Par Khalid Berrada.
Le suspens n’aura pas duré longtemps lors des législatives marocaines du vendredi 7 octobre. Le Parti de la Justice et du Développement (PJD) est sorti victorieux de son duel annoncé avec le Parti Authenticité et Modernité. La campagne fut féroce, ponctuée de guerre des ondes entre le ministre de la Justice, Moustapha Ramid, l’une des figures de proue de la formation islamiste, et le ministre de l’intérieur, Mohamed Hassad, un technocrate qui a eu à occuper plusieurs fonctions stratégiques.
Fort de 125 sièges dont 198 au titre des circonscriptions locales et 21 sur la liste nationale , les islamistes modérés signent un nouveau bail de quatre ans avec le peuple marocain.
En dépit d’un bilan économique mitigé, la formation islamiste s’est imposée dans un champ politique en polarisation entre conservateurs et modernistes. Certains médias proches des courants modernistes ont fustigé un discours « populiste » basé sur la lutte contre la corruption et la restauration des valeurs. L’usage de l’expression « Tahakkoum » (Etat profond) en slogan par le premier ministre Abdellilah Benkirane, en réaction au « Benkirane Dégage » brandie lors d’une « marche spontanée » illustre l’âpreté des débats.
Quant au PAM, fondé il y a à peine huit ans par Fouad Ali Himma, proche conseiller du Roi Mohammed VI, il remporte 102 sièges au et s’impose comme chef de file de l’opposition, profitant de la perte de vitesse des vieilles formations politiques que sont le parti de l’indépendance et du grand Maroc, l’Istiqlal, et l’Union socialiste des forces du progrès (USFP).
Le parti de feu Allal Fassi remporte 46 sièges, suivi du Rassemblement National des indépendants (RNI) avec 37 sièges et du Mouvement Populaire (27 sièges).
L’USFP qui symbolise la gauche marocaine poursuit son recul de la scène politique (20sièges ) devant l’Union Constitutionnelle (19 sièges ), le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS) avec 12 sièges.
Le déclin de l’Istiqlal et de l’USFP confirme la reconfiguration du champ politique marocain depuis la promulgation de la constitution de 2011 consécutive au printemps arabe et consacrant dans ses textes que le parti arrivé à la tête des législatives dirige le gouvernement.
Le score du parti du premier ministre Abdellilah Benkirane le place donc dn pôle position pour former un gouvernement d’alliances plus opportunistes que politiques avec un spectre de partis allant du nationalisme à la gauche écologique.
En 2011, il a fallu trois mois pour former un gouvernement. Pour cette fois-ci, le PJD dispose de certains choix dont la réconciliation avec son allié de l’Istiqlal qui avait quitté la coalition gouvernementale en 2013. Rien ne semble dire que le RNI ferait partie de ce gouvernement. À entendre Salehdeddine Mezouar, ministre marocain des Affaires Etrangères, l’un des leaders de ce parti, une alliance dans l’autre sens est possible. « ….le PAM a été depuis sa création en 2008, toujours proche de nous. Nos relations sont courtoises, malgré des frictions locales. Nous oeuvrerons en tout cas dans un esprit de tolérance et de stabilité des institutions ». Le positionnement du RNI pourrait être décisive pour l’un des deux partis arrivés en tête. Dans tous les cas, la bipolarisation du champ politique marocain est consommée.