Par Gérard Lafont*
Confrontée à des défis majeurs en matière d’éducation, santé, gouvernance et environnement, l’Afrique doit aujourd’hui plus que jamais rester unie. La coopération étroite entre Etats est indispensable à la sécurité et la prospérité économique du continent.Les performances économiques de l’Afrique se sont maintenues en 2015, comme le signale le document sur les «Perspectives économiques en Afrique 2016 », diffusé récemment par la Banque africaine de développement (BAD). D’après ce rapport, le continent africain est la région économique du monde ayant enregistré la deuxième plus forte croissance en 2015, derrière l’Asie de l’Est. « Les pays africains, parmi lesquels figurent des champions de la croissance mondiale, ont fait preuve d’une résilience exceptionnelle face à l’adversité économique internationale », souligne la BAD.
Mais elle garde une certaine prudence quant à l’avenir et table sur une croissance « modeste » à 3,7 % en 2016 puis 4,5 % en 2017. Pour la BAD, le continent doit encore faire des efforts afin que cette résilience se transforme en une amélioration des conditions de vie des Africains. Elle plaide en particulier pour une intervention dynamique des pouvoir publics visant à promouvoir une croissance plus rapide et inclusive.
Jean-François Daguzan : la nécessité d’une « action concertée » contre le terrorisme
Car si les chiffres de la croissance sont encourageants, ils ne sont pas suffisants. Comme le rappelait le ministre du commerce du Ghana, Eksow Spio-Garbrah, « c’est à 7 % que les experts fixent la barre pour que l’Afrique commence à absorber les millions de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail et à faire reculer de manière significative une pauvreté qui demeure massive ». De nombreux pays africains sont trop dépendants des matières premières et doivent engager une véritable transformation de leur économie par l’industrialisation. L’Afrique doit également faire face à une fuite massive de capitaux. Du fait de complexes systèmes de surfacturation, l’argent tiré de l’exploitation des ressources naturelles prend trop en effet souvent la route de l’étranger.
La violence terroriste constitue également un défi majeur pour le continent. La menace du djihadisme plane désormais sur la presque totalité des pays africains. Pour Jean-François Daguzan, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, « la violence extrémiste islamiste forme désormais un continuum stratégique africain de l’Atlantique à la mer Rouge et au nord vers la Méditerranée, avec désormais la transversale saharo-sahélienne comme fil conducteur ». Face à cette situation, le renforcement de la coopération entre les Etats africains est indispensable. « Lutter contre ce défi majeur demande désormais une analyse partagée et une action concertée », soutient le chercheur.
Guillaume Soro : il faut « construire des politiques publiques en faveur des jeunes »
Mais la réponse politique et sociale est également nécessaire. Comme l’affirme Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale ivoirienne, dans une interview accordée au Point, « il faut absolument, et de manière croisée, construire des politiques publiques en faveur des jeunes, de leur éducation, de leur formation, de leur intégration harmonieuse dans le tissu économique et social » afin de lutter contre la violence. Comme lui, de nombreux analystes et hommes politiques estiment que la réponse sécuritaire ne s’oppose pas aux stratégies visant à atteindre un développement économique plus inclusif et une meilleure répartition des fruits de la croissance. Au contraire, la lutte contre la pauvreté participe pleinement de la lutte contre le terrorisme, qui se nourrit de la précarité de la population.
Or, pour le président de l’Assemblée ivoirienne, l’intégration économique des pays africains est essentielle face à l’étroitesse de leurs marchés et la faiblesse de leurs économies. « Une union panafricaine permettra d’améliorer considérablement notre capacité de gestion intégrée de nos ressources, d’assurer notre indépendance énergétique et céréalière et d’apporter à nos populations des facilités de transport des personnes et des biens qui ont pour elles un nom sacré : liberté », clame Guillaume Soro.
La tâche n’est pas simple. L’Afrique est constituée de plus de 50 Etats, s’étend sur plus de 30 millions de Km2 et compte plus d’un milliard d’habitants, soit près de 16 % de la population mondiale. Une pluralité qui interdit tout repli identitaire mais qui exige des stratégies de développement ambitieuses et cohérentes afin que les Africains puissent profiter pleinement des nombreuses richesses de leur continent.
A propos de l’auteur
Gérard Lafont, la soixantaine passé, a une longue carrière de responsable de zone export derrière lui qui lui a permis de beaucoup voyager, mais surtout de découvrir de nombreuses cultures, toute aussi différentes que passionnantes. Aujourd’hui retraité, il profite de son temps libre pour continuer de voyager, particulièrement en Afrique, et prend la plume occasionnellement pour décrypter ce continent aux milles facettes.