Nous assistons à la fin d’un cycle. Pas seulement à celui du pétrole et des minerais qui ont perdu 60% de leur valeur en un an. Mais surtout à la fin des grands hommes capables de changer le destin de leurs peuples.
Les Mandela, Ghandi, Attaturk, Mahathur, Boigny, Chavez et Sukarno appartenaient à un autre monde. Dans le nôtre, la démocratie de marché, comme dirait Toqueville, a imposé des leaders qui suivent le peuple, perchès sur d’éphémères cotes de popularité.
Au lieu de nous montrer la voie, ces chefs, vulnérables aux prévisions sondagières, exaltent nos bas instincts (fierté nationale, peur de l’étranger, puritanisme). Bonjour le populisme des années 30. À croire que l’histoire de l’humanité est un éternel recommencement.
La crise multidimensionnelle qui persiste depuis 2008 a, en creusant les inégalités, en nous livrant à la précarité et au chômage, ébranlé nos certitudes politiques,économiques et sociales.
Jamais le désir de changement n’a été aussi grand chez des classes moyennes déboussolées et prêtes à se jeter dans les bras d’un Donald Trump, d’une Marine Le Pen. Ou encore à raviver le « baathisme » nationaliste d’un Saddam Hussein ou le populisme creux d’un Dadis Camara.
L’illusion d’un printemps arabe, vite retombée, a enfanté l’Etat islamique nourri par ceux-là même qui pensaient déboulonner Bachar Al Assad en déstabilisant l’Ukraine. Et pendant que l’espace Shengen vole en éclat sous la dictée des sécuritaires, l’Afrique tout entière s’interroge sur la pertinence de son miracle économique.
Chez les gourous de la finance, Le vieux réflexe de l’aversion au risque Afrique refait surface et Barclays quitte le continent sur la pointe des pieds..Les banques portugaises s’inquiètent de leurs exposition sur l’Angola. Coface raille de sa liste des gros noms du secteur minier. Et la Guinée, qui espérait faire de Simandou le plus grand site minier sur terre, est obligé de courir derrière les argentiers du monde.
Tous les pays qui viennent nouvellement de découvrir du pétrole en offshore profond sont sur la corde raide. L’exploitation n’est plus bancable.
Les leaders politiques qui avaient remplacé le discours argumenté par la subvention des denrées de première nécessité devront trouver une autre ficelle pour soigner leur popularité.
Dans ce contexte de désir de leadership, la brève interpellation de l’ancien président brésilien, Lula Da Silva, dans l’affaire du scandale Petrobas (autre géant qui subit en ce moment le retour de bâton de la conjoncture ) vient restreindre l’univers des possibles. Ceux qui espéraient encore déconstruire le discours néolibéral à travers la réussite de cette icône anti-modéle devront trouver d’autres modèles. Si Lula Da Silva, simple cheminot, qui a tiré 20 millions de personnes de la pauvreté, est refusé au Panthéon de l’histoire, lesquels de nos leaders d’aujourd’hui, empêtrés dans leurs logiques de réélection à tout prix, pourront y prétendre?
Adama Wade