A Casablanca, pendant deux jours, du 25 au 26 février, il a été question, lors de cette quatrième édition du Forum Afrique Développement, exceptionnelle par l’affluence, le nombre de rendez-vous B to B (4800 selon la plateforme électronique d’enregistrement), et les idées partagées, des moyens de revitaliser la coopération sud-sud autour des projets structurants et des partenariats porteurs d’emplois et de richesse. «Notre forum prend de l’importance d’année en année» déclare Mohamed Kettani, PDG du groupe Attijariwafa Bank organisateur de la manifestation en partenariat avec Maroc Export.
Le lancement du club Afrique Développement, rèseau interconnecté de 30 000 hommes d’affaires d’Europe, de Méditerranée et d’Afrique s’inscrit dans cette vision pragmatique de coopération Nord-Sud-Sud chère au président de la banque marocaine.Le mérite de la rencontre de Casablanca repose sans doute sur son apolitisme primaire et son parti pris pour le développement. La question de l’intégration africaine est revenue chez beaucoup d’orateurs qui, à l’instar de Zahira Maafiri, directrice générale de Maroc Export, s’interrogent sur la modestie du commerce inter-africain, qui plafonne à 12% contre 70% pour les échanges au sein de l’Union Européenne.
A l’inverse des vieux modèles politiques des Plans de Lagos et de Yamoussokro, Casablanca propose l’alternative des partenariats publics -privés autour de projets structurants capables de jeter le pont entre les deux rives du Sahara. Si hier, il était question de déclarations d’amour mutuelle et de congratulations fraternelles dans les réunions panafricaines, aujourd’hui c’est le temps du concret, de l’impact social de la création d’emplois et du transfert de technologie.
Les privés sont aux manettes, à l’origine du renouveau du rêve de la renaissance africaine. Mais il appartiendra toujours aux politiques de faciliter les investissements et de faire tomber les barrières au commerce et à l’intégration africaine.
Dans la capitale économique marocaine, il était question durant ce forum de projections chiffrées. Sur ce point, il faut le dire, tous les orateurs qui se sont relayés derrière le pupitre du magnifique chapiteau de l’hôtel Hyatt Regency étaient bien au fait de leurs dossiers, déroulaient leurs programmes point par point en invoquant des exemples concrets. Ce rapport au concret et au chiffré devrait cimenter les échanges entre le Maroc et l’Afrique.
Il appartient désormais à l’Afrique subsaharienne de formuler des propositions concrètes pour enrichir ses rapports économiques avec le Maroc. La coopération sud-sud rénovée est «essentielle dans le rétablissement de l’équilibre mondial», comme l’a déclaré le ministre marocain des Affaires Étrangères, Salehddine Mezzouar.
Cet appel au renouveau du partenariat inter-africain est porté aujourd’hui par de grands groupes privés marocains qui, à l’instar de leurs homologues nigérians, sud-africains et kenyans, ont trouvé ancrage dans le gros marché qu’est le «Middle Africa».
Il s’agit de cette zone coincée entre le Sahara et l’Afrique Australe qui, selon Jean Louis Borloo, Président de la Fondation de l’Energie pour l’Afrique, supporte le plus grand choc démographique de l’histoire de l’humanité.
Cette zone confrontée au défi de l’électrification et de l’Agriculture a besoin d’une volonté politique et d’une vision stratégique, ces deux faces de la même monnaie du développement, qui ont pendant longtemps fait défaut. Est-ce un hasard si la plupart des 600 millions d’africains qui n’ont pas accés à l’énergie se trouvent entre le Hoggar et le fleuve Congo?
C’est dire que le réveil de ce qu’il convient d’appeler le ventre mou de l’Afrique passe forcément par l’Energie. Sur ce point les propositions ont fait florès à Casablanca «Au niveau de l’électricité, les sociétés étatiques ont montré leurs limites. Il nous faut un système intelligent, tenant compte du solaire, et fonctionnant avec des mécanismes hybrides pour désengorger le réseau interconnecté», recommande Dissa Alpha Oumar, ministre des Mines et des Carrières du Burkina Faso.
Les Énergies renouvelables joueront un rôle majeur à l’avenir mais à condition, semble suggérer Birima Mangara, le ministre Sénégalais en charge du Budget, de mettre en place «un cadre pour les investissements structurants».
C’est dans le pilotage institutionnel de longue durée et la mise en place d’un cadre institutionnel rénové que réside le succés du Maroc dans les Énergies renouvelables et dans l’accès à l’électricité. «97% des marocains ont l’électricité à travers les réseaux contre 50% en 1990. Notre travail est d’anticiper désormais les besoins pour les années à venir». Souligne Mustapha Bakkoury, President de MASEN, l’agence marocaine pour l’Energie solaire.
L’argent n’est plus le nerf de la guerre
S’il y a un bon pilotage structurel, un cadre institutionnel adéquat de l’infrastructure institutionnelle et physique, les finances suivront forcément a rappelé pour sa part Alassane Bâ, CEO du fonds Afrique 50 qui est revenu sur les grands défis du continent dans le domaine des infrastructures . L’aspect pecuniaire (les finances) ne devrait pas poser problème car, poursuit M. Bakkoury, il s’agit de produire un KWH utile, «vendu d’avance et donc, financé d’avance».
Et de revenir sur l’expérience marocaine dans le solaire. «Au départ, nous ne voulions pas construire la plus grande centrale au monde mais juste la centrale la plus optimale avec une seule turbine», rappelle le haut cadre marocain.
Aujourd’hui, la centrale en question, Noor1, produit 160 MW, soit deux fois la capacité installée de la Guinée Bissau et la moitié de celle du Burkina Faso. Les prochaines centrales, Nour 2 et Nour 3, construites sur un site de 3000 hectares (soit Neuf fois Central Park) produiront respectivement 200 et 150 MW et garantiront jusqu’à 8 heures de stockage, ce qui les rapproche des performances des centrales classiques.
Cet effet taille optimise les coûts puisque comme le rappelle Dominique Saur, Directeur délégué des Échos, l’éolien en Europe est proposé à 80 euros dans les appels d’offres contre 35 euros au Maroc.
L’exemple marocain montre que l’Afrique peut exporter du solaire et des énergies renouvelables dans les autres contrées du monde. A condition, bien entendu, de se doter de pilotages stratégiques et de cadres institutionnels incitatifs. A quelques mois du COP 22 qui se tiendra à Marrakech, n’est-il pas venu le temps d’amorcer un cadre d’échanges et de coopération inter-africains dans le solaire et les énergies renouvelables ?
Trois entreprises lauréates des trophées de la coopération Sud-Sud
Les traditionnels trophées de la coopération Sud-Sud sont allés à trois entreprises aux profils différents. Ainsi, Azur SA du Cameroun, Telyium du Sénégal et One Tech de la Tunisie ont remporté respectivement, le premier, le deuxième et le troisième trophée. Le jury qui était présidé par la la tunisienne Widad Bouchamaoui, Prix Nobel de la Paix, comprenait aussi Jean Kacou Diagou, President du groupe NSIA, et de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire.