Le projet de loi de Hon Femi Gbajabiamila visant à restreindre l’accès à l’emploi des ressortissants étrangers dans le pays va passer en deuxième lecture. Selon M. Gbajabiamila, l’initiateur, c’est important pour lutter contre le chômage dans le pays. Le projet de loi, s’il est adopté, instituerait une amende de 1 à 2 millions de nairas aux contrevenants employant des étrangers, au lieu de Nigérians.
Ce n’est pas la première fois que des autochtones s’attaquent à des étrangers en les accusant de voler leurs emplois. Déjà en 1972, l’ancien président ougandais, Idi Amin avait fixé aux étrangers un ultimatum de 90 jours pour quitter le pays. En 2015, les Sud-Africains ont violemment attaqué des étrangers en les accusant de voler leurs emplois, alors même que seulement 4% de la population active étaient étrangère. Le Soudan du Sud impose également des restrictions concernant l’emploi des travailleurs étrangers. Le Nigeria semble marcher sur les traces de Singapour qui avait introduit « The Fair Consideration Framework», une loi qui assurait aux Singapouriens l’accès prioritaire aux emplois avant les expatriés.
Il est pourtant regrettable de constater qu’au moment où l’Union Africaine pousse à l’ouverture des frontières pour permettre la libre circulation des travailleurs et des biens, un groupe de législateurs Nigerian pense que le meilleur moyen de résoudre les problèmes du chômage est de fermer ses portes aux étrangers. On pourrait penser, à travers cette mesure que Hon Gbajabiamila défend l’emploi des Nigérians mais cela met surtout à nu l’échec des élus incapable de créer un cadre favorable à l’emploi. Au lieu de résoudre les problèmes structurels du pays, il préfère crier au loup en reportant le problème sur les méchants étrangers qui volent les emplois des Nigérians.
Le gouvernement ferait mieux d’analyser le contexte de manière à comprendre les raisons qui font que les Nigerians n’ont pas toujours les qualifications pour répondre à aux exigences de certains emplois occupés par des étrangers. De plus, l’instauration d’une limite à l’accès au travail des étrangers dans le pays risque se retourner contre les Nigerians de la diaspora qui ont des emplois hors du pays si les autres pays décidait d’appliquer la réciprocité. Est-ce que cela ressouderait la crise du chômage?
Ainsi, les responsables devraient s’atteler à prendre des mesures concrètes afin d’améliorer la création d’emplois dans le pays. L’un des moyens serait d’améliorer la qualité de l’éducation dans le pays. Il y a seulement quelques semaines, plusieurs des meilleures universités du pays ont été fermées. Les étudiants à l’université ne reçoivent pas éducation adaptée aux exigences de gestion des entreprises modernes, ce qui les rend inemployables. Les employeurs ne peuvent pas prendre le risque d’embaucher des jeunes sous qualifiés au nom du patriotisme. Zac Thomas, un entrepreneur britannique vivant à Singapour, soulignait justement que réussite d’une entreprise repose sur la faculté de mettre le bon homme au bon poste, et que les universités et les gouvernements devraient mettre en oeuvre de meilleurs programmes de formation pour accroître les chances d’employabilité des jeunes.
Malheureusement, nombre de Nigérians s’illustrent par leur mauvaise attitude au travail, leur manque d’éthique, un travail médiocre, la corruption. Ainsi, les entrepreneurs soucieux du développement de leur entreprise recrutent le personnel qui est capable de répondre à ces exigences de progrès. On ne peut pas dire que les entreprises préfèrent embaucher des étrangers car lorsque des Nigérians ont les qualifications nécessaires, ils sont facilement embauchés.
D’évidence, pour faciliter la création d’emplois, au lieu de se replier, le Nigeria a besoin de s’ouvrir. Les autorités devraient mettre en place toutes les mesures permettant aux entreprises de s’équiper à moindre coût pour développer leurs activités, développer les infrastructures, supprimer les entraves juridiques à la création d’emplois, etc. Le gouvernement devrait également revoir sa fiscalité afin d’inciter les étrangers à contribuer au développement du pays, et par la suite à créer des emplois. C’est de cette façon que le chômage pourra durablement reculer. Ce n’est surement pas en stigmatisant les étrangers. Les taxes sur les PME devraient également être réduites pour leur permettre de se développer et d’embaucher plus de gens.
Ainsi, fermer les portes aux étrangers ne résoudra pas le problème de chômage. Au lieu de cela, les Nigérians doivent soutenir les entrepreneurs immigrants et même assouplir les restrictions de visa, sinon cela pourrait se traduire par la perte d’opportunités économiques en bloquant les talents aux frontières du pays.
Olumayowa Okediran, directeur des programmes Students for Liberty au Nigeria.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.