Président de l’Association des actuaires africains, Hervé Odjo a accordé un entretien à notre rédaction en prélude de la grande journée des actuaires prévue le 29 juin à la Maison de l’Unesco à Paris. L’occasion de revenir sur le rôle de l’actuaire et les enjeux des révolutions règlementaires en cours actuellement en Europe et en Afrique.
L’Association des actuaires africains organise ses journées à Paris fin juin. Pouvez-vous revenir sur la genèse de cette structure et ses objectifs?
L’aventure AAA a débuté en 2013 sous l’impulsion de jeunes actuaires d’origine africaine, travaillants sur le marché parisien de l’assurance.
Sensibles aux changements économiques, financiers et réglementaires que connait l’Afrique depuis quelques années, et désireux d’apporter leurs contributions à ces évolutions, ces jeunes ont souhaité fédérer et associer à leurs envies d’autres personnes qui comme eux nourrissaient les mêmes rêves.
Le mouvement s’est ainsi lancé d’abord via des rencontres amicales et de réseautage visant à formaliser et objectiver le projet. Puis l’Association a officiellement vu le jour le 22 mars 2014, avec comme objectifs de promouvoir :
- Le rassemblement des personnes sensibles au développement de l’actuariat et de l’assurance en Afrique ;
- L’interactivité́ des acteurs de l’assurance africaine avec la diaspora ;
- Les réflexions sur des thèmes économiques et actuariels ;
L’insertion professionnelle à travers la diffusion d’offres d’emploi, de stages, etc.
Vos journées se tiennent à Paris. Est-ce un état de fait assumé que la scène stratégique de l’Afrique francophone se déroule à Paris ?
Plutôt que nos journées, il s’agit précisément de notre Grande Conférence annuelle qui se tiendra le 29 juin 2017. C’est le rendez-vous phare de la vie de l’Association.
En effet, cette Conférence est une opportunité exceptionnelle de discuter des problématiques liées à l’exercice de l’assurance en Afrique avec des acteurs de premier plan. Outre ce retour d’expérience concret, elle est également une plateforme de rencontre conviviale et de réseautage pour nos adhérents et sympathisants.
Le fait que cette Conférence se tienne à Paris relève plus d’une conséquence logique : l’Association y est née, et Paris est à ce jour son principal lieu d’implantation ; d’où des facilités logistiques pour l’organisation des évènements. Aussi, notre objectif à moyen terme est d’organiser une conférence dans un pays Africain puis d’y établir le siège de l’AAA car nous savons qu’il est important d’être proche des acteurs locaux pour travailler au développement de l’assurance en Afrique.
Pour finir, la Conférence permet aussi à notre Association de se faire connaitre à travers ses conférenciers de qualité, la pertinence des thèmes abordés, et les lieux d’exception qui nous accueillent : l’auditorium du cabinet EY en 2015, le siège du groupe AXA à Matignon en 2016 et cette année la maison de l’UNESCO à Paris. C’est en arrière-plan des acteurs de référence qui nous font confiance, qui confortent l’utilité et la nécessité des objectifs visés tout en nous accompagnant dans cette aventure.
Concrètement, quel est l’apport de l’actuaire dans une compagnie d’assurance ?
Tout d’abord, il est important de rappeler que les actuaires sont des experts dans la modélisation du risque dans leurs dimensions économique, financière et sociale.
Par définition, les compagnies d’assurance, commercialisent des contrats d’assurance dont le but est le transfert de risques vers elles:
- L’assuré cède un risque, aléatoire, à la compagnie d’assurances.
- La compagnie d’assurances accepte le risque en échange de la prime (ou cotisation).
Ainsi les compagnies d’assurance, font face à divers types de risques dans le cadre de leurs activités : risques de souscription, de longévité pour la retraite, risques financiers, etc. Afin d’assurer la pérennité de leur activité, il est primordial qu’elles sachent gérer ces risques afin que leur exposition aux risques soit à tout moment en adéquation avec leur stratégie de développement.
Les actuaires interviennent pour identifier les risques, les mesurer et édicter les règles de la prise de risque.
L’actuaire a un rôle important à jouer, afin de permettre aux dirigeants d’avoir une connaissance et une compréhension suffisante de l’exposition aux risques de leur compagnie pour leur prise de décision.
Pourquoi y a-t-il si peu d’actuaires dans le secteur des assurances en Afrique ?
Il y a quelques années, même en Europe, où le marché de l’assurance a atteint un certain niveau de maturité, les actuaires étaient peu nombreux. Toutefois, il était au centre de l’activité des compagnies d’assurance de taille importante. Le nombre d’actuaires dans les compagnies s’est accru avec l’avènement de Solvabilité 2 qui encadre un peu plus le rôle de la fonction actuarielle dans l’activité d’assurance.
Le marché africain de l’assurance, n’a pas encore atteint un niveau de maturité équivalent à celui de l’Europe et, les exigences des actionnaires de même que le contexte réglementaire ne sont pas encore suffisamment incitatifs à l’embauche des actuaires dans les compagnies.
Mais au-delà de l’aspect réglementaire, il y a peu de formations en Afrique qui proposent cette spécialisation. Il faut reconnaître que c’est un métier très technique qui repose sur des formations en probabilités, statistiques et mathématiques financières. Aujourd’hui en Afrique, il y a des structures qui proposent de telles formations mais qui n’aboutissent pas au titre d’actuaire.
Ainsi, l’ambition de l’AAA est d’accompagner :
- les régulateurs afin de l’alimenter d’une vision complémentaire européenne ;
- les formations locales éligibles pour leur permettre de déployer la spécialisation actuariat, via des partenariats avec l’AAA pour avoir des formateurs et également via une assistance dans la définition des contenus pédagogiques grâce à des partenariats avec des structures d’actuariat européennes.
Nous avons aussi pour ambition de faire plus connaître ce métier sur le continent Africain, via des événements dans les pays africains.
L’on parle de Solvency II en Europe et en Afrique. Quelle plus-value cette réglementation apporterait-elle à l’Afrique?
Des échanges que nous avons avec nos contacts locaux, la vision de l’Assurance telle que prônée par la Directive Solvabilité 2 est en train de devenir une réalité en Europe mais l’Afrique en est encore loin, même si le marché s’organise.
Une réglementation inspirée de Solvabilité 2 permettrait comme en Europe d’avoir un marché et des pratiques de l’assurance plus homogènes entre les pays, et mettrait également la gestion des risques au centre de la gestion des compagnies d’assurance. Cela aura également pour avantage de fluidifier les échanges entre compagnies en Afrique et également de l’Afrique vers les autres continents du fait de règles comparables. Cependant, il n’aura pas de sens d’appliquer Solvabilité 2 à l’Afrique sans la prise en compte du fonctionnement du marché et de ses réalités.
L’Afrique a toutefois quelques défis de fond à relever qui permettront d’accroître l’assise de l’activité d’assurance:
- Vulgariser la connaissance des produits d’assurance auprès des populations,
- Reconstruire la relation de confiance avec les assurés par le biais d’une amélioration de la qualité des services.
Un commentaire
Le reportage aurait pu profiter pour nous faire connaître un peu plus l’actuaire même s’il y’a eu une description sommaire de son rôle.