François De Combret, ami du président guinéen depuis Paris, dans les cours de Sciences-Po, est au centre du vaste scandale d’emails et d’enregistrements sonores qui éclaboussent en ce moment le pouvoir guinéen. L’homme, bien soigné, aux allures d’un lord britannique, est un énarque (major de sa promotion au concours d’entrée en 1963) et magistrat à la Cour des Comptes.
Ce banquier discret qui a servi de secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Valéry Giscard d’Estaing avant de basculer définitivement dans le monde du business, en 1981, sous le label de la banque d’affaires Lazard en tant qu’associé-gérant, jouait un rôle de discret intermédiaire entre les multinationales et le palais présidentiel guinéen. Patron de la socièté de conseil FC Finance, il conseille personnellement le président guinéen aux côtés de deux autres monstres du business: Tony Blair et George Soros.
Mais une fuite d’e-mails, mi-novembre, met à nu l’influence de cet homme, résident en Suisse, dans les négociations minières. Les révélations sont mises à jour dans le cadre d’une enquête interne de Rio Tinto. En réaction, la multinationale (qui a annoncé en mars 2016 son retrait de la Guinée et qui a négocié son retrait, le couteau entre les dents, au profit de Chinalco) procède au licenciement de deux de ses principaux dirigeants et avertit les justices américaine, britannique et australienne.
En fait Rio Tinto, se venge d’Alpha Condé par une fuite d’emails apparemment bien organisée, qui met à nu, certes, les pratiques occultes au coeur du pouvoir guinéen, mais aussi, les coutumes de ses propres cadres qui peuvent payer 10 millions de dollars de commissions et attendre cinq ans, soit après que le contrat soit perdu, pour faire l’objet de sanctions. Qui veut-on tromper? La Banque Mondiale qui s’est elle aussi retirée du projet n’était pas non plus au courant de telles pratiques. Quant à l’Israélien Beny Steinmetz, dépossédé en 2011 au profit de Rio Tinto, il projette de lancer des plaintes tout azimut, lui qui dénonçait la corruption autour de ce dossier toxique.
Les échanges d’e-mails compromettant révèlent que le 10 mai 2011, soit quelques jours après la signature de l’accord de 700 millions de dollars, Tom Albanese, alors directeur général de Rio Tinto, Sam Walsh, responsable de la branche minerais, et Alan Davies, responsable des opérations internationales, se sont mis d’accord pour verser 10,5 millions de dollars à de Combret. « Je sais que c’est beaucoup d’argent » (NDRL: une concession de 700 millions de dollars), écrit Alan Davies. « Mais je souligne que le résultat que nous avons obtenu a été significativement amélioré par la contribution de François, ses services, uniques et inimitables, et sa proximité avec le président.
Le gouvernement guinéen a réagi en affirmant, dans un communiqué du président lui-même, puis du ministre des Mines, que les autorités ignoraient que de Combret travaillait au service de Rio Tinto. À un moment où, déplore le gouvernement, de Combret avait pourtant accès à des informations très confidentielles. Pour mieux appuyer la thèse officielle, : »cela pose des soucis légaux et éthiques si, comme le suggèrent les informations parues dans la presse, M. de Combret fournissait des informations privilégiées en échange de grosses sommes d’argent », souligne Abdoulaye Magassouba, ministre des Mines, dans un communiqué.
Ce lâchage en règle est-il à la base de nouvelles révélations que France 24 a publié en exclusivité? Ecouter ces enregistrements datant de 2012 ici où une voix qui rassemblerait à celle du président Alpha Condé déclare qu’il n’y a pas de concession s’il n y a pas de downapyment. L’enregistrement ne permet pas d’établir si le « downpayment » se réfère à la commission des 10,5 millions de dollars qu’aurait touchés de Combret ou au contrat de 700 millions de dollars.
La gestion du secteur minier Guinéen depuis l’arrivée du président Condé au pouvoir en 2010 souffre, en toile de fond, des effets collatéraux de la bataille opposant le milliardaire franco-israélien Beny Steinmetz et le pouvoir de Conakry . Une enquête préliminaire du parquet national financier est en cours en France. Le FBI américain s’est saisi du dossier depuis quelques années.
Mamadou Diallo