L’économiste malien Cheikhna Bounajim Cissé avait livré une analyse fondée sur le « dilemme du prisonnier« pour dire que la gauche perdrait si elle allait aux élections en rangs dispersés. « Le second tour des prochaines élections présidentielles françaises se dessine avec plus ou moins de netteté, entre deux acteurs politiques, un candidat inattendu (Emmanuel Macron) et une candidate favorite (Marine Le Pen) »,écrivait le banquier. Le temps lui donne raison.
Les premiers résultats du premier tour organisé le dimanche 23 avril laissent apparaître un duel au deuxième tour entre Emanuel Macron, crédité de 23,7 % des suffrages et Marine Le Pen (21,7%) , qui devance de justesse François Fillon et Jean Luc Mélanchon, à égalité à 19,5% dans ce qui constitue sans doute le scrutin le plus serré sous la cinquième république. Comme l’a dit le grand vainqueur de ce premier tour, « la France tourne clairement une page ». Tant par l’identité des deux protagonistes au deuxième tour que par la défaite historique du Parti Socialiste (Bénoit Hamon se classe cinquième avec 6,2% des voix), ces élections marquent un tournant majeur. L’éclatement de la gauche en mille morceaux renvoie aux prédictions de M. Cissé, qui écrivait alors en janvier dernier: « C’est de notoriété que Benoît Hamon n’a ni la capacité ni les moyens pour rassembler la gauche, en l’espace de trois petits mois, à même de lui assurer une place au second tour des prochaines élections présidentielles. Il devrait plutôt s’investir à éviter l’implosion de sa famille politique entre deux courants que tout oppose et, au mieux, d’assurer au PS la place de troisième force politique, derrière Les Républicains (LR) et le FN. Sinon, ni Emmanuel Macron, ni Jean-Luc Mélenchon, au petit nuage dans les sondages, n’accepteront d’être enrôlés par moins qu’eux pour une destination connue à l’issue incertaine. Manuel Valls, candidat finaliste malheureux aux primaires, a même prévenu les électeurs que le choix de Benoît Hamon est celui de « la défaite assurée » pour la Gauche en raison des « promesses irréalisables et infinançables » de son rival. »
Concernant le deuxième tour, M. Cissé, l’inventeur du concept de « MANGANESE » utilisé en 2012 pour décrire 9 économies africaines rugissantes, rappelait déjà le scénario de 2002 dans sa chronique: d »ans la configuration projetée, la situation au second tour de la prochaine présidentielle, pourrait être un remake de celle de 2002. A l’époque, Jacques Chirac a été réélu in fine, par un score presque à la « soviet » de 82,21 %, grâce à une coalition sans précédent des « républicains », composés de partis politiques et de la société civile ».
Reste à savoir si cette alliance fonctionnerait 15 ans après. « Et si la politique était une pure arithmétique – ce qui n’a jamais été le cas – Marine Le Pen devrait être, avec un score inédit, la première femme présidente de la République de France. Pourtant, cette ambition politique a peu de chance de prospérer face à la forteresse qu’érigerait le « vote utile ». Les contrefeux sont déjà allumés dans les chaumières politiques. Et quelque soit le candidat qui sera opposé au leader frontiste, Macron ou autre, celui-ci sera pratiquement assuré d’une victoire nette même si le score pourrait être en deçà du niveau de 2002. », écrivait encore M. Cissé.
Seule certitude, rappelait encore M. Cissé, ce sera au peuple français de décider le 7 mai prochain qui des deux protagonistes accédera à l’Elysée.