Il y a des tendances trompeuses. Le cours du baril, les humeurs boursières, les records du Bitcoin. Autant d’événements qui expriment un certain désordre ou un encours crainte vive depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Les banquiers et les stratèges politiques qui se retrouvent au sommet de Davos repartiront au moment même où le 45ème président des USA prendre fonction.
L’an dernier, personne à Davos n’imaginait que le trublion républicain puisse être élu président des Etats-Unis. Sa victoire au soir du 8 novembre, moins de six mois après le vote britannique en faveur d’une sortie de l’Union européenne, a fait l’effet d’un pied de nez aux principes chers à l’élite de Davos, de la mondialisation au libre-échange en passant par le multilatéralisme.
Le nouveau président américain se retrouve ainsi figure de proue d’un courant populiste qui gagne du terrain dans le monde développé et menace l’ordre démocratique libéral en place depuis l’après-guerre. Avec les élections à venir cette année aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, et peut-être en Italie, la tension est palpable chez les participants au WEF.
« Quel que soit votre point de vue sur Trump et ses prises de position, son élection a entraîné un sentiment profond, très profond, d’incertitude qui fait forcément planer une ombre sur Davos », déclare Jean-Marie Guéhenno, spécialiste des relations internationales et PDG de l’International Crisis Group, un think tank spécialisé dans la résolution de conflits.
Moises Naim, de la fondation Carnegie pour la paix internationale, est encore plus direct : « Il y a un consensus qui se dégage pour dire qu’il se passe quelque chose d’énorme, de portée mondiale et par bien des aspects inédit. Mais nous n’en savons pas les causes, ni comment faire. »
« RÉACTIF ET RESPONSABLE »
Les intitulés des tables rondes du Forum économique mondial, qui se déroulera du 17 au 20 janvier, disent bien ce nouveau paysage mouvant. « Pris en tenaille et en colère : comment régler la crise des classes moyennes » ; « Politique de la peur ou rébellion des oubliés ? » ou « l’Ère post-UE » figurent parmi les thèmes proposés sur le site internet (en anglais) du Forum.
La liste des participants est également parlante. La « guest star » sera Xi Jinping, premier président chinois à se rendre au WEF. Sa présence témoigne du poids croissant de la Chine dans le monde au moment où Donald Trump promet une Amérique plus repliée sur elle-même et où l’Europe se concentre sur ses propres difficultés, du Brexit à la menace terroriste.
La Première ministre britannique Theresa May, en poste depuis juillet avec la tâche difficile de sortir son pays de l’UE, sera également présente contrairement à la chancelière allemande Angela Merkel, une habituée de Davos dont la conception du pouvoir aurait pourtant bien cadré avec le thème principal du Forum cette année, « Leadership réactif et responsable. »
La question centrale à Davos, où tables rondes, ateliers, déjeuners et cocktails traiteront pendant quatre jours de sujets aussi divers que le terrorisme, l’intelligence artificielle ou le bien-être, sera peut-être pour l’élite mondiale de s’entendre sur les raisons profondes du désenchantement des populations vis-à-vis d’elle et de commencer à articuler une réponse.
Suma Chakrabarti, président de la Banque européenne de Reconstruction et de Développement (Berd), veut croire à l’avènement d’une « version moderne de la mondialisation » mais reconnaît que cette vision nouvelle ne s’imposera pas en un jour.
« Il faudra du temps pour persuader les gens qu’il peut y avoir une autre approche. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain », a-t-il dit à Reuters.
Le rythme des innovations technologiques et les imbrications entre pays inhérentes à la mondialisation limitent la capacité des dirigeants politiques à modeler et à contrôler les événements, reconnaissent d’autres participants au Forum.
La crise financière de 2008-2009 et la crise migratoire de 2015-1016 en Europe ont souligné l’impuissance des politiques, renforçant le désenchantement des électeurs et la tentation de se tourner vers des explications et solutions simplistes.
Le problème, note Ian Goldin, expert en développement et en mondialisation à l’Université d’Oxford, est que seule une coopération multilatérale peut donner des résultats pour des sujets aussi complexes que le changement climatique ou la réglementation financière. Or le multilatéralisme est précisément ce que les populistes rejettent.
« La parole politique ne s’était pas aussi mal portée depuis longtemps », conclut-il.
Avec Reuters