Fondateur du groupe Activa, Richard Lowé estime qu’en Afrique, “les compagnies africaines et internationales travaillent à armes égales en termes de ressources humaines et de qualité de la réassurance”.
Activa fait partie des groupes panafricains en essor depuis les années 90. Une telle compagnie dispose-t-elle dans son portefeuille de clients internationaux comme les multinationales ?
Les clients internationaux et les multinationales installés dans plusieurs pays africains constituent une cible très spécifique. Ce sont des partenaires avec lesquels nous devons discuter de sachant à sachant. En général, ils sont accompagnés par des conseillers, des courtiers et, en interne, par des Risk managers. La relation à développer avec cette clientèle est d’abord la qualité d’écoute. Nous devons cerner leurs attentes afin de leur proposer des solutions globales satisfaisantes. Dans le passé, avant la mise en place de réseaux professionnels, ces multinationales étaient obligées d’aller négocier leurs polices d’assurance pays par pays. L’existence aujourd’hui de plusieurs réseaux africains d’assurance professionnels et compétents leur permet aujourd’hui de discuter avec une seule porte d’entrée pour disposer d’une solution globale. La qualité du service, tant au niveau de la souscription, de l’analyse du risque, de la prévention que du service en cas de survenance de risque, constitue l’élément essentiel. C’est ce que nous cultivons chez Activa et dans le réseau Globus.
Sentez-vous encore des réticences de la part des groupes internationaux à souscrire auprès de groupes africains ?
Il y a encore quelques réflexes d’identification nationale chez certains chefs d’entreprise. Mais, du fait de la globalisation de l’économie, la mentalité a bien changé. Les grands groupes veulent avant tout protéger leur patrimoine de la manière la plus solvable et efficace possibles. Ces acteurs sont à la recherche perpétuelle de la meilleure qualité du service, de la réactivité et du confort qu’offre un réseau professionnel. Aujourd’hui, les compagnies africaines et internationales travaillent à armes égales en termes de ressources humaines et de qualité de la réassurance. Il n’y a pas de différence particulière entre les africains et les autres. Nous avons accés aux marchès de réassurance internationale les plus solvables possibles. Nous avons, tant au niveau d’Activa que du réseau Globus, le souci de la qualité de service. C’est ce que nos nombreux clients apprécient dans notre partenariat.
Que représente le groupe Activa en termes de portefeuille, de réseau et de résultats dans les différentes branches d’activité et dans ses différents marchés?
Le groupe Activa en tant que tel est implanté dans 5 pays. Il y a d’autres projets dans les cartons. Pour l’essentiel, c’est un groupe qui fait son chemin au rythme de 15% de croissance en moyenne par an. Sur l’année 2015, nous aurons un chiffre d’affaires cumulé d’environ 65 millions d’euros dans les pays d’implantation avec des résultats satisfaisants. En ce qui concerne Globus, initié comme vous le savez par Activa il y a 8 ans, il s’agit du plus vaste réseau d’assurance en Afrique. C’est un réseau fédéré, implanté à ce jour dans 41 pays et gérant plus de 2000 programmes internationaux. Notre alliance repose sur une charte professionnelle et un règlement intérieur fixant des obligations pour les membres. Il s’agit d’un modèle qui existe depuis huit ans. La plateforme de pilotage est basée à Douala avec 4 collaborateurs dédiés. En outre, Globus dispose d’un bureau de représentation pour l’Europe à Paris et qui couvre toutes nos relations de partenariat sur le vieux continent et au delà. Au jour d’aujourd’hui, nous avons signé plus d’une vingtaine de conventions de partenariats avec des compagnies d’assurance mondiales qui ont des clients en Afrique mais qui n’y ont pas d’implantation physique sur le continent africain. Ces groupes ont choisi Globus comme leur correspondant local. Nous pouvons citer sans être exhaustif Zurich, Generali, XL, Royals Alliance, ACE, FM GLOBAL…
Globus dont vous êtes l’initiateur poursuit son maillage sur les deux rives du Sahara. Cette alliance par le réseau peut-elle évoluer vers une alliance capitalistique ?
Le principe qui a conduit à la création du réseau Globus reposait sur une nécessité commerciale. Nous avions ressenti auprès des clients internationaux situés en Afrique le besoin d’avoir un programme d’assurance globale. Notre objectif était donc de disposer de la plus large base possible afin de proposer une solution globale et non fractionnée sur une partie de l’Afrique ou sur une zone linguistique délimitée. Cette analyse des besoins des clients nous a conduit à créer un réseau qui aille au delà des barrières géographiques et linguistiques.
Je sais que cela peut surprendre d’évoquer encore la place des assurances obligatoires dans un contexte de mondialisation, mais il s’agit une nécessité. Dans plusieurs pays européens, vous avez plus de 200 assurances obligatoires. Or en Afrique, nous n’avons en général que l’assurance responsabilité civile automobile, l’assurance sur les chantiers de construction au delà d’un certain montant.
Nous sommes présents en Afrique de l’Ouest, du Nord, du Centre, dans l’espace francophone, arabophone, anglophone et lusophone. L’alliance des membres est basée sur une charte professionnelle signée par chaque membre et faisant l’objet d’évaluations régulières. Pour répondre à votre question, je dirai qu’un tel réseau ne pouvait pas reposer sur un lien capitalistique dès le départ. Cela dit, nous avons établi ensuite un lien capitalistique avec la création de notre captive de réassurance, Globus Ré, créée en 2011 et basée à Ouagadougou et dont le rôle est de donner de la transparence et de la traçabilité à nos partenaires pour qu’ils voient comment les risques importants qui nous sont confiés sont gérés.
Par le passé, une bonne partie des primes émises en Afrique était placée à l’étranger. Le développement actuel des marchés financiers régionaux offre-t-il des opportunités de placement intéressantes aux compagnies d’assurance ?
C’est une question importante. Mais je répondrais sur deux aspects. Parlons d’abord des primes d’assurance et du placement des contrats d’assurance. La croissance du marché africain sera supérieure au marché mondial sur une longue période. Dans cette optique, nous souhaitons que les pouvoirs publics nous accompagnent de deux manières. D’abord en surveillant encore plus que par le passé les risques situés en Afrique et qui ne sont toujours pas assurés par l’entremise d’un assureur situè sur le continent. Il s’agit de la délocalisation, interdite dans presque tous nos pays. Dans le passé, cette pratique était tolérée car on prétextait que les compagnies africaines n’avaient ni la technicité ni la capacité de gérer de certains grands risques. Aujourd’hui cette excuse est caduque du fait de l’existence de grands groupes en Afrique. Deuxième point sur lequel nous souhaitons un accompagnement des pouvoirs publics, c’est de voir comment étendre les champs des assurances obligatoires. Je sais que cela peut surprendre d’évoquer encore la place des assurances obligatoires dans un contexte de mondialisation, mais il s’agit une nécessité. Dans plusieurs pays européens, vous avez plus de 200 assurances obligatoires. Or en Afrique, nous n’avons en général que l’assurance responsabilité civile automobile, l’assurance sur les chantiers de construction au delà d’un certain montant. A ce jour, imaginez que les multi-risques habitation ne sont pas encore couverts de manière obligatoire en dehors d’un ou deux pays. L’augmentation du champs d’assurance obligatoire va entraîner l’augmentation du volume de collecte. Cette épargne doit faire face aux sinistres et pouvoir être placée et j’en viens au deuxième aspect de ma réponse. En dehors des placements bancaires, il y a encore très peu d’opportunités de placement financier. Encore aujourd’hui, hormis les DAT, il n’y a d’alternative que les obligations émises par les Etats et les véhicules type SICAV développés par certains intermédiaires. Le placement immobilier reste toujours le plus prisé par les compagnies d’assurances. L’activité au niveau de nos Bourses des valeurs mobilières est encore assez réduite pour constituer une alternative pleine d’activités.
Certains observateurs estiment que vous êtes arrivés à un niveau de développement où l’indépendance se pose en alternative avec une alliance stratégique. Une probable évolution du tour de table d’Activa est-elle envisagée ?
L’élargissement du tour de table est déjà effectif dans le Groupe ACTIVA puisque la Société Financière Internationale (SFI) est actionnaire du groupe Activa depuis trois ans. Nous avons noué ce partenariat pour avoir un partenaire stratégique susceptible de nous accompagner dans l’amélioration de la bonnes gouvernance. Il est possible qu’il y ait du nouveau dans les prochains mois pour faire place à un ou deux autres partenaires financiers.
En tant que professionnel, quelles sont les principales évolutions réglementaires que vous estimez nécessaires pour l’assurance en zone CIMA?
Sur les placements, il y a beaucoup de discussions en cours entre le bureau exécutif de la FANAF et de la CIMA . La fiscalité de l’assurance peut s’améliorer pour impulser certains produits d’assurance dans la branche vie comme la multi-risque habitation. Il y a aussi l’assurance agricole qui a besoin d’incitations fortes pour décoller. Mais il est évident que ce sont des chantiers sur lesquels la FANAF a la main. L’article 13 mis en place depuis 2011 constitue, en ce qui me concerne, la meilleure avancée réglementaire du secteur durant ces dernières années.
Propos recueillis par Adama Wade (Financial Afrik, 15 janvier 2016)