Par Sonia Benkemoun
Depuis 2010, le premier producteur mondial de cacao a bien changé. Après avoir longtemps cédé son « or brun » à l’exportation, la Côte d’Ivoire a réussi à développer des outils de transformation permettant de faire émerger un chocolat 100 % ivoirien. Cette politique incitative prônée par le gouvernement ivoirien semble porter ses fruits.
Après plusieurs années d’instabilité, la Côte-d’Ivoire est en passe de réaliser une promesse longtemps prononcée par ses chefs d’État successifs : transformer son « or brun » en une force durable. Si elle tire bénéfice, depuis plus d’un demi-siècle, de ses ressources naturelles en cacao (premier producteur mondial avec 35 % des récoltes, une production de près de 1,9 million de tonnes/an), la Côte d’Ivoire ne possédait pas jusque là d’entreprises capables de traiter les fèves sur place. Les temps changent : aujourd’hui, 30 % de sa production est transformée sur les terres ivoiriennes. La prochaine étape est, selon le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, d’atteindre la barre symbolique des 50 % d’ici 2020, ce qui générerait près de 100 000 emplois directs. Promesse tenue ? Avec une croissance du PIB de 8 % (en 2016) et les nombreux investissements étrangers enregistrés ces derniers mois dans l’économie ivoirienne, l’optimisme est de mise malgré la chute des prix du cacao constatés au printemps dernier.
Cémoi, un exemple de réussite
Transformer localement a toujours été un objectif majeur, mais les tentatives de développement s’étaient toujours soldées par des échecs, à l’instar de Chocodi (Chocolaterie et confiserie de Côte d’Ivoire) qui dépose le bilan en 2010. Une déconvenue qui n’a pas refroidi les investisseurs : dans les mois qui ont suivi, plusieurs groupes mettent sur pied dans tout le pays des usines de transformation de cacao. D’abord l’entreprise ivoirienne Professional Food Industry (PFI) en 2010, puis la société singapourienne Olam, qui investit 75 millions d’euros dans une usine flambant neuve en 2015. L’année suivante, c’est au tour de l’entreprise française Cémoi de s’installer à Abidjan. Le site de 2000 m2 confectionne plus de 10 000 tonnes de produits par an à destination du marché ivoirien et africain. L’implantation et la production du groupe français ont été une petite révolution pour les moins aisés qui ont pu — enfin ! — avoir accès plus facilement à des produits comme le chocolat en poudre, les tablettes et la pâte à tartiner.
Des mesures incitatives
En constatant que les retombées de la transformation du cacao leur échappaient, les autorités ivoiriennes ont mis en place une palette de mesures incitatives. Il faut dire que les 800 000 producteurs de fèves ne touchaient, finalement, que 6 % de la valeur d’une tablette de chocolat… Après une première réforme de la filière du cacao en 2013, le gouvernement a décidé en 2015 de fixer un prix minimum garanti appelé « bord champ » assurant au producteur un revenu de 1,5 euro/kilo (revu à 1 euro récemment après la chute des prix).
En février 2016, la mise en place d’une nouvelle politique fiscale a également permis d’inciter les entreprises à transformer le cacao sur place : Les produits finis sont exemptés du Droit unique de sortie (DUS), la principale taxe à l’export. De quoi donner envie aux entreprises étrangères comme Cémoi de former les jeunes ivoiriens aux métiers du chocolat et de susciter des vocations.
C’est déjà le cas pour certains d’entre eux. En octobre dernier, trois jeunes entrepreneurs ivoiriens, dont Axel Emmanuel, artisan-chocolatier, ont exposé leurs créations au célèbre Salon du Chocolat de Paris. Leur start-up, Instant Chocolat, spécialisée dans la fabrication de chocolat artisanal et d’emballages personnalisés, rencontre un joli succès avec une production annuelle frôlant les 5 tonnes de chocolat. Avec de telles initiatives, la filière chocolatière « made in Côte-d’Ivoire » a de beaux jours devant elle.
Un commentaire
ça rassure vraiment de constater qu’il y a de réelle perspective d’évolution dans se secteur de la chocolaterie.