Sa main serait derrière la tentative de coup d’Etat qui a secoué la Turquie le 15 juillet dernier. Plus de 70% de ses compatriotes accréditent cette thèse, selon un sondage mené par l’institut d’opinion Andy-Ar . Ses partisans ou supposés tels sont traqués dans la police, l’armée, l’administration et la rue. Plus de 60 000 interpellations, placements en détention et exactions sont signalées en moins de deux semaines. Aucun secteur d’activité n’est épargné. L’opérateur Türk Telecom a été forcé de se séparer de 198 de ses employés soupçonnés de sympathie pour celui dont personne n’ose prononcer le nom.
Turkish Airlines a licencié 211 personnes pour des liens supposés avec cet homme que le pouvoir en place accuse avec vigueur d’être l’instigateur du putsch.
Et pourtant, aucune preuve formelle n’est établie jusque-là quant à son implication directe dans ce coup d’Etat raté qui a fait 270 morts dont 24 mutins.
Réfugié aux USA depuis 1999, Fethullah Gülen serait plus dangereux que Ben Laden d’après le ministre turc des des Affaires européennes, Omer Celik. Dés le lendemain de la tentative de coup d’Etat, le président Erdogan a exigé des USA l’extradition de cet islamiste, à la tête d’une organisation structurée (FETO/ PDY) qui combine des oeuvres de bienfaisance, de la prédication et, surtout, des critiques systématiques de l’actuel régime, islamiste pourtant, en place depuis 1998. Longtemps alliés, Gülen et Erdogan partagent une même hostilité des Kémalistes, héritiers de la doctrine laïque de Mustaha Kemal Attatürk, fondateur de la Turquie moderne. Les deux hommes n’ont pas la même vision de l’entreprenariat, de l’argent et du rôle de l’Etat. Libéral, Güllen à séduit l’Amérique qui voit en lui une version musulmane du protestantisme calviniste à l’origine de son miracle.
Gülen serait partie prenante ou inspirateur d’ un mouvement patronal (Tukson), d’enseignes bancaires, de journaux et d’un réseau d’écoles en Turquie et dans le monde, d’ONG et d’entreprises sous le nom d’Hizmet (Service, en turc).
Les tentacules de l’organisation guleniste s’étendent jusqu’au Nigeria où 17 écoles estampillées turques seraient en réalité des relais du célèbre opposant. Pourtant, en dépit des accusations, rien ne permet pour l’heure de dire que Gülen est derrière le putsch perpétré par l’armée. L’ancien imam, âgé de 75 ans, a condamné le coup d’Etat et rappelé son opposition à la non violence dans un éditorial publié par le New York Time.
Dans ce texte publié à la veille de la visite du chef d’Etat-major de l’armée américaine en Turquie, Fethullah Gülen dénonce «l’évolution du gouvernement Erdogan vers une dictature» et s’inquiète de ses effets sur la société turque. Pour préserver la paix et la démocratie au Moyen-Orient, «les États-Unis ne doivent pas céder à un autocrate qui est en train de profiter d’une tentative de putsch pour réaliser son propre coup d’État au ralenti», exhorte l’opposant turc.
Le président américain Barack Obama a prévenu qu’une éventuelle extradition du septuagénaire se ferait en conformité avec la loi américaine, exigeant des preuves formelles de l’implication du prédicateur réfugié en Pensylvanie.
En réponse, le président Recep Tayyip Erdogan a promis des éléments de preuves dans les prochains jours. Il a affirmé que le chef d’Etat-major, pris en otage par les putschistes, s’était vu proposer par ses ravisseurs une conversation téléphonique avec Fethullah Gülen.
Rappelons que déjà, en janvier 2016, l’imam originaire de l’Anatolie avait été jugé, par contumace, pour « constitution d’une organisation terroriste » et « tentative de coup d’État ». Il était accusé d’être à l’origine d’un scandale de corruption ayant ébranlé le régime d’Erdogan fin 2013.
Khalid Berrada, Casablanca