Une OPA est avant tout le moyen le plus adéquat de sauver un actif coté (cheval de course, banque, entreprise) contre la dépréciation. L’OPA intervient en général quand le management, pris dans un tourbillon de mauvaises fortunes, ne parvient pas à renouer avec les bénéfices et à redresser le cours de l’action.
Les férus de l’analyse technique estiment qu’à chaque fois que la valeur de marché est nettement en dessous de la valeur mathématique potentielle, il y a risque de raid. Si en plus du repli du cours, il y a un bilan sinistré par l’accumulation des créances en souffrance, des dividendes sonnants et trébuchants non versés sur plusieurs exercices , et un actionnariat à parts égales, sans véritable chef de file, vous attirez tous les possibles repreneurs du marché à la recherche d’une possibilité de gains futurs.
Bref, dans le cas d’Ecobank qui tient un conseil d’administration épique ce 16 juin à Lomé, les conditions théoriques sont réunies pour une prise de pouvoir. Attention, la valeur symbolique de la grande banque panafricaine peut susciter des résistances. Le russe Renaissance Capital avait essayé une OPA hostile en 2007, ce qui a provoqué une levée de boucliers et des accords derrière le rideau pour le contraindre à baisser sa participation qui relève aujourd’hui de l’histoire. Mais à l’époque, les gardiens du temple veillaient au grain. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les grandes figures ont cédé la place à de nouveaux dirigeants confrontés à la dure réalité du marché. Le tact d’un feu Mandé Sidibé et le panache d’un Koffi Djondo manque tant au grand navire amiral de la finance africaine aujourd’hui dans des eaux troubles.
Au terme du premier trimestre, l’on note le recul des principaux agrégats de la banque, à savoir :
-Un produit net bancaire en baisse de 15% à 425 millions $EU (261 milliards FCFA)
–Des capitaux propres en baisse de 28% à 1,8 milliards $EU (1 133 milliards FCFA)
–Un résultat avant impôt en diminution de 28% à 75 millions $EU (46 milliards FCFA)
–Un résultat net, en baisse de 25%, s’établit à 61 millions $EU (37 milliards FCFA)
-Un total bilan en baisse de 12% à 20,4 milliards $EU (12 542 milliards FCFA)
Ce recul lié en partie à la forte dépréciation des devises africaines par rapport au dollar intervient après un exercice 2016 difficile. Arrivé au pouvoir il y a seulement une année et demie, le nigérian Ade Ayeyemi, plus que jamais fragilisé, détient-il les clés de la solution?
Encadré de près par sa doublure Greg Davis, très influent Directeur financier du groupe et par l’incontournable Laurence Do Rego, l’ancien patron de Citi pour l’Afrique subsaharienne se dit pourtant satisfait. Une posture communicationnelle destinée sans doute à rassurer le marché.
«Notre performance au premier trimestre a été encourageante malgré les défis macroéconomiques actuels. Toutes nos activités ont réalisé des progrès significatifs dans l’exécution de notre stratégie en continuant de se concentrer sur la maîtrise des charges, les méthodes rigoureuses de risque crédit et la numérisation des processus pour améliorer l’expérience client.»
Certes, le chiffre d’affaires du premier trimestre, de 425 millions de dollars, a augmenté de 3% en dollars constants. Mais comme le montre la diminution de 25% du résultat net, les performances commerciales et opérationnelles de la banque n’étaient pas suffisantes pour inverser la tendance générale.
A l’actif du directeur général Ayeyemi, des charges d’exploitation restées stables comparées à 2016. Par ailleurs, si la judicieuse décision de provisionner massivement pour faciliter la digestion d’Ecobank Nigeria est un pari sur le futur, elle n’en reste pas moins un lourd défi sur le présent, sur la liquidité et sur le ratio de solvabilité.
La gestion rigoureuse du risque crédit, thème phare de M. Ayeyemi, se traduit par une émission de 400 millions de dollars d’obligations convertibles réservées en grande partie aux actionnaires. Invités une nouvelle fois à passer à table, les petits infortunés actionnaires auront-ils les ressorts pour s’éviter une dilution future certaine? Lequel de Nedbank, qui elle même a provisionné son exposition sur Ecobank à hauteur de 293 millions de dollars, de QNB aux ambitions africaines affirmées en dépit du contexte géopolitique du Golfe et de PIC aux coffres bien garnis, sont suffisamment solides pour voler au secours d’une banque fragilisée par son expansion géographique ? À moins qu’un quatrième larron aux couleurs d’une célèbre Compagnie d’assurance présente au Moyen-Orient, au Maghreb et en Afrique Subsaharienne ne saisisse une chance unique …