Débloquer le potentiel de l’Afrique pour faire de l’agriculture une source de richesse
Aujourd’hui, en Afrique, le contraste est flagrant et interpelle : comment un continent avec une telle abondance de terres arables, d’eau et d’ensoleillement peut-il importer pour 35 milliards de dollars de denrées alimentaires par an ? Comment est-il possible que le continent africain ne soit pas en mesure de garantir la sécurité alimentaire ? Cette situation doit changer.
Nous devons changer l’histoire de l’agriculture africaine, qui emploie deux tiers de la population et génère près d’un quart du PIB. L’agriculture n’est pas un style de vie ou un secteur social. L’agriculture est une industrie — une industrie qui aidera les pays à diversifier leur économie, à réduire leur dépendance des importations de denrées alimentaires, à créer des emplois et à redynamiser les zones rurales.
Le nombre de personnes abandonnant les zones rurales augmente de plus en plus rapidement, et des milliers de jeunes migrants traversent désormais la Méditerranée en quête de nouvelles opportunités en Europe. Le potentiel du secteur agricole à créer des emplois et à réduire la pauvreté est quatre fois plus important que celui de n’importe quel autre secteur.
C’est pourquoi nous affirmons pouvoir apaiser la crise des migrants qui sévit en Europe en soutenant la transformation agricole de l’Afrique.
L’heure est venue pour les ministres des Finances du continent tout entier de considérer ce secteur pour ce qu’il est réellement : le secteur qui présente le meilleur potentiel pour parvenir à une stabilisation fiscale et macroéconomique.
On estime que le marché de l’alimentation et de l’agro-industrie pourrait atteindre 1 billion de dollars US d’ici à 2030. Il s’agit là d’une opportunité colossale pour l’Afrique, qui, en débloquant notamment son potentiel agricole et agro-industriel, peut s’emparer de ce marché tout en développant son commerce au niveau régional. L’Afrique n’est peut-être pas encore bien placée pour produire des avions, mais elle peut nourrir sa population grandissante et devenir une puissance internationale en matière d’alimentation et d’agriculture.
La manière dont l’Afrique tirera parti du fait qu’elle possède 65 % des terres arables restantes de la planète influencera la capacité du monde à nourrir les 9 milliards d’êtres humains (d’après les estimations) qui vivront sur la Terre en 2050. En augmentant sa productivité agricole, en modernisant son agriculture, en développant ses industries liées au secteur agricole et en investissant dans la transformation à valeur ajoutée pour les produits agricoles de base, l’Afrique peut débloquer son potentiel agricole. À mesure que le secteur privé investira dans des usines de transformation et de production alimentaire à grande échelle dans les zones rurales et que les gouvernements investiront dans une infrastructure rurale intégrée – notamment dans des routes, des chemins de fer, des infrastructures énergétiques, hydriques ou destinées à l’irrigation – le coût de l’industrie en milieu rural diminuera considérablement.
De nouvelles zones de prospérité économique seront créées, des zones rurales où les jeunes auront envie de vivre, de s’investir dans des activités agricoles profitables tout comme dans des activités non agricoles ou hors des fermes. Une nouvelle génération d’agriculteurs commerciaux émergera – une génération plus jeune, dynamique, au fait de la technologie et compétitive. Les petits agriculteurs – qui représentent la plus grande partie de la population agricole, dont la majorité sont des femmes – pourront accéder à des marchés fiables. Les banques commerciales et les institutions de microfinance élargiront leurs services de crédit au fur et à mesure que les agriculteurs gagneront des marchés pour leurs produits et que les agro-industries développeront la capacité de l’Afrique à devenir compétitive sur les marchés internationaux.
L’Afrique doit voir grand et agir à grande échelle en matière d’agriculture pour parvenir à se nourrir. L’Afrique peut bien présenter un potentiel agricole, mais celui-ci ne se mange pas. Lors de la conférence de Dakar qui aura lieu cette semaine, la Banque africaine de développement rassemblera les meilleurs acteurs du continent en la matière – notamment des ministres des Finances, de l’Agriculture, les gouverneurs de banques centrales, des professionnels de l’agro-industrie, des agriculteurs, la société civile et des scientifiques – afin de débattre du meilleur espoir du continent : faire de l’agriculture une industrie.
Comment réaliser une telle entreprise en Afrique ? Comment l’agriculture pourra-t-elle devenir un secteur qui crée de la richesse au lieu de gérer la pauvreté ? Comment passerons-nous d’une situation où nous exportons des matières premières à une situation où nous exportons du cacao transformé à la place des grains de cacao, du café transformé à la place des grains de café et des produits textiles à la place du coton ? Comment gravirons-nous les chaînes de valeur agricoles, pour finalement tirer le meilleur parti de la richesse des sols africains et non pas seulement de leur richesse pétrolière et minérale ?
À Dakar, nous débattrons de la façon d’éradiquer, d’ici une décennie, la faim et la malnutrition en Afrique. Nous aborderons également la question de l’élimination de l’extrême pauvreté en Afrique, la manière de transformer l’Afrique en une région exportatrice nette pour les produits alimentaires, et la façon pour l’Afrique d’atteindre le sommet des chaînes mondiales de valeur par l’intermédiaire d’une industrialisation liée à l’agriculture. Nous examinerons comment les gouverneurs des banques centrales et les ministres des Finances peuvent collaborer avec les banques multilatérales de développement comme la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et le Fonds international de développement agricole pour élaborer et déployer des instruments de financement novateurs à échelle en vue de faciliter les prêts aux agriculteurs et aux entreprises du secteur agricole sur l’ensemble des chaînes de valeur. Nous explorerons de nouvelles façons d’investir dans les axes agricoles et dans les zones de transformation des récoltes de base qui influenceront de manière significative les investissements dans les infrastructures de qualité et les systèmes logistiques nécessaires à l’impulsion de l’économie rurale.
Lorsque nous prendrons toutes ces mesures – avec le soutien de la volonté politique des leaders de ce continent – nous changerons l’histoire de l’agriculture africaine en l’espace de dix ans. L’Afrique se nourrira et débloquera complètement son potentiel pour nourrir le monde.