Par CISSE ABDOU, Groupe CISCONSULTING-SOLVISEO ACTUARIAT ET FINANCE
La maîtrise et l’harmonisation des méthodes de mesure et de gestion des risques liés à l’assurance en Europe ont certainement contribué à la mise en place du projet Solvabilité 2. Ainsi les assureurs européens ont été appelés à évaluer les pertes subies en cas d’évènement défavorable lié à leurs profils de risques, pour en déduire un capital de solvabilité requis (SCR), correspondant au montant de fonds propres nécessaires pour limiter la probabilité de ruine à 0.5% sur un an d’horizon.
A travers ce projet, les assureurs européens se sont retrouvés progressivement dans une situation de fragilité comptable, où ils sont exposés à la catastrophe de la volatilité des marchés financiers. Les régulateurs ont décidé que les assureurs vont être en valeur de marché, ce qui s’interprète en termes claires et précis qu’ils seront poussés dans le vide et qu’il leur est nécessaire de fabriquer des parachutes pour ne pas tomber en faillite (chute libre).
En d’autres termes, le risque de tremblement de terre est réel en Europe, les assureurs doivent ainsi apprendre à voler avec un parachute.
Ce passage de la valeur historique à la valeur de marché a modifié leur perception de la notion de catastrophe : l’assureur est considéré en situation de catastrophe lorsque la valeur de marché de sa compagnies perd X% ou fluctue beaucoup (X faisant l’objet de débats).
Le projet Solvabilité 2 a progressivement contribué à rendre volatile le bilan des assureurs européens.
La racine de la cause se situe dans une croyance idéologique des experts occidentaux, inscrite au Panthéon de l’économie actuelle (telle que conçue par leurs économistes). Cette croyance, demeurant au cœur des commandements suprêmes de l’économie occidentale, se résume comme suit :
le marché est la meilleure façon d’allouer les ressources ;
le marché constitue l’outil de pilotage le plus efficace pour gérer les entreprises ;
le marché est le guide ultime d’une économie Florissante.
En effet, ce modèle appliqué dans les pays anglo-saxons, a été imposé à l’Européen continentale, à l’heure où La culture de l’occident a basculé vers le régime de la QUANTITÉ à la place de la QUALITÉ (mettre un chiffre sur tous).
La notion de solvabilité (qui est caractérisée par la qualité) a ainsi été remplacée par une quantité, à savoir la valeur boursière. C’est ce qui s’est passé au CFO forum entre 2001 et 2002 (forum des directeurs financiers). Les valorisations ont été transformées pour fluctuer en corrélation avec la valeur boursière.
Aujourd’hui les assureurs européens évaluent la volatilité des marchés, en perdant de vue que le taux de défaut sur les 150 dernières années est de 0,03% pour le secteur assurance, très éloigné de la norme Solvabilité 2 qui veut garantir un environnement à 0,5%.
Les assureurs se sont donc retrouvés dans une dictature de devoir gérer la valeur de leur compagnie selon les fluctuations du marché financier, comme s’ils voudraient vendre leur entreprise à tout instant t de cotation, à l’enchère ou à la casse.
Ce projet Solvabilité 2 (dans l’esprit de copier BALE II) a duré plus de treize années au cours desquelles les assurés ont perdu des centaines de millions d’euros (en baisse de rentabilité), les grands cabinets de conseils ont encaissé les trois quart du coût de la réforme et les assureurs européens ont perdu en légitimité. Certains observateurs européens ont classé Solvabilité 2 en catastrophe industrielle.
Ce projet va contribuer à une concentration du secteur européen de l’assurance car, les petites entités qui n’arriveront pas à s’adapter à cette règlementation complexe, finiront par disparaître.
La norme Solvabilité 2 reflétant la même course à la taille que dans le secteur bancaire, produira nécessairement de gros assureurs (donc plus dangereux en cas de crise), alors qu’à l’origine, la réforme était supposée favoriser la concurrence.
Aujourd’hui, des voix s’élèvent en Europe, pour dénoncer que plusieurs facteurs ont contribué à cette lente faille collective (le prestige de la banque, les grands du conseil qui se sont gavés, les régulateurs qui ont joué le jeu, les nouveaux spécialistes qui se sont emparés de l’outil dans les compagnies) ; tout a basculé quand les grands assureurs européens ont réalisé qu’ils pouvaient gagner en autonomie, en déresponsabilisation de leurs dirigeants et en force de frappe contre les concurrents plus petits.
Il faut donc que la gestion actif/passif reprenne le dessus, que le passif d’assurance soit couvert par un actif de même qualité et de même durée d’engagement. En effet, l’assureur ayant promis quelque chose aux assurés, doit parallèlement se doter d’une gestion d’actifs lui promettant exactement la même chose (même qualité et même duration) et en cas de problème extrême, alors il mettra en place une provision pour dépréciation tenant compte des paramètres de réalité comptable, de lien capitalistique, de retour à meilleure fortune sur hypothèse de duration et trésorerie ….Bref, il valait mieux un projet SOLVABILITE 1 révisé en bonne intelligence.
La réforme Solvabilité 2 a certainement permis aux assureurs européens de comprendre qu’ils n’avaient pas compris la réalité de leurs risques ; mais la taille de nos compagnies africaines ne semble pas nécessiter une aventure de ce genre. La zone CIMA peut se réformer en tenant compte des réalités que vit son secteur d’assurance.
Debout l’AFRIQUE