La campagne électorale qui était entrée dans sa dernière ligne droite se termine bientôt. Les 320 millions d’habitants que comptent les États-Unis vont élire, ce mardi, un président que le monde entier découvrira dans moins de 48 heures. Les deux candidats en lice, Hillary Clinton, ancienne secrétaire d’État, et Donald Trump, un milliardaire inconnu il y a peu, se sont accablés d’invectives, dans une fin de campagne pleine d’un suspens redouté, du fait d’un resserrement des sondages.
Le FBI qui vient de livrer son verdict reconnait n’avoir rien à reprocher à la candidate démocrate. Peu importe, cela n’aura aucun impact sur l’issue d’un scrutin qui aura divisé d’avantage l’Amérique entre sa population blanche moins diplômée et les autres. Voila qui augure d’autres complications pour le vainqueur qui héritera d’une tache très ardue.
Depuis le dernier débat où Hillary Clinton était donnée gagnante, l’intervention du FBI en pleine campagne sur ses dossiers de mail, a remis en selle le candidat républicain qui était à la peine. L’irruption de cette affaire, que la candidate démocrate traîne comme une chape de plomb depuis le début des élections, n’est pas fortuite au resserrement des sondages en cette fin de campagne. Selon la dernière enquête d’opinion, Tump devancerait sa rivale démocrate et serait capable de la battre.
L’incertitude de la situation était telle, que l’actuel président, Barak Obama, et la première dame, ont décidé de voler au secours d’Hillary. Comment une personnalité comme Donald Trump, aux déclarations à l’emporte-pièce aussi calamiteuses que haineuses, a pu s’imposer à l’investiture républicaine ? Comme toujours, l’Amérique surprendra et rien n’est impossible dans ce pays. Le phénomène Donald Trump est bien le produit d’un système défaillant. Politicien atypique et électron libre de la droite américaine, Trump a bâti sa popularité sur un anticonformisme en rupture totale avec l’idéologie de la Doxa de l’establishment.
De par sa dimension stricto populiste déroutante et son positionnement politique, Trump fascine quand il se lance dans une diatribe anti libre échangisme et interventionnisme, agrémenté d’une haine viscérale contre les latinos, les noirs et les musulmans. En cela, il revendique une rupture totale avec les codes. L’Amérique de la classe politique traditionnelle, confuse et désaxée, n’a pas une lecture appropriée de ce populisme qui captive. Et pourtant, même si Obama n’a pas tout réussi, les Etats Unis sont plus riches qu’ils ne l’étaient il y a 8 ans quand il a pris le pouvoir dans une bourrasque économique.
Quelques chiffres parlants pour étayer cette assertion et mieux comprendre : La recapitalisation du système financier, le plan de soutien budgétaire à la croissance et le plan sectoriel pour redresser l’industrie automobile ont été salutaires pour l’économie Américaine. En 2015, 17 millions de voitures ont été vendues sur le territoire. Une croissance de l’ordre de 2.4% plus rapide sur la période, que l’ensemble des pays européens. Alors que l’économie américaine détruisait 800000 emplois par mois et affichait 10% de chômage en 2008, Le pays caresse le plein emploi avec 13.6 millions de nouveaux emplois, et un taux de chômage en dessous de 5%.
Il est vrai que les salaires horaires réels ont augmenté de façon marginale puisqu’ils n’ont gagné que 7% en autant d’années, ramenant le revenu médian d’un ménage, à 55775 dollars en 2015. Ce qui est bien en deçà de 57724 dollars en 2001. C’est précisément à ce niveau du déclassement social qu’il eut un terreau propice pour ainsi dire, au populisme du candidat républicain, dans une Amérique qui représente 24% du PIB mondial.
Certes, on ne peut nier le fait que les inégalités ont prospéré de 2013 à 2014. La preuve, les revenus des 1% les plus riches, ont cru de 11% contre 3.3% pour les 99% les moins riches sur la même période. Les noirs, les latinos et les blancs moins qualifiés, ont tous vu leur situation se dégrader. Si Obama a pu éviter aux Etats-Unis le déclin économique, il n’a hélas, pas réussi à combler le fossé entre riches et pauvres. En revanche, il serait injuste de lui imputer tous les maux dont souffrent les Américains.
De plus, c’est méconnaître le fonctionnement des institutions fédérales de ce pays, en s’imaginant que le président disposerait de tous les leviers pour agir. Notons qu’un président aux Etats-Unis est moins puissant que ne l’est par exemple un président en France. Le rôle du congrès est capital, c’est l’acteur central de la politique américaine. Son hostilité face à Obama durant son dernier mandat explique pourquoi il ne pouvait pas reformer à souhait. Chacun se souvient de L’Obamacare (la sécurité sociale) que le président Clinton n’a pu faire en son temps.
Une telle situation est pénalisante pour l’exécutif, elle génère un sentiment de déclassement qui participe du malaise social dans la mesure où le président ne peut pas initier les reformes qu’il aurait voulu réaliser. C’est justement là, où le bat blesse d’autant plus que c’est la masse des déçus des promesses non tenues qui revigorent le candidat républicain qui se surprend à rêver d’une victoire.
Dans tous les cas, l’élection aux Etats-Unis relève d’une arithmétique électorale implacable. La difficulté de l’équation ne peut être résolue qu’en s’appropriant le collège des grands électeurs, les swings states. Trump, en dépit de son talent, aura du mal à ravir la majorité des 260 voix requises pour la victoire. Quant aux démocrates, il leur faut atteindre un double objectif, la maison blanche et le congrès, pour pouvoir appliquer librement la nouvelle politique sociale inclusive d’Hillary.
COULIBALY SIDY.