avoir une école d’excellence pouvant contribuer au défi des ressources humaines de nos pays en général». L’école dispose de trois cursus dont la formation continue qui intéresse les cadres de BGFIBank.
Il y a aussi le cursus Exécutive qui forme des managers en partenariat avec HEC et le volet Formation diplômante qui compte 300 élèves recrutés sur concours à partir du bac et qui sortent soit avec une licence Générale ou professionnelle soit avec une maîtrise Générale
ou professionnelle ou encore qui évoluent jusqu’au Master II. L’objectif c’est de pouvoir bénéficier des ressources humaines de qualité dans un secteur qui en manque souvent.
La BGFIBank est une banque responsable. En termes de motivation et de valorisation, nous sommes un groupe qui respire l’Afrique, qui valorise les compétences africaines et qui ne connaît pas de frontières en termes de recrutement», poursuit le PDG. A cheval sur ses missions de projet citoyen, la BGFI propose des plans de carrière intéressants aux jeunes dans tous les domaines. «En ce qui concerne le management, nous avons adopté les meilleures pratiques en la matière grâce à un partenariat fort avec des administrateurs indépendants». A travers la fondation BGFIBank, un programme de soutien est apporté aux projets d’éducation et de recherche scientifique. Le leader des institutions bancaires au Gabon et dans la zone CEMAC participe activement aussi au financement de programmes de lutte contre la corruption et le travail des enfants.