Il est l’homme qu’on n’attendait pas au bout du chaos de la guerre civile qui a relégué la Centrafrique à l’avant dernier pays au monde (juste avant le Burundi) en terme de PIB.
Mais c’est bien, lui, Faustin-Archange Touadéra*, 58 ans, qui, au terme du second tour de la présidentielle centrafricaine du 14 février et fort du soutien de 21 des 28 candidats recalés au premier tour, a recueilli 62,71% des suffrages contre 37,29% pour so rival, Anicet-Georges Dologuélé, ancien premier ministre, qui faisait figure de favori.
Ces résultats proclamés samedi par la présidente de l’Autorité nationale électorale (ANE), sous le regard vigilant des 10 000 casques bleus de l’ONU et de 900 soldats français de la force Sangaris doivent désormais être validés par la Cour constitutionnelle de transition.
S’il était inconnu au bataillon au début de la course, Faustin-Arachange Touadéra n’est pas un novice, ayant été premier ministre de l’ancien président, François Bozizé, entre 2008 et 2013. Sa démission, deux mois avant le coup d’Etat de mars 2013 qui a plongé ce pays de 5 millions d’habitants dans le chaos, fait du nouveau président de l’ex Oubangui-Chari un homme consciencieux aux yeux d’un peuple martyrisé à la recherche du super-héros.
L’ancien recteur de l’université de Bangui parviendra-t-il à extirper la Centrafrique d’un incessant retour à la case départ depuis l’empereur Bokassa? A son compte, le «suicide politique» de l’ancien président, François Bozizé, qui avait appelé à voter pour son rival, Anicet-Georges Dologuélé.. Le président Bozizé qui avait pris la fuite lors du coup d’Etat de 2013 avant de s’improviser l’homme providentiel depuis l’extérieur mesure son désamour populaire à travers ses consignes de votes qui ont eu l’effet contraire sur celui sensé en bénéficier.
Lors du premier tour, le nouveau président avait recueilli 19%. Soutenu par une coalition de candidats disqualifiés au terme de ce premier round comme Martin Ziguelé, arrivé quatrième, le Président élu a besoin d’alliances fortes pour réunifier un pays fracturé entre les milices confessionnelles et, il faut le dire, le grand banditisme sous couvert de revendications politiques à main armée.
Avec plus de 60% de ses habitantes sous le seuil de la pauvreté, la Centrafrique n’accordera pas d’état de grâce à son nouveau leader. Le Président devra faire ses preuves rapidement en engageant de grandes mesures pour faire repartir l’exploitation minière (140 000 carats de diamants échappent au contrôle depuis 2013, selon l’ONU) et stopper la saignée du trafic Illicite.
Entre reconstituer les forces armées centrafricaines (FACA), désarmer les milices Séléka et Anti-Balaka, gérer le retrait annoncé des forces françaises en 2016, ramener des milliers de réfugiés à la maison et redresser une économie qui a accusé le triste record de 36% de recul de PIB en 2014, le président Faustin Archange Touadéra n’aura pas droit à l’erreur.
Albert Savana
*Professeur en mathématiques pures, diplômé de l’université de Lille 1 et de Yaoundé où il a obtenu un doctorat d’État, Faustin-Archange Touadéra a été longtemps enseignant à l’École normale supérieure (ENS) de Bangui, avant de devenir recteur de l’université de Bangui en 2005.