WASHINGTON, 9 mai 2016 – Alors même qu’un épisode de sécheresse extrême continue de sévir dans la majeure partie de l’Afrique subsaharienne et que des millions de personnes ont besoin d’une aide d’urgence, un nouveau rapport préparé sous la direction de la Banque mondiale examine les interventions qui pourraient accroître durablement la résilience face à la sécheresse.
Ce rapport, qui a été présenté lors de la première conférence de la Grande muraille verte, à Dakar, et qui s’intitule Confronting Drought in Africa’s Drylands: Opportunities for Enhancing Resilience, examine les possibilités d’améliorer la capacité de résistance en cas de sécheresse dans les zones arides d’Afrique et fait valoir qu’une série d’interventions pourrait contribuer à réduire de moitié environ l’impact des sécheresses dans les zones arides africaines. Les mesures proposées permettraient de mettre 5 millions de personnes par an, en moyenne, hors de danger dans des régions qui comptent parmi les zones les plus pauvres d’Afrique.
« Les terres arides, qui sont des zones sensibles exposées aux catastrophes naturelles, posent un défi fondamental pour le développement de l’Afrique », note Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour la Région Afrique. « Il est impératif, pour réduire durablement la pauvreté, de mieux gérer les impacts des phénomènes météorologiques extrêmes et de la variabilité du climat, car le nombre de personnes vivant dans les zones arides et se faisant concurrence pour obtenir des ressources rares ira croissant. »
Le rapport Confronting Drought in Africa’s Drylands considère un sous-ensemble de pays situés en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest comprenant de vastes zones arides, semi-arides et subhumides, où vivent plus de 300 millions de personnes. Les chocs graves et fréquents auxquelles elles sont exposées, en particulier les sécheresses, limitent déjà les moyens d’existence, compromettent les efforts déployés pour éliminer la pauvreté et exigent l’apport d’une aide d’urgence. L’avenir s’annonce encore plus difficile : la croissance démographique et l’expansion des superficies couvertes par les zones arides par suite du changement climatique pourraient accroître de jusqu’à 70 % le nombre de personnes vivant dans des environnements difficiles à l’horizon 2030.
Il serait toutefois possible d’améliorer la résilience des populations face au changement en gérant mieux l’élevage, l’agriculture et les ressources naturelles. « Nos travaux montrent que, en investissant dans des interventions qui accroissent la viabilité et la productivité des activités pastorales et agricoles, nous pourrions considérablement améliorer les perspectives de développement en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest et atténuer les pertes qui touchent les ménages pauvres de manière disproportionnée » explique Raffaelo Cervigni, économiste principal spécialiste de l’environnement à la Banque mondiale et coauteur du rapport.
Par exemple, en 2010, seulement 30 % des ménages de pasteurs et d’agro-pasteurs vivant dans le Sahel et dans la Corne de l’Afrique possédaient suffisamment d’animaux pour pouvoir échapper à la pauvreté en cas de sécheresses répétées. Pour protéger les ménages d’éleveurs, des interventions visant à accroître la productivité — comme la fourniture de services améliorés de santé animale, une exploitation précoce des jeunes animaux mâles, une rapide réduction des stocks à l’approche d’une sécheresse et l’amélioration de l’accès aux zones de pâturage — pourraient accroître de 50 % la proportion de ménages résilients.
L’amélioration des technologies de production agricole, la gestion de la fertilité des sols et la plantation d’arbres dans le cadre des systèmes agricoles en vigueur peuvent également contribuer à améliorer la résilience en accroissant la productivité agricole et en renforçant la tolérance des cultures à la sécheresse et à la chaleur. La plantation d’arbres dans les champs, en particulier, peut générer des engrais tout en réduisant le stress hydrique et thermique auquel sont exposées les cultures. Les arbres peuvent aussi réduire l’insécurité alimentaire des ménages en leur fournissant des aliments lorsqu’ils ne peuvent pas se procurer des denrées agricoles ou des produits animaux, et accroître leur capacité à faire face à la situation en leur fournissant des actifs qui peuvent être coupés et vendus durant les périodes de pénurie.
L’irrigation peut également amortir l’impact des sécheresses, en particulier dans les zones moins arides. Les analyses réalisées aux fins du rapport indiquent qu’il serait faisable et viable sur le plan financier de développer l’irrigation sur cinq à neuf millions d’hectares de terres arides.
Parmi les autres interventions examinées dans le rapport figurent une gestion intégrée des paysages visant à rétablir la santé des zones dégradées pour recréer des écosystèmes fonctionnels et productifs, et l’abaissement des obstacles au commerce pour accroître les aliments disponibles et en réduire le coût, notamment après un choc. Les auteurs estiment que le coût d’interventions techniques adaptées à leur contexte et bien ciblées devrait être compris entre 0,4 et 1,3 milliard de dollars par an.
« Ces coûts sont plus faibles que ceux d’une aide d’urgence et pourraient être assumés par les budgets de développement actuels », fait valoir Michael Morris, économiste principal spécialiste de l’agriculture à la Banque mondiale et coauteur du rapport. « Fait plus important, contrairement aux remèdes de courte durée, ces interventions peuvent établir les fondations d’un développement durable en permettant aux populations d’accumuler suffisamment d’actifs pour sortir de la pauvreté et éviter d’y retomber. »
Le rapport concède que, même sur la base d’hypothèses optimistes concernant la portée des interventions de renforcement de la résilience, une proportion élevée des habitants des zones arides sera toujours vulnérable aux chocs en 2030. Les pouvoirs publics devront apporter un soutien sous forme de filets de protection sociale et investir dans le capital humain et le capital physique pour faciliter un passage progressif à des moyens d’existence qui sont moins tributaires des ressources naturelles.
Confronting Drought in Africa’s Drylands a été préparé par la Banque mondiale en collaboration avec une vaste coalition de partenaires parmi lesquels des organismes publics, des organisations régionales, des institutions multilatérales de développement, des instituts de recherche et des organisations non gouvernementales qui ont produit des notes et des documents de référence pour contribuer au dialogue actuellement consacré aux mesures permettant de réduire la vulnérabilité et renforcer la résilience des populations vivant dans les zones arides de l’Afrique subsaharienne.