Ceux qui l’avaient vite enterré en 2015 lors du scandale des écoutes téléphoniques entre Ouagadougou et Abidjan doivent déchanter. Gillaume Kigbafori Soro, 44 ans et toutes ses dents, est bel et bien là, impétueux comme un soldat qui a traversé un champ de mines en déjouant des tirs nourris de balles ennemies et amies. Réélu brillamment, lundi 9 janvier 2016, à la présidence de l’assemblée nationale de Côte d’Ivoire par 230 voix sur 252, soit plus de 95% des suffrages exprimés, le député de Ferkessédougou (circonscription qu’il a raflé à 98% lors des législatives du 18 décembre 2016) a survécu à tous les pièges d’un échiquier politique ivoirien qui bruit d’ambitions diverses.
Quitte à s’allier avec l’ennemi d’hier, le Front Populaire Ivoirien ( FPI) de Pascal Affi Nguessan, à fermer les yeux devant les manœuvres discrètes de ceux qui veulent lui barrer la route sans se dévoiler, en s’appuyant parfois sur des rapports commandités auprès d’obscurs experts de l’ONU, Guillaume Soro est sorti renforcé de cette épreuve de force, cristallisant regards et interrogations sur son destin politique à moyen terme. Après sa brillante réélection face à l’indépendant Evariste Edouard Méambly Tié, qui a engrangé 12 petites voix, Guillaume Soro doit maintenant se préparer à la dernière ligne droite qui le conduira vers 2020. Pourra-t-il survivre encore trois ans dans un champ politique ivoirien où la grosse artillerie médiatique et politique se fait déjà entendre ?
L’ancien «Che » de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI, organe syndical qui a propulsé sa génération, à lui et à Blé Goudé, au -devant de la scène politique) a passé une période 2015 et 2016 en esquivant les coups, parfois à visage découverts. Mais souvent, c’est derrière les masques dogons et mossis, que «Bogotha » a subi les attaques les plus virulentes.
L’on ne sait presque rien, aujourd’hui encore, sur les commanditaires politiques de cette brigade légère et sémillante qui est partie fouiller les grands hôtels parisiens et son domicile dans la ville des lumières à sa recherche, en décembre 2015, suite au mandat d’amener délivré par la juge d’instruction parisienne Sabine Khéris.
Rien non plus sur les attaques virulentes qui le pousseront, une fois de retour au pays, à improviser un discours rare par la vigueur qui lui vaudra une standing ovation au parlement ivoirien. Impulsif, Soro l’est. Impatient, c’est ce qu’il laisse apparaître à travers une politique de communication dont l’axe principal est twitter, canal de diffusion de certaines de ses grandes décisions comme l’annonce, samedi 7 janvier, en pleine mutinerie, quitte à créer le buzz, de sa candidature.
Toujours est-il que, Guillaume Soro, que l’on croyait isolé dans le couple RDR-PDCI, contesté dans les rangs de l’ex rebellion, est apparu ressuscité au pied de l’avion du président Alasasane Ouattara, samedi dans l’après midi, alors que la mutinerie se rapprochait d’Abidjan. L’homme des grands moments a soudain ressucité de sous les coups de boutoir d’une actualité peu amène sur la Lagune Ebrié.
C’est l’impétueux politicien, accompagné du premier ministre, Daniel Kablan Duncan, qui est venu au pied de l’avion du président revenant d’Accra l’informer de l’évolution de la fronde des casernes. C’est le même Soro qui aurait parlé aux mutins, intercédant pour la libération du ministre de la Défense, brièvement retenu en otage. Le même Soro, aujourd’hui réélu et qui est, de facto, incontournable, pour la grande alternance de 2020 en dépit d’un froncement de sourcils à Paris, dans les loges des grands initiés et les piscines des barbouzes aux oreilles longues .
Soutenu par Henri Konan Bedié et Alassane Ouattara, (le second a déclaré qu’il ne se représentera pas), l’ancien leader estudiantin a toutes ses armes politiques entre les mains. Saura-t-il tenir?