C’est une vieille mine de cobalt découverte dans les années 40 à Ouarzazate, dans ce sud-est marocain appelé autrefois «le Maroc inutile». La roche extraite, riche à 6% de cobalt, est transportée par camions sur plus de 200 km jusqu’à une usine située dans les environs de Marrakech. Là, elle subit plusieurs réactions chimiques pour libérer les impuretés que sont le zinc, le manganèse et l’or. En bout de course, l’on obtient un cobalt enrichi à plus de 98%.Entre autres produits dérivés, le site dégage 500 kilogrammes d’or par an. Ce processus de valorisation locale des minerais en semi-produit est obtenu par une expertise totalement marocaine avec la présence, notable, d’un ingénieur de la République Démocratique du Congo (RDC) qui suit le processus de bout en bout. Des chercheurs de la compagnie Managem (puisque c’est d’elle qu’il s’agit), en blouse blanche, mènent des expériences sur le terrain. C’est eux qui ont trouvé ce procédé d’enrichissement qui leur permet de vendre aujourd’hui la tonne de cobalt à 55 000 dollars sur un marché international demandeur. Quelque 380 emplois ont été créés sur ce site qui dispose de ses propres laboratoires de recherche. Le cobalt, ce produit résistant et léger, est utilisé comme alliage dans l’industrie aéronautique et la composition des batteries au lithium. D’ailleurs, les laboratoires de Managem sont actuellement entrain de tester leurs toutes premières batteries.
Leur objectif c’est de remonter la chaîne de valeur et, un jour, de concurrencer les asiatiques sur les produits finis. La transition énergétique en cours dans le monde devrait doper le cobalt. L’avénement de la voiture électrique va replacer ce produit au centre de l’industrie mondiale. D’ores et déjà, les prévisions sont fortes. Le cours du cobalt devrait grimper de 45% à plus de 16 dollars la livre d’ici 2020, contre 11 dollars actuellement. Selon le cabinet de consultants CRU Group, les ventes de véhicules électriques et hybrides rechargeables pourraient atteindre 17 millions en 2030 dans l’hypothèse d’une croissance mondiale moyenne de 25% par an sur les 15 prochaines années.
Alors que le Maroc est engagé dans la valorisation de ses minerais, d’autres pays africains continuent de vendre la roche à l’état brut. La plus grande usine de cobalt au monde, située en RDC, celle de Mutanda Mining, a été rachetée en février 2017 auprès du magnat israélien, Dan Gertler, par le géant Glencore pour un montant avoisinant le milliard de dollars. A qui profite la transaction? Combien d’emplois induit-elle? La justice américaine mène des enquêtes sur ce gros deal qui inclut aussi une mine de cuivre au Katanga et sur les liens supposés entre l’homme d’affaires israéliens et certaines figures politiques congolaises de premier plan.
Il faut noter qu’environ 60% du cobalt mondial est produit par la République démocratique du Congo (RDC). Mais Kinshasa, étouffée par les hommes de pailles et les sociétés écrans, ne figure pas dans la liste des fournisseurs mondiaux à l’inverse du Maroc qui a réussi à développer sa propre expertise et à se passer des intermédiaires et autres traders. A l’avenir, le cobalt sera un minerais géopolitique en raison du basculement de l’industrie automobile vers les modes de propulsion électrique.
Déjà, la décision prise par l’Agence de logistique pour la défense (Defense Logistics Agency (DLA) américaine de commencer à stocker des composés de cobalt, jugés «stratégiques et cruciaux» confirme cet intérêt pour un minerais qui ne compte qu’une fois valorisé. L’exemple marocain montre que la transformation des matières premières au niveau local peut être l’un des moyens les plus rapides d’induire une transformation économique et sociale.
En attendant, la Mauritanie exporte 12 millions de minerais de fer vers l’Europe et l’Asie. Le Sénégal a cédé les Industries Chimiques du Sénégal (ICS) à des groupes indiens. La bauxite de Guinée continue de prendre les mers à l’état brut. Le Nigeria et, tout récemment, la Guinée Equatoriale, font face aux pénuries de carburant à la pompe.