Ouverte le 9 novembre à Dakar, la deuxième édition du Forum sur la paix et la sécurité a réuni des experts, stratèges, sécuritaires, hommes de médias et hauts gradés des institutions militaires du Sahel, de l’Afrique Centrale, du Maghreb, ainsi que des partenaires stratégiques de la sécurité.
La France était représentée par son ministre de La Défense, Jean Yves Le Drian et par son Chef d’Etat Major des Armées, le Général Pierre de Villiers lequel s’est illustré par une petite phrase: «C’est bien de gagner la bataille contre le terrorisme. C’est encore mieux de gagner la paix et le développement». Le lien entre terrorisme et situation de quasi-faillite des Etats est établi.
Il faut le dire, les enjeux sécuritaires et stratégiques du sujet du jour n’ont pas inhibé les intervenants qui se sont exprimés sans beaucoup de réserves, étalant leurs points de convergences mais aussi leurs divergences.
Ce fut le cas en particulier durant le panel de haut niveau, point d’orgue de l’événement où le président Macky Sall a livré une remarque forte sur le Nord-Mali. «Face à des groupes qui attaquent les casques bleus et font régner la terreur, nous ne sommes plus dans le cadre du maintient de la paix. Dans ces cas-là, il faut que le mandat change pour que la paix soit imposée par la force».
Ce point de vue du chef d’Etat sénégalais approuvé par le ministre français de La Défense, Jean-Yves le Drian, est-il le signe que d’intenses tractations diplomatico-financières sont en cours pour emmener le Conseil de Sécurité (où le Sénégal vient d’être élu) et des partenaires comme l’Union Européenne ( qui n’a pas suivi la France dans le désert malien) à reconsidérer leurs engagements sur le Mali?
En tout cas, la collusion entre le banditisme et l’islamisme radical dans ce grand pays du Sahel pousse les stratèges à estimer que la lenteur des réaction onusiennes, l’étroitesse des mandats et l’uniformité des missions de maintien de la paix ne constituent pas les meilleurs gages pour rétablir la stabilité.
S’il n’est pas loin de rejoindre le président sénégalais dans ses propos, Hervé Ladsous, Secrétaire général adjoint de l’ONU, chargé des opérations de maintien de la paix, plaide pour une rénovation du partenariat avec le système des Nations Unies. «2015 marque une réflexion profonde des missions onusiennes dans un monde fracturé», explique-t-il, rappelant fort à propos la forte présence de l’Afrique qui fait l’objet de 9 des 17 opérations de maintien de la paix dans le monde et concentre 80% des casques bleus.
Sur le continent plus qu’ailleurs, le terrorisme fait son lit dans un contexte d’Etats qui ont failli et de situations de pauvreté galopante. «Nul n’est épargné par ce phénomène de terrorisme» a rappelé d’ailleurs Komi Sélom Klassou, le premier ministre du Togo qui mentionne le lien entre terrorisme et pauvreté d’une part, et, d’autre part, La situation exposée du Golfe de Guinée qui connaît une tentative d’acte terroriste par semaine. Le Togo organisera d’ailleurs une grande rencontre sur la piraterie maritime à la fin du premier semestre 2016.
Le point positif noté par les observateur et relevé par Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre sénégalais des Affaires Étrangères, président de l’Institut Panafricain de Stratégies, organisateur du forum, est que les pays africains optent de plus en plus pour des réponses régionales voire trans-regionales plutôt que des démarches nationales. L’implication du Cameroun et du Tchad, deux pays non membres de la CEDEAO, dans la lutte contre Boko Haram en est une parfaite illustration. «L’on ne peut pas seul lutter contre le terrorisme qui nécessite des moyens colossaux», souligne Daniel Ona Ondo, le premier ministre du Gabon. Lequel rappelle d’ailleurs que dans sa région, le terrorisme s’intéresse désormais à l’exploitation illégale des ressources comme c’est le cas à la frontière entre le Gabon et le Congo.
La réponse au terrorisme, de l’avis de M. Le Drian, favorable à l’implication des solutions régionales (comme le G5 au Sahel), ne se situe pas seulement sur le terrain militaire. La guerre doit être aussi mediatico-thèologique. Et d’insister sur la capacité des Institutions militaires. «Si l’on veut que les Etats tiennent, il faut des structures militaires cohérentes et saines et non des armées claniques ou tribales».
En plus de ses considérations militaires et institutionnelles , le nerf de la guerre est nécessaire pour vaincre les réseaux terroristes, a insisté pour sa part Moussa Faki Mahamat, ministre tchadien des Affaires Étrangères qui rappelle que des 530 millions de dollars d’engagements émis pour le financement de la MISCA (Mission internationale de soutien à la Centrafrique), seuls 30 millions ont été débloqués une année plus tard. «L’engagement coûte cher. Au Mali, nous avons déployé 2 500 soldats sur 3000 km pour atteindre Kidal, Ménaka et Tessalit. Cela implique des moyens financiers et matériels.
L’engagement doit être régional, continental avant d’être international», poursuit le ministre s’étonnant que l’on puisse laisser mourir 80 personnes à Banguiau nez et à la barbe des casques bleus. Au delà des problèmes techniques et financiers, Abdoulaye Bathily, envoyé spécial de l’ONU pour l’Afrique Centrale, estime qu’aussi bien en Centrafrique qu’ailleurs, il est indispensable que les pouvoirs publics reconnaissent le caractère multi-ethnique.
S’agissant du terrorisme en particulier et des moyens de gagner la paix, Ramtane Lamtara, ministre algérien des Affaires Étrangères, rappelle la douloureuse expérience de son pays dans les années 90. «Nous avons vaincu le terrorisme à un moment où le phénomène était mal compris et où l’on parlait de violence politique». A la riposte militaire et sécuritaire, s’en est suivie la loi sur le pardon, la concorde civile et la charge de la réconciliation.