Amadou Kane, président du conseil d’administration de la Banque Nationale pour le Développement Économique (BNDE), a présenté sa démission au ministre des Finances.
Dans un courrier daté du 2 octobre, adressé à la tutelle et aux administrateurs, l’intéressé justifie sa décision par des «convenances personnelles». En dépit de nos nombreuses relances, l’ancien patron de BNP Afrique, est resté injoignable. Quant au directeur général de la BNDE, Thierno Seydou Nourou Sy (photo de Une ) tout juste consentira-t-il à confirmer à Financial Afrik la suspension du conseil d’administration qui devait se tenir le 2 et le départ du PCA.
L’épais nuage de fumée qui entoure ce dossier délicat qui touche la BNDE, l’un des organes mis en place par le président Macky Sall au lendemain de sa prise de fonction pour accompagner les PME, dépasse la simple divergence de vue, bien réelle, entre le PCA et son DG.
Le premier, gardien de l’orthodoxie en raison en raison d’une longue et respectable carrière, est à cheval sur les normes et les ratios qui régissent l’activité. Le deuxième, animé par la fougue de la jeunesse, en dépit de 30 ans de carrière, entend faire du résultat quitte à tordre parfois le bras à cette orthodoxie si chère à Amadou Kane.
Selon nos sources, les choses se sont dégradées, début août, quand Amadou Kane, Informé sans doute par des lanceurs d’alerte, demande à son directeur général la transmission de certaines informations sur l’état des engagements contractés par la jeune banque.
Dans un premier temps, M. Sy fait mine de s’opposer à cette demande avant de se raviser. L’article 480 de l’OHADA accorde ce droit à l’information au PCA. Une fois en connaissance des informations demandées, le président Amadou Kane tire ses premiers constats.
La lecture des engagements ferait ressortir des dépassements de pouvoirs de la part du directeur général. En langage clair, M. Sy aurait accordé des crédits au delà du maximum qui lui est autorisé et sans se référer au Comité supérieur de crédit, qui est un organe émanant du conseil d’administration. De plus, les conditions d’octroi de certains prêts et la situation de certains gros débiteurs font peser des risques sur la banque vieille de seulement 18 mois.
Suffisant pour que le PCA demande des explications circonstanciées à son directeur général. Celui-ci livre un volumineux plaidoyer écrit et transmis aux administrateurs dont les membres du comité supérieur de crédit. Loin d’éteindre le feu, la réponse provoque une sorte de scission entre les actionnaires. Actionnaire à hauteur de 34%, l’Etat représenté par le ministère des Finances, reste de marbre. Ce qui n’est pas le cas de certains privés qui s’agitent.
Les réponses de monsieur Sy, bien que bien documentées, sont jugées incomplètes voire contradictoires en certains endroits par au moins deux membres du fameux Comité de credit qui le signalent d’ailleurs dans deux courriers distincts, rédigés entre le 22 et le 30 septembre derniers.
C’est dans ces conditions troubles qu’un conseil d’administration est convoqué pour le 1er octobre. D’aucuns y voient la volonté du PCA de couper l’herbe sous le pied d’un directeur général qui, visiblement, n’appartient pas à son école. Au delà de l’ordre du jour et des motivations, il y a urgence en la demeure.
En effet, apprend-t-on, l’encours de crédit de la BNDE, en croissance de 25 % depuis le début de l’année, se rapproche de la barre des 30 milliards de FCFA.
La jeune banque qui avait déclaré un bénéfice de 56 millions de FCFA en 2014 (grâce en partie aux reprises sur provision) était-elle suffisamment solide pour supporter un tel niveau d’engagement dans le contexte sénégalais ? Un contexte risqué où deux grosses cylindrées du secteur bancaire, engagées dans la course à la taille, ont provisionné à hauteur de 160 milliards de FCFA!
Le dossier de la BNDE aurait dû rester dans sa dimension technique si d’autres enjeux ne sont pas venus s’y mêler. Certaines parties proches de monsieur Sy ont coûte que coûte voulu bloquer la tenue du conseil d’administration.
Absent au moment des tractations, le ministre des Finances, organe de tutelle, aurait demandé le report du Conseil d’administration. Une requête que le PCA
aurait refusé, exigeant une notification écrite selon les informations.
Cette orthodoxie de l’ancien patron de la BICIS aura le dernier mot. La notification écrite demandée tombe in-extrmis à la veille du conseil d’administration poussant finalement au report de la réunion des administrateurs.
Ceux-ci recevront la lettre de démission du PCA dans les heures qui suivront. Un véritable coup de théâtre qui complique la situation et installe le malaise au sein d’une jeune banque qui a vu les anges se pencher sur son berceau.
Les questions soulevées par la note d’Amadou Kane ont ébranlé l’ensemble des membres du conseil d’administration et des parties externes intéressées comme la Banque centrale (BCEAO). S’agit-il de la première crise d’acné de la BNDE ou d’un remake de nos banques nationales de développement des années 80 ? Trop tôt pour tirer une conclusion définitive.