Le G20 a été lancé dans le sillage de la crise financière 2008-2009 comme une réponse plus robuste aux défis de la gouvernance mondiale. Ces défis n’ont pas diminué et il est compréhensible que les membres aient maintenu leurs objectifs tout en structurant ce qui n’était au départ qu’un cadre plutôt indéfini.
La présidence actuelle du G20 est assurée par l’Allemagne qui a succédé à la Chine. Dans moins d’un mois (les 7 et 8 juillet 2017), le G20 va se réunir à Hambourg. En attendant, de nombreuses concertations et réunions ont eu lieu sous différents formats suite à la rencontre des ministres des Finances du mois de mars dernier. Les conclusions portaient entre autres sur le libre-échange. Les ministres avaient approuvé la plupart des documents en vue du sommet.
Une initiative spéciale sous l’égide de la chancelière Angela Merkel portant sur « le G20 et l’Afrique » a été entérinée à Berlin. La démarche s’inscrit dans le cadre de « l’année de l’Afrique » marquée par une série de projets et d’annonces. Nous pouvons citer brièvement le Plan Marshall pour l’Afrique, un programme porté par le secteur privé et le « Compact with Africa« . Cette dernière initiative devrait être intégrée dans l’agenda du G20. Pas moins de 9 chefs d’Etat du continent ont pris part à la cérémonie de lancement de « Compact With Africa » aux côtés d’Angela Merkel. La Côte d’Ivoire, le Maroc, le Rwanda, le Sénégal et la Tunisie ont été désignés « Pays Compacts ». De quoi s’agit-il au fait ?
L’on sait que la mission de départ du G20 était d’élargir l’agenda des traditionnelles préoccupations du développement aux questions d’inégalités et à la bonne gouvernance. Un canevas fut ensuite élaboré par le FMI, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement (BAD), listant ce que les pays doivent faire pour mettre en place un environnement propice à l’investissement. C’est complet et instructif. Il est vrai que l’Afrique aimerait attirer les fonds institutionnels pour pouvoir financer ses infrastructures de développement. Personne ne peut contester la nécessité d’avoir des objectifs de bonne gestion macroéconomique. Cela va de soi.
Mais cependant, qu’est ce qu’il y a de nouveau dans cette nouvelle initiative? Quelle est la différence pour un pays entre la négociation d’un engagement avec le FMI et le fait de passer un test pour attirer plus d’investissements ? Pourquoi le G20 mêle-t-il des propositions sur mesure spécifiques à chaque pays à des arguments politiques spécifiques ?
Précisons-le, le programme « Compact » n’est pas destiné à donner de l’argent- pour lequel personne n’est contre – mais plutôt pour améliorer les conditions de l’attractivité et d’un bon environnement des affaires. Une sorte de concours de beauté en sorte pour réveiller les investisseurs privés distraits. Dans quelle mesure ce ce programme est-il différent de ceux habituellement recommandés et qui viennent submerger les administrations africaines?
Peut-être l’est-il dans un aspect. Cela structure le récit sur les opportunités et l’espoir sur l’Afrique. Par le biais d’un tel programme, l’Afrique bénéficie de plus d’attention. Il n’est pas certain cependant que tous les pays du G20 vont essayer de déchiffrer des propositions d’ingénierie financières complexes préparées par l’initiative Compact (la Chine opère avec des lentilles de contact et des boussoles différentes et il semble que ses investisseurs sont moins distraits). Cela étant, il est difficilement envisageable de voir un membre du G20 défier le thème de la « Responsabilité sociétale globale » choisi par le pays hôte.
Quant aux leaders africains, ils commencent à s’habituer à ce type de parade. Auparavant, ils abordaient ces engagements sans préparation et dans un esprit de concurrence.Aujourd’hui, ils sont plus mesurés. Qui a été invité ? Ce n’est pas là le plus important.
Par exemple, l’on ne mentionne guère que la dynamique actuelle de l’économie mondiale provoque des répercussions majeures sur l’Afrique. Répercussions qui ne font pas l’objet des débats du G20 et de Compact. Des taux d’intérêt négatifs montrent un faible appétit pour le risque. Les programmes d’austérité peuvent affecter la demande. La régulation bancaire a conduit beaucoup d’établissements dans des expositions non souhaitées. L’on ne mentionne pas que selon le critère du PIB, le Nigéria et l’Egypte devraient faire partie du G20 qui ne compte qu’un seul membre africain, à savoir l’Afrique du Sud. La combinaison des PIB devrait offrir un siège supplémentaire à l’Union Africaine puisque l’Union Européenne est membre à part entière.
A Berlin, les présidents africains ont, les uns après les autres, dit du bien du « Plan Merkel ». Celà peut s’interpréter de différentes manières. Bien entendu, c’était d’abord une reconnaissance de l’intérêt de la chancelière pour l’Afrique (même s’ils ne veulent pas l’association de la croissance avec la migration, puisque les efforts sont concentrés sur le moyen de stopper les flux des jeunes migrants africains arrivant en Europe). Mais appeler de telles initiatives du nom de la chancelière allemande est aussi une manière de faire le parallèle avec le Plan Marshall.
Quand le Général Marshall conçu son plan en 1948, le total de l’aide des USA à l’Europe était d’environ 8% du PIB. Colossal. Le montant équivalent en dollars d’aujourd’hui serait adéquat même si basé uniquement sur l’économie allemande. Nous n’en sommes pas encore là.
En fait, nous sommes toujours en discussion sur « l ‘efficacité de l’aide » et le moyen d’apporter plus de soutien aux bons élèves. Dans les préoccupations d’aujourd’hui, l’équivalent du Plan Marshall serait un programme axé sur « l’efficacité de l’investissement ». Plus que les discussions des années 90 et moins que le Plan Marshall de 1948 permet juste aux initiateurs du programme Impact de recevoir le Prix Nobel… de la Paix.
Carlos Lopes est professeur à l’Ecole Superieure des Politiques de Développement de
Cape Town et Fellow visiteur à l’Université d’Oxford.