Pendant que nous autres, nous pensons en 2015 à la relance des textiles, à la promotion de la lutte, de la musique, etc., le Maroc mise sur son capital humain, en formant sa jeunesse dans les services à forte valeur ajoutée, tels que l’aéronautique, le numérique, l’agriculture, le tourisme, et j’en passe, des secteurs en plein essor!
Quinze ans après, je suis de retour à Casablanca, Rabat et Tanger. Pour qui comme moi a connu, étudiante, le Maroc des années 90, ses petits revendeurs de bric et de broc dans les quartiers de Fés, ses Médina bondés et ses souks où les fruits et légumes bon marchés se vendaient à même la terre pour quelques centimes, l’éblouissement est à son comble.
La transformation radicale de ce pays saute aux yeux de nous autres, de l’Afrique Subsaharienne. Nous autres, qui, sur ces dernières années, avons encore du mal à faire décoller nos pays.
Pendant que «le jeune roi», Sa Majesté Mohamed VI, entouré des hautes compétences issues d’un mixte entre le produit d’ écoles marocaines et des meilleures écoles occidentales, africaines et américaines , engageait des réformes et des mesures incitatives à l’investissement, qu’avons-nous fait, nous autres, de nos beaux pays, de notre soleil, de nos ressources minières et surtout de notre jeunesse, notre capital humain ?
Étant sénégalaise, je limiterai ma perspective sur mon pays, une terre bénie des dieux, qui rappelle étrangement le Maroc par son positionnement géographique. Une terre au potentiel immense mais une terre que tout le monde, riche comme pauvre, veut fuir, veut trahir à cause de cet égo individualiste..
Le sénégalais rassemble pourtant au marocain. Même rapport à Dieu. Même rapport au travail. Le sénégalais comme le marocain est un moudjahid du commerce, un négociateur chevronné. Un esprit vif conçu pour le travail. Le même référentiel religieux soufi irrigue la conscience populaire de Dakar à Rabat. Le même sens de la famille, le respect des vieux et de la tradition.
Bref, tout nous rassemble. Nous avons les mêmes élites qui ont fait l’école centrale de Paris, HEC, Harvard, Oxford et les grandes écoles africaines et qui, une fois au pays, aspirent au commandement. Mais pourquoi donc, le développement a marché au Maroc? Quel est notre problème, à nous autres sénégalais et africains ?
Ce sont ces questions qui m’assaillaient au cours d’une mission, le long des autoroutes marocaines, entre Casablanca, Rabat et Tanger. Les zones industrielles de Casablanca et de Tanger nous interpellent par leur organisation et la régularité de leurs routes. Quel contraste avec la zone industrielle de Dakar, (SODIDA) ses nids de poule, ses flacs d’eau et ses pistes cabossées.
Le royaume aujourd’hui est relié par le meilleur réseau autoroutier d’Afrique. Au Sénégal, nous avons construit environ 30 km d’autoroute. Nous avons aujourd’hui l’autoroute à péage, un beau joyau mais qui fait l’objet d’une intense cabale politico-médiatique. Certains de mes compatriotes se plaignent alors que 50 ans en arrière, s’il y avait eu des autoroutes reliant toutes les régions de mon pays, on ne parlerait pas aujourd’hui d’un Sénégal émergent mais plutôt d’un Sénégal prospère où les populations vaqueront à leurs besoins tout en créant de la richesse et du sens. En bientôt, 60 ans d’indépendance, qu’avons nous fait du rêve des pères fondateurs ?
Le vacarme engendré par le tronçon reliant Dakar à Diamaniadio est significatif de l’inertie à vaincre pour transformer notre beau pays. Au Maroc, j’ai compris que l’infrastructure est vaine sans des ressources humaines qualifiées. J’ai compris aussi que pour qu’une formation académique ou professionnelle ait un sens, il faudrait qu’il y ait une bonne planification.
Les grandes entreprises américaines qui ont réussi leur implantation au Maroc ont été séduites par le niveau des infrastructures, l’abondance et la qualité des ressources humaines. La marque Renault qui exporte ses voitures populaires dans le monde entier à partir du port de Tanger Med est venue s’implanter au royaume à la rencontre d’un tissu dense de sous-traitants locaux. Nous aussi, nous avions au Sénégal, des sous-traitants. Mais que sommes-nous devenus, comme dit la chanson ?
A Casablanca, j’ai été moins séduite par le Morocco Mall, endroit, paraît-il, préféré de mes compatriotes, que par l’IMA, «Institut des Métiers de l’Aéronautique», un grand centre de haut niveau qui forme de jeunes étudiants aux métiers de l’industrie aéronautique.
Pendant que nous autres, nous pensons en 2015 à la relance des textiles, à la promotion de la lutte, de la musique, etc., le Maroc mise sur son capital humain, en formant sa jeunesse dans les services à forte valeur ajoutée, tels que l’aéronautique, le numérique, l’agriculture, le tourisme, et j’en passe, des secteurs en plein essor. Dans ce pays frère, j’ai appris que le développement intègre une parfaite gestion du territoire. Toutes les régions sont bien servies avec des infrastructures modernes et une bonne gestion collective et responsable du bien public.
A la vue de MIDPARC, zone franche située à 30 km de Casablanca, en fait une zone industrielle intégrée offrant toute une palette de services pour faciliter l’implantation des entreprises étrangères, j’ai pensé à Bargny et à toute notre petite côte dont les mille et un projets sont encore bien au chaud dans le sol.
MIDPARC réunit tous les aspects administratifs, fiscaux, douaniers et immobiliers permettant aux entreprises d’investir au Maroc, notamment un guichet unique concentrant toutes les compétences administratives (juridiques, douanières, fiscales..) des bâtiments industriels modulables, une large gamme de services permettant aux entreprises de bien exploiter leurs activités (sécurité, restauration, connectivité télécom, maintenance des locaux, gestion des déchets, entretien des espaces verts, centre d’affaires, centre de formation…). Le contraste est violent avec notre Diamniadio national.
Toujours dans la zone MIDPARC, nous nous sommes rendus à l’usine EATON, une multinationale américaine spécialisée dans la gestion de l’énergie qui a investi plus de 12 millions de dollars au Maroc. Elle produit des modules de distribution d’énergie destinés notamment aux centres de données. Plus de 50% de la main d’œuvre de cette usine est composée de jeunes femmes âgées de 25 à 35 ans.
Après Casablanca, cap au Nord, à Tanger pour visiter la Zone franche de la nouvelle capitale économique et industrielle du Maroc. Tanger Free Zone est sans aucun doute un exemple de réussite de développement régional, un tissu industriel pluri-métiers. Classée 6ème Zone Franche à l’échelle mondiale par le FDI du Financial Times, Tanger Free Zone regroupe plus de 500 entreprises orientées vers l’Export avec plus de 45000 emplois portés par des acteurs internationaux de référence sur des secteurs tel que l’aéronautique, l’automobile ou encore l’électronique.
A Tanger, j’ai visité aussi les installations de LEAR, compagnie américaine, l’un des plus grands équipementiers automobiles au monde. Celle que l’on a visité à Tanger est spécialisée dans la production des sièges automobiles des grandes marques.
Après LEAR, c’est au tour de la compagnie POLYDESIGN de nous recevoir pour nous faire une présentation power point de la structure avant d’aller visiter l’usine de production spécialisée également dans l’équipement automobile, notamment la production de volants, tableaux de bord, rétroviseur, etc. Tout est dessiné et produit sur place par des ingénieurs et une main d’œuvre jeune et qualifiée. D’ailleurs POLYDESIGN a reçu des distinctions de prix pour la qualité de son travail entre autre, celles de Ford et de GM.
Au terme de ce séjour organisé dans le cadre des rencontres entre les chambres de commerce américaines d’Afrique du Nord et de l’Afrique de l’Ouest, à l’invitation de l’AmCham Maroc (American Chamber of Commerce of Morocco ), j’ai fais quelques constats:
Le choix d’investissement de ces grands leaders de l’industrie américaine et européenne au Maroc est lié moins à la position géographique du Royaume avec l’Europe et l’Afrique qu’ à sa main d’œuvre très qualifiée. Un avantage qui permet aux compagnies américaines d’accéder à d’autres marchés. Les autorités du Royaume ont très vite compris les enjeux.
Le Royaume a su saisir ces opportunités d’investissements en travaillant sur ses ressources humaines et en construisant des infrastructures aux standards internationaux. Les marocains ont réussi à faire du Maroc un hub de sous-traitance, un trait d’union, une plaque tournante entre Les Etats- Unis, l’Afrique et l’Europe.
Au vu de ces prouesses, réalisées en un temps court, l’on ne peut qu’être optimiste. Rien n’est impossible! Le Sénégal peut le faire. Avec la bonne intention, l’engagement et la volonté dans les actions de tout un chacun.
Marem KANTE / Coordinatrice et Chargée de Communication – Chambre de Commerce Américaine au Sénégal.
Un commentaire
Marem KANTE,
Merci pour cette article de “Jalousie” pour votre pays !
L’Afrique a enormement besoin de personnes comme vous. De vrais patriotiques. Celles qui visitent d’autres pays (afriquains ou autres), pointent exactement ce qui marche, apprennent les recettes d’execution pour resussir des projets et rapportent cela a leur patrie et serrent de guide pour leur dirigeants.
L’Afrique a besoin de changer de mentalite. La competition doit absolument passer a une jalousie entre pays et gouvernements sur le niveau de services offerts a leurs peuples, l’infrastructure, l’investissement dans l’Humain, l’integration de toutes les composantes sociales, et surtout la promotion de la collaboration avec les pays voisins pour mieux decoller.
Priere de continuer le beau travail.
-Jalous Arfican