L’annexe fiscale à loi de finances pour la gestion gouvernementale 2017 est entrée en vigueur depuis plusieurs semaines déjà. Le gouvernement ivoirien fait le pari que les allègements qui y sont consentis « consolident davantage le dynamisme du secteur privé national ». Une perspective qui n’est pas pleinement partagée par la Fédération Nationale des Industries et Services de Côte d’Ivoire (FNISCI).
Pour la Fédération Nationale des Industries et Services de Côte d’Ivoire (FNISCI), les choses sont on ne peut plus claires : « l’annexe fiscale 2017 n’est pas du meilleur cru en dépit de ce qu’il ne prévoit aucune hausse d’impôt » ! « En matière d’accompagnement du secteur privé pour en faire le principal moteur d’une croissance forte, durable et transformatrice de la structure de l’économie ivoirienne, il en faut bien plus que les petits allègements qui y sont consentis » déplore, la puissante organisation professionnelle du secteur industriel. Lors d’une session de présentation des principaux ajustements apportés au dispositif fiscal, aux entreprises membres, le jeudi 26 janvier 2017, à Abidjan, Louis S. Amédé, son Directeur général, a relevé « que globalement les allègements et autres mesures de modernisation dudit dispositif sont limités dans leur portée réelle ».
Typique de cet état de fait est, par exemple, la mesure d’exemption de la taxe de développement touristique en faveur des contribuables soumis à l’impôt synthétique. « La restriction du champ d’application de cette taxe a pour corollaire une réduction automatique des ressources du Fonds de développement touristique (FDT) qu’alimentait 60% du produit. Dans le contexte actuel où le secteur touristique ivoirien, fragilisé par les crises politiques successives et l’attaque terroriste de l’année dernière à Grand Bassam, a plutôt besoin d’être sérieusement soutenu, notamment par le FDT, cette mesure est à fort risque d’effet contraire » consent Jean K. Enokou, expert-fiscaliste, associé gérant au cabinet Altior Partners.
De portée limitée est également, par exemple, la mesure de modernisation du dispositif fiscal ivoirien consistant en l’harmonisation des dates de souscription de la déclaration des résultats et de dépôt des états financiers au 30 juin et 30 mai suivant la date de clôture de l’exercice comptable, selon que, les entreprises sont respectivement soumises ou pas à l’obligation de certification de leurs comptes par un commissaire aux comptes. « Le maintien de l’obligation faite aux entreprises d’acquitter le tiers de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) le, 10, 15 ou 20 avril, selon le cas, -soit donc avant même la souscription de leur déclaration de résultat-, annihile quelque peu l’effet de la mesure d’harmonisation… malheureusement » explique l’expert fiscaliste. « D’un point de vue général, de petits ajustements, clarifications et précisions complémentaires de l’administration fiscale s’imposent pour que certaines dispositions de l’annexe fiscale 2017 induisent les effets positifs attendus sur les entreprises » il en infère.
En tout état de cause, pour la FNISCI, « les quelques allègements fiscaux consentis par l’Etat sous la forme notamment de suppression de la taxe communale d’équipement, suppression de la taxe sur les spectacles cinématographiques, suspension temporaire de l’obligation de souscription de la déclaration annuelle de l’impôt général sur le revenu (IGR)… ne sont pas de nature à vraiment consolider davantage le dynamisme du secteur privé, notamment dans l’optique de la transformation structurelle de l’économie projetée au travers du Programme national de développement (PND) 2016-2020 ». Explication de Louis S. Amédé, « à trois ans de 2020 fixé comme deadline pour faire entrer la Côte d’Ivoire dans la catégorie des pays émergents, renforcer l’efficacité et le rendement du système fiscal ivoirien au travers de sa mise au niveau de celui des pays émergents et l’amélioration de sa compétitivité et son attractivité, est d’une urgente priorité. Mais l’annexe fiscale 2017 ne transpire malheureusement pas vraiment cette exigence ».
Au ministère du budget et du portefeuille d’Etat, tutelle de la Direction générale des impôts, on rappelle que « le gouvernement, préoccupé de faciliter la mise en œuvre du PND, est très engagé pour reformer le système fiscal pour rehausser la compétitivité de la Côte d’Ivoire. Une étude est en cours pour déterminer les déficiences de notre système fiscale aux fins de correction ». Ainsi donc les industriels ivoiriens et leur organisation professionnelle devront attendre la conclusion et les prescriptions de cette étude, pour espérer « les mesures fiscales hardies » qu’ils appellent de tous leurs vœux.
Albert Savana, Abidjan.