Les chefs d’Etat africains ont validé à huis clos, lundi 31 janvier 2017, la demande de réintégration du Maroc au sein de l’Union Africaine. La motion adoptée par 39 Etats (dont l’Algérie) sur 54 met fin à 33 ans d’absence. C’est en effet en 1984 que le royaume s’était retiré de l’organisation panafricaine en signe de protestation contre l’admission de la République Sahraouie (RASD) proclamée par le Polisario et soutenue par l’Algérie et ses alliés sud-africains. « Même si la question du Sahara occidental reste une question posée, (…) en famille on peut continuer à trouver des solutions, a déclaré lundi le président sénégalais, Macky Sall, allié du Maroc. L’admission est faite, et c’est le plus important. Aujourd’hui le Maroc est membre intégrant de l’Union africaine. », a-t-il poursuivi.
La présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, a quant à elle confirmé que « la majorité des États membres avait accepté la demande du Maroc de réintégrer l’Union africaine ». « L’Afrique veut parler d’une seule voix. Et nous avons besoin que tous les pays africains soient associés à cette voix ».
Soucieux d’écouter les voix de tous les pays et de prendre toutes les opinions en considération, le nouveau président de l’Union africaine, Alpha Condé, a fini par obtenir le consensus, l’Afrique du Sud ayant reconnu l’importance de la démocratie dans les prises de décisions.Le Maroc deviendra officiellement membre une fois qu’il aura déposé ses instruments de ratification
Ce grand retour est l’aboutissement d’une offensive diplomatique et économique entreprise par le Roi Mohammed VI depuis son avénement au trône en 1999. Il faut dire qu’il y avait peu de surprise quant à la réadmission du royaume. Quelque 44 Etats sur 54, soit bien plus que la majorité des deux tiers requise pour modifier les statuts, étaient favorables au retour du royaume. La dizaine de pays opposés à ce retour a tenté en vain de retarder de quelques mois cette réadmission. Au final, la grande réception organisée à la veille du sommet par le Maroc au Sheraton d’Addis Abeba en l’honneur des chefs d’Etat africains (26 dirigeants y ont participé) avait un parfum de victoire. Sixième puissance économique du continent, son deuxième investisseur, le Maroc a signé la charte de l’Union Africaine en janvier. D’aucuns, côté algérien, y voient une reconnaissance de facto de la RASD. De l’avis des observateurs, il s’agit surtout, pour le Maroc, de pousser l’Union Africaine à faire évoluer le sacro-saint principe de l’inviolabilité des frontières héritées de la colonisation. L’indépendance de l’Erythrée, tirée du flanc de l’Ethiopie et du Sud-Soudan remet en cause ce principe.
Quoi qu’il en soit, l’Algérie, grand adversaire du Maroc dans la question du Sahara, semble avoir fait lecture du rapport de force de l’heure comme le laisse entrevoir les propos de Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères: « Il y a un âge de contestation et un âge de raison. Sans doute sommes-nous maintenant dans cet âge de raison. La cohérence de la géographie qui veut qu’un pays africain puisse naturellement avoir sa place dans la maison commune de l’Union africaine implique une cohérence de l’histoire également. Et l’histoire de cette maison, c’est la libération de l’Afrique, c’est la décolonisation, c’est le triomphe sur l’Apartheid. Je m’empresse d’ajouter que depuis le 22 novembre, la réponse officielle du président Abdelaziz Bouteflika lui-même à madame Zuma, c’était que le Maroc était bienvenu au sein de l’Union africaine en tant que 55e membre de notre union, égal en droits et en devoirs avec les 54 membres actuels« .
Même son de cloche du côté du Polisario. « A partir du moment où le Maroc n’a pas posé de conditions à son retour, nous le prenons au mot et on accepte que le Maroc soit admis à l’Union africaine« , a réagi le ministre des Affaires étrangères de la République sahraouie, Mohamed Salem Ould Salek.
Pour rappel, cette demande d’ adhésion s’est faite en plusieurs étapes, la première s’ayant révélée la plus risquée. Rabat avait en effet déposé sa demande le 22 septembre auprès de la Commission de l’UA -son organe exécutif-. La Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma aurait dû la transmettre « promptement », mais ne l’a pas fait, selon un communiqué du cabinet royal publié lundi. D’où la démarche entreprise auprès du président tchadien Idriss Deby alors président de l’Union Africaine. Le souverain marocain a demandé à M. Deby « d’intervenir auprès de la présidente de la commission de l’UA, pour la distribution à l’ensemble des Etats membres de la demande d’adhésion » du Maroc, indique ce communiqué. Le président Deby « a réagi positivement » et « fera le nécessaire à cet égard », affirme le cabinet.
Abdoulaye Sow