Plus de 24 heures après le début, vendredi 6 janvier, de la mutinerie des soldats à Bouaké (300 km au Nord d’Abidjan), à Daloa (centre Est) et à Korogho (Nord), le mystère demeure. Le mouvement qui a pris le contrôle de Bouaké et en filtre les entrées a gagné de nouvelles localités à l’Ouest, au Nord Est et au Sud-Ouest dont Daoukro (Centre-est), Man, Touleupleu, Duékoué, Taï, Tabou et Bouna, où des tirs se font entendre depuis la soirée de vendredi et la matinée de samedi, a constaté l’AIP (Agence Ivoirienne de Presse).
Le mouvement a gagné Abidjan, capitale économique, ce samedi. Des soldats ont érigé des barricades dans les environs de l’ancien camp d’Akouédo dans la commune de Cocody, laissant entendre des tirs à l’arme automatique, a constaté l’AIP. Les mutins sont également visibles au rond-point Blaise Pascal et au rond-point de la Clinique st Viateur.
Apparemment, le communiqué du ministre de la Défense, Alain-Richard Donwahi, émis dans l’après midi du vendredi et appelant les soldats à regagner leurs casernes tout en promettant de trouver une réponse appropriée à leurs doléances, n’a pas calmé les ardeurs.
Les revendications des mutins concernent des augmentations de salaires et des éclaircissements sur une prime « Ecomog » non perçue lors de la bataille d’Abidjan en 2011. À l’époque, quelque 8400 militaires des rangs de l’ex-rébellion ont pris les armes à la place des forces de la CEDEAO, mettant fin à la crise post-électorale née du refus de l’ancien président, Laurent Gbagbo, de reconnaître sa défaite concédée face à Alassane Ouattara.
Aujourd’hui, ces soldats réclament les paiements non perçus, à savoir une villa et 5 millions de FCFA (7 600 euros) pour chaque militaire. Encouragés par le précédent de novembre2014, qui a vu le mouvement d’humeur de plusieurs soldats, finir par des négociations et des promesses de paiements d’arriérés, les mutins d’aujourd’hui rappellent au régime actuel qu’il n’a pas soldé tous ses comptes avec son passé tumultueux. L’actuel président, Alassane Ouattara, ne s’était§il pas engagé, sous pression, lors des mutineries de novembre 2014, à verser aux militaires des arriérés de soldes impayés de 2009-2011 et de 2011-2014?
Dans l’urgence qui a suivi l’installation du pouvoir aux lendemains de la bataille d’Abidjan, l’urgence était à la reconstruction . L’armée avait été réformée, grossie par d’ex-seigneurs de guerre, sous l’œil vigilant d’un pouvoir civil qui a, certes, récompensé les généraux mais pas encore la soldatesque qui tenait les routes et les villages du Nord, se nourrissant sur la bête et les trafics selon les schémas de toute économie de guerre.
En définitive, ce nouveau mouvement d’humeur- bien coordonné -, semble naître d’une comparaison factuelle entre les salaires et traitements du soldat sous le drapeau des FACI (Forces Armées de Côte d’Ivoire) et de la taxe informelle prélevée du temps de la rébellion le long des routes poussiéreuses de Korogho et de Bouaké. La comparaison qui est, du point de vue pécuniaire, au désavantage du traitement du soldat dans la Côte d’Ivoire émergente, peut être compensée par une série de cours d’instructions civiques dans les casernes, une formation des têtes de commandement sur le rôle et la mission de l’armée, voire une thérapie collective.
Bien que sortie définitivement de la période trouble, le pays de Houpheit traîne encore des séquelles, jusque dans son armée, devenue le talon d’Achille et la zone d’ombre d’une démocratie en plein essor. Samedi, des négociations étaient en cours à Bouaké entre l’Etat et les mutins. La plupart des corridors auraient été rouverts. Le président Ouattara qui a quitté Abidjan pour assister à l’investiture du nouveau président ghanéen devrait regagner le pays dans l’après-midi pour un conseil des ministres consacré à la question.