Par Maria Nadolu
Comme vous l’avez peut être déjà remarqué, en visitant l’Europe ou tout simplement en lisant les news, il y a une certaine fascination «Rom ».
Originaires de la péninsule indienne, ce peuple à traits particuliers, souvent méconnu et discriminé au long de l’histoire, est constitué de minorités vivant entre l’Inde et l’Atlantique. La théorie qu’on agrée plus récemment se réfère à leur origine provenant de la péninsule indienne, étant parmi ceux qui exerçaient des métiers nécessaires à la communauté, mais, considérés comme religieusement « impurs », n’ayant pas la facilité d’être sédentaires. En Inde, ils sont connus sous des noms comme Banjara, Doma, Lôma, Roma ou Hanabadosh, Tsiganoi parmi les Byzantins (d’où Tsiganes), Cingene parmi les Turcs, Manuschen pour les Croisés germanophones et Gypsies pour les Croisés de langue anglaise, Romani-çel pour eux-mêmes. La plupart des Roms, une fois parvenus en Europe du Moyen Age, se mirent sous la protection des seigneurs nobles et des monastères ou abbayes, continuant à exercer leurs métiers traditionnels.
Leurs histoire fut tortueuse, comme les méandres de leur voyage plein de couleurs, de folklore, d’esclavage, de para-légalité et de métiers artisanaux. A présent, entre 10 et 12 millions de Roms vivent en Europe, dont 6 au sein de l’Union européenne.
Le manque d’intégration et/ ou d’adéquation des politiques sociales, les ressources limitées, aussi bien que la disparition de l’utilité de leur métiers dans un monde hyper- industrialisé, ont causé des malheurs. Des stéréotypes sociaux négatifs se sont dressés sur leurs chemins. Pire, ces stéréotypes ont servi de cartes politiques en temps de crise, de l’Union Soviétique à la France, en passant par la Suède ou la Suisse. Selon une opinion publiée dans Le Monde Diplomatique «le passé de l’Europe rappelle combien la classification ethnique est dangereuse lorsqu’elle devient un principe organisateur. Car la construction artificielle à l’échelle européenne d’une question Rom renferme les germes d’une exclusion globale. »
Aujourd’hui, l’ on doit être créatif afin de combattre les effets de cette histoire.
Mestesukar BoutiQ, marque de l’Association Romano BoutiQ, fait un bon travail dans ce sens -la. Cette association roumaine à but non lucratif a démarré un projet d’entreprenariat social avec l’objectif de revitaliser l’artisanat Rom par le billet du design contemporain et de combattre les stéréotypes négatifs, tout en offrant un futur plus stable aux communautés défavorisées.
Actuellement, l’association dispose d’un réseau de plus de 50 artisans actifs et travaille avec une équipe de 4 designers internationaux sur le développement de produits. MBQ crée des revenus en vendant des produits de style de vie: bijoux, vêtements et objets maison-décoration. Chaque objet vendu génère des revenus directs pour les artisans Roms. Environ 50% du prix de vente revient à l’artisan. Tout en gardant l’âme du projet, les prochaines étapes d’évolution visent le développement de la capacité de production, la création continue de nouveaux produits et l’identification de nouveaux partenariats.
Entretien avec Andrei Georgescu, gérante de Mesteshukar butiQ.
Comment est née l’idée du projet ?
Dans la première phase, à l’initiative de Ciprian Necula et Khalid Inayeh, on a fait une étude sur l’artisanat dans les communautés Roms. Par la suite, on a décidé de faire vendre leur produits et de leur offrir une consultante par rapport au développement de la coopérative et à la commercialisation etc. En ce moment, l’Atelier itinérant Romano BoutiQ est né. Au début, on organisait des événements, des foires avec de la musique et des expositions d’artisanat à travers le pays. Les produits se vendaient bien. Le brand Mesteshukar butiQ fut créé. Il y a eu des tentatives de production de collections et des objets traditionnels avec les artisans. Finalement, la conclusion a été que les produits, même intéressants, ne s’adressaient pas au public contemporain. Le brand fut révolutionné il y a deux ans, quand ont commencé les collaborations avec des designers contemporains du high-end Viennois. Nadja Zerunian a pris tous les objets et les a re-créés, re-stylisés. Peter Weisz a été attiré par Nadja. Peter fait des vêtements et Nadja les bijoux et le design des objets. Ils travaillent pour Bono mais le financement du développement du produit, qui a pris presque un an, vient de la Fondation Erste de Vienne et CFFD Terre Solitaire de France.
Comment avez-vous justement réussi à obtenir les premières sources de financement ?
De la Fondation Erste. Nous avons participé à un prix des idées d’innovations sociales avec le Mesteshukar butiQ. On a remporté le prix. Avec le le financement, on a développé le projet avec les communautés. Après un an, le bailleur nous a contacté en nous demandant où en étions-nous et si nous avions besoin de plus pour le développer. C’est la Fondation qui nous a mis en contact avec Nadja. En effet, elle fut appelée pour évaluer le potentiel de notre projet ; mais elle est tombée amoureuse du concept et des artisans et a manifesté son désir de collaborer. A présent, on a démarré une autre ligne avec un atelier de design suédois, spécialisé dans le développement du design contemporain à partir de la rencontre des cultures traditionnelles, Glimpt. Ils ont déjà travaillé avec l’Afrique du Sud, le Pérou et le Vietnam.
Quelle est l’histoire du Mesteshukar butiQ brand ?
Le parcours est clair. On a commencé à partir du plus grand stéréotype retenu suite à l’étude qu’on a fait autour de la question. L’on croit que les Roms ne veulent pas travailler, ce qui détermine leur destin en tant que « paria ». C’est le stéréotype no. 1 en Roumanie. Comment combattre l’ignorance et le manque d’information ? Quel est l’élément le plus palpable ? Ce ne sont pas les campagnes de communication mais les objets d’artisanat eux mêmes. Les artisans sont nombreux et bien connus dans leurs communautés, même si celles –ci peuvent être isolées. Il y a tout un aspect nostalgique par rapport au temps passé quand leurs produits étaient appréciés par tout le monde : les petites chaises en bois, les paniers classiques, les chaudières d’alcools etc. On a été convaincu qu’en faisant la promotion des Roms ayant une contribution prouvée à notre société, les gens vont commencer à changer leur perception. C’était le fondement du Mesteshukar butiQ. La revigoration de l’artisanat rom et de l’image Rom.
L’initiative est venue de la participation de gens au sein de la communauté Rom. Ce qui a propulsé le brand et nous a offert la visibilité et les moyens d’ouvrir une boutique au centre, c’est le fait qu’on a voulu devenir cool, intégrés, contemporains. Cette perception a pu être travaillée par rapport aux associations que le mental fait. Au début, on fréquentait toutes les foires classiques d’artisanat traditionnel. Puis, nous avons pris un choix assumé de ne plus participer à ces événements. Mais à la fin, s’exclure du circuit actuel et se renfermer dans sa boule tue l’artisanat. Le traitement exclusiviste, comme une chose à part, qui ne trouve plus son utilité dans la vie contemporaine, est à éviter.
Si on veut que l’œuvre soit vue et appréciée, on doit l’emmener dans la zone mainstream. Et on a décidé de se montrer la où on s’attendait pas à nous trouver : Design Week, la foire de design bijoux – auteur. Maintenant, on est à Vienna Design week où on a été très bien reçu ; les ventes sont assez importantes, preuve de l’intérêt. Ce type de preuve est très important quand on parle du design et d’entreprenariat social: il y a une tendance conceptualiste, et tout le monde s’intéresse à l idée, mais finalement la confirmation du succès c’est l’intérêt du publique et la vente. Ce n’est pas qu’acheter que pour l’histoire mais apprécier l’objet en soi.
Dans le business entrepreneuriat social, comment se positionner entre le social et commercial ?
L’essentiel : on ne doit pas chercher le profit dans un business social. Qu’une petite partie, moins de 10 %, soit retirée en tant que dividende, soit. Le reste doit être réinvesti dans des projets pour la communauté. Parmi les avantages : accès aux sources de financement, spécialement non remboursables, aux fondations et à d’autres partenaires avec lesquels on peut construire bien des choses. Le paradoxe : rompre le cercle des besoins. Nous avons choisi de le casser au niveau économique même si c’est plus cher et laborieux de travailler avec les artisans que d’aller à l’atelier du coin. L’on a dû démontrer la viabilité de notre projet auprès des nos donateurs. À la fin, la question cruciale est celle-ci: qui est ton premier donateur?
Qu’est ce qu’il a déterminé vos premiers donateurs à vous soutenir ?
En 3 semaines, on a fait 70 présentations. Jusqu’à réussir à avoir de l’argent. J’estime que ce qui a été déterminant fut le fait que notre idée était évidente mais personne n’y avait pensé. C’est clair que si on a des artisans qui savent faire des cuillères , c’est mieux qu’ils fassent des cuillères , peut être plus belles, plus «designées» mais des cuillères qu’on peut vendre, au lieu de leurs offrir des formations de reconversion professionnelle pour qu’ils deviennent des maçons, des gouvernantes ou bien qu’ils tâtent de l’entreprenariat, simplement par ce que l’Union Européenne finance cela.
Notre vision était basée sur un acquis: le métier qui était déjà propre aux communautés défavorisées et qui, en plus, avait une forte dimension culturelle. On voulait les accompagner faire quelque chose de concret, de palpable. En plus, on offrait une alternative plus réaliste du point de vue financier : malheureusement l’Etat a une façon de travailler dans le soutien qui crée de dépendances. Dans ce contexte, il y a toujours une marge de manœuvre politique très confortable. Ont parle souvent des aides mais cela crée des dépendances sans offrir de solutions long terme. C’est simple de répondre aux besoins immédiats de manque de nourritures ou de logements ; mais ça n’assure pas le futur ! Et c’est la où on a voulu intervenir.