Au delà des analyses des conséquences économiques de ce vote historique, qui a vu le perfide Albion, choisir, le 23 juin 2016, la préservation de sa spécificité contre les promesses, jamais tenues, d’une prospérité vendue sur papier glacé par les eurocrates de Bruxelles, il convient de le souligner: le peuple britannique s’est prononcé pour le repli sur soi, jetant la finance mondiale dans l’effroi le plus total.
Les banques américaines Goldman Sachs, Morgan Stanley, JP Morgan Chase ont toutes plongé du nez à Wall Street. L’onde de choc est tel que la Réserve Fédérale américaine est sur le point de renoncer à l’augmentation de taux, prévue pourtant de longue date. L’indice européenne des banques s’est fracturé de 13% revenant à son niveau de 2012. Les banques britanniques comme Lloyds (-22%), Barclays (-17%) ou RBS (-18%) ont accusé le coup. Idem pour les Françaises à l’instar de Société générale qui lâche 18,45% et BNP Paribas -16,49%. Ces chutes en cascade qui tiennent plus de la psychologie des foules que des fondamentaux montrent quelque part que le marché était en faveur du Bremain. C’est peut être la première fois qu’on voit le camp des conservateurs britanniques et celui de la finance évoluer en sens contraires.
Signe du chamboulement à venir dans les marchés de change, la livre sterling a plongé, affichant son plus bas historique vis-à-vis de l’euro. Convenons-nous en, cette sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne n’arrêtera pas la planète finance. Le mariage entre la London Stock Exchange Group et la Deutsche Börse aura bien lieu. Cette fusion à 30 milliards de dollars montre une certaine déconnexion entre les intérêts de la grande finance et ceux de la majorité des britanniques.
Bref, la victoire du camp du retrait, le fameux Brexit, qui aura certes été d’une courte et précieuse tête, est-elle pour autant celle de la démocratie ? À défaut de l’être, car la démocratie ne se réduit pas en une simple arithmétique de la majorité, ce succès est celui du vieux conservatisme britannique doublé à droite par un parfum de nationalisme intégriste teinté de houliganisme politique, d’une certaine phobie de l’étranger et, osons-le dire, d’un néo-nazisme minoritaire mais décomplexé. Le coup de poignard qui a coûté la vie a une député favorable au maintien dans l’Union Européenne illustre l’intolérance qui a émaillé ce référendum.
Maintenant que le loup de mer va retrouver sa posture séculaire de marchand et de trader intermédiaire entre les deux rives de l’Atlantique, comme au 17ème siècle, que va devenir l’Union Européenne? La première puissance économique au monde profitera -t-elle de cet avertissement pour faire son bilan et repartir du bon pied?
Deux possibles s’offrent à l’ex CEE: se doter d’une gouvernance politique forte, d’un ministère des Affaires étrangères et d’un département du Trésor à l’américaine. Ou poursuivre cet agrégat apolitique d’Etats indépendants réunis autour d’un marché unique qui produit du chômage de masse, de l’inflation et de l’extrême droite.
A notre sens, ce Brexit qui menace de faire boule de neige en Hollande et ailleurs est le remake d’une guerre de sécession qu’en son temps l’Amérique avait maté dans le sang. A la différence des canons des Etats confédérés du Sud, c’est avec les télévisons et l’Internet que se mène aujourd’hui la bataille. L’Amérique a dû livrer combat pour sauver son union et faire avancer, timidement, la cause des anti-esclavagistes. L’Europe devrait, avec ou sans Brexit, s’interroger sur les raisons de cette phobie de l’autre et de l’explosion des extrêmes droites qui vont à l’encontre de la démocratie et des droits de l’homme qu’elle balance parfois de l’autre côté de la Méditerranée à coup de canons et de rafales qui lui valent, en retour, cet afflux sans précédent de réfugiés.
Adama Wade