Au lendemain de la publication de la liste officielle des 86 institutions de microfinance agréées par l’Etat togolais, Financial Afrik a rencontré à Lomé, Ange Ketor, le directeur exécutif de l’Association des professionnels d’institutions de microfinance. Un véritable satisfecit pour ce chevronné de la microfinance, qui soutient que c’est le début du «ménage» d’un marché sur lequel opère encore une centaine d’institutions non agréées.
Le ministère des finances vient de publier la liste officielle des 86 institutions de microfinance (IMF) agréées par l’Etat. Quel est votre première réaction, à l’Association des professionnels du secteur au Togo ?
C’est une décision que nous attendons depuis, vu que cela fait un moment que la liste des institutions autorisées à opérer n’a pas été publiée. D’ailleurs, c’est une exigence réglementaire qu’on publie la liste des institutions légalement reconnues. Il est également de notre devoir, en tant qu’association professionnelle, de publier chaque trimestre, la liste de nos institutions membres. Ce qui des fois, est difficile de faire, tant qu’on n’a pas une liste de l’autorité de tutelle. En effet, cela créé quelques soucis, parce qu’à notre niveau, nous publions la liste de nos membres, et le ministère publie celle liste des institutions agréées. On peut être agréé et ne pas être membre, vu que la loi demande qu’il faut trois mois après l’obtention d’un agrément, avant d’appartenir à une association professionnelle.
Et donc, si entre temps, nous publions notre liste, et que les gens n’ont pas connaissance de la liste du ministère, cela créé quelques tollés au sein de la population. C’est donc pour corriger le tir que nous avons, à l’occasion des dernières réunions de fin d’année dernière, insisté sur la publication de la liste des institutions agréées. Nous sommes fondés aujourd’hui à sortir la liste des membres de l’association dans les prochains jours. Nous avons pris l’habitude de le faire depuis 2010, et nous le faisons au moins deux fois par an pour éclairer l’opinion sur les institutions membres de l’association.
Pensez-vous qu’on tend vers un assainissement du secteur, comme recommandé par le Fond monétaire international (FMI) dans son récent rapport sur le Togo ?
Bien sûr que oui. Si la population nous écoute, et de telles pratiques se font régulièrement, on va limiter les dégâts. On ne peut pas aller épargner dans une institution que personne ne connaît, et qui n’est pas autorisée à opérer, qui n’est pas reconnu par les professionnels du métier. Si donc, on prend l’initiative de publier régulièrement cette liste, la population sera informée, et va abandonner les non agréés. Et je crois qu’on tend vers l’assainissement pur du secteur.
Vu le nombre d’institutions, quel est aujourd’hui l’impact réel de la microfinance sur le quotidien de vos adhérents ?
D’abord, le nombre n’est pas si élevé comme d’aucuns le pensent. Nous sommes 7 millions de togolais, contre 86 institutions de microfinance, dont la majorité sont des mutuelles, des «associations». Nous n’avons pas un grand nombre d’institutions financières classiques mais des associations qui ont d’autres volets autre que le volet financier. Dire que c’est trop, c’est relatif.
Le problème, c’est qu’on assiste à un foisonnement à l’infini des institutions de microfinance qui ne sont pas professionnelles. C’est ça le souci. On est face à la prolifération des institutions non professionnelles, qui peuvent ouvrir un jour et fermer le lendemain.
Toutefois, l’impact est positif et réel, et les chiffres le démontrent. Aujourd’hui, on est à plus de 150 milliards (de F CFA) d’épargne, dans le secteur de la microfinance, contre 145 environ, il y a un an. Le nombre de membres ne cesse de grimper : 1.700.000 contre 1.500.000 en début 2015.
Sur la qualité des services, il y a lieu de professionnaliser les opérations. Nous avons encore des institutions, dont les guichets sont au manuel, et qui fonctionnent sur les produits classiques. D’où une nécessité de professionnalisation accrue du secteur, et une écoute attentive des populations, afin de leur proposer des produits qui répondent à leurs besoins réels. Aujourd’hui, ce n’est pas systématiquement fait, mais il y a une prise de conscience pour améliorer les modes opératoires.
Parlons des banques, Monsieur Ketor. Comment expliquez-vous la multiplication des banques au Togo, malgré déjà l’existence de solutions alternatives aux services bancaires ?
Le marché est ouvert dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Dès que vous avez l’agrément, il est unique, vous pouvez opérer sur les huit sites. Et donc, une banque qui a l’agrément au Sénégal peut intervenir au Togo. Qu’on assiste à l’augmentation du nombre des banques, c’est une chose à apprécier. Cela arrange la population, et en tant que professionnels, ça aiguise notre sens du professionnalisme. Ces institutions ont fait leurs preuves en Afrique centrale, en Afrique du Nord. Arrivées au Togo, elles vont sûrement semer l’émulation au sein de la population et des professionnels, et donc, tout le monde en profite. Je n’y vois pas une concurrence vorace entre banques et IMF.
Justement, en tout état de cause, peut-on parler de concurrence aujourd’hui, entre banques et IMF, ou plutôt de complémentarité ?
Oui et non. Concurrence oui, parce qu’on est 7 millions de togolais contre 14 banques et 86 IMF. Théoriquement, il y a concurrence. Mais complémentarité, disons que les banques sont en train de descendre vers la population cible des IMF. Et ces dernières sont en train de monter vers la population cible des banques. Il y a quand même une ligne d’intersection, une zone dans lequel chacun intervient, et on se complète. Il y a des crédits que nos institutions ne peuvent pas faire, en termes de montant ou d’activité. Et entre temps, nos avions envisagé des alliances entre banques et IMF pour aller sur ces crédits. C’est dire certes, qu’il y a concurrence, mais il y a également complémentarité.
Et où en êtes-vous aujourd’hui avec les alliances entre banques et IMF ?
Nous ne sommes qu’à l’étape des discours. Nous avons fait beaucoup de rencontres et de séminaires en ce sens, mais étant toujours des concurrents, on se méfie toujours, les unes des autres.
Votre mot de la fin ?
Je lance un appel à l’adresse de la population. Il n’est pas facile d’avoir de l’argent. Et pour le déposer quelque part, il faut qu’on s’assure que cette institution est reconnue.
Propos recueillis par Nephthali Messanh Ledy