Le Forum « Justice et Banque dans la CEMAC », organisé par le Secrétariat General de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC), s’est tenu le 19 juillet 2017 a l’hôtel Hilton de N’Djamena, sous la présidence de Monsieur ABBAS MAHAMAT TOLLI, Gouverneur de la BEAC, Président de la COBAC.
Cette rencontre entre les régulateurs du secteur bancaire et financier, les autorités judiciaires nationales et communautaires, ainsi que les établissements de crédit et de microfinance de la CEMAC, visait à échanger, d’une part, sur les règles générales et spéciales applicables au secteur bancaire et, d’autre part, sur la gestion de contentieux bancaires par les juges nationaux et communautaires sur la base de ces règles.
Ont également participé à cette rencontre : Monsieur Dieudonné EVOU MEKOU, Vice-Gouverneur de la BEAC, Président suppléant de la COBAC, Monsieur Cossi Dorothée SOSSA, Secrétaire Permanent de L’OHADA , les commissaires de la COBAC, Monsieur Maurice Christian OUAZIN, Secrétaire Général de la COBAC, les responsables et les cadres de la BEAC, la COBAC, le représentant de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, les présidents des tribunaux de première et de grande instance (tribunaux de commerce) des états de la CEMAC ; le président de la fédération des APEC, les dirigeants des établissements de crédit et de microfinance de la CEMAC, les commissaires aux comptes de ces établissements ; les avocats, les universitaires, ainsi que les praticiens du droit bancaires.
Le forum a été ouvert par le Ministre des Finances et du Budget de la République du Tchad qui a rappelé les défis qui ont amené les hautes autorités des pays de l’Afrique subsaharienne à se doter d’institutions sous régionales d’intégration en matière politique, économique te monétaire, avec la création des juridictions et des organes communautaires. Il a également relevé que la crise économique que traversent actuellement les Etats de la CEMAC invite ces derniers à engager des réformes nécessaires pour une meilleure attractivité du climat des affaires en Afrique Centrale, en réduisant notamment les difficultés d’ordre juridiques et judiciaires liées au transfert de propriété, à l’exécution des contrats et la réalisation des garanties.
Dans son mot de circonstance, le Président de la COBAC a indiqué que l’organisation de ce forum résulte de l’accroissement des interventions judiciaires dans les litiges qui opposent les établissements de crédit et de microfinance avec leurs clients et la multiplication des recours de ces établissements contre des décisions de la Commission Bancaire. Ainsi, l’objectif du forum est de permettre un échange entre les parties prenantes sur le corpus règlementaire qui régit l’activité bancaire en zone CEMAC et l’identification des juridictions compétentes pour connaitre de ces contentieux.
La première session du forum, Modérée par Monsieur SENOUSSI MAHAMAT ALI, Inspecteur General d’Etat de la République du Tchad, a mis en exergue les imbrications entre le droit des affaires et le droit bancaire. Elle a été ponctuée par les exposés des Professeurs Alain KENMOGNE SIMO, Secrétaire Permanent du centre d’études Judicaires de l’Université de Yaoundé II, et Cossi Dorothée SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA. Les différentes interventions ont permis de comprendre la distinction entre les droits commun des affaires et le droit spécial bancaire, ainsi que la nécessité de prévoir une évolution de ces textes pour le s’adapter aux contextes.
La deuxième session était articulée autour des interventions du Professeur Jean Claude JAMES, Doyen de la faculté de Droit et de Sciences Economiques de l’Université Omar Bongo de Libreville, de Monsieur Alphonse NAFACK , Président de l’Association professionnelle de établissements de crédit du Cameroun, de Monsieur François-Xavier MBONO, président de la cour d’appel de l’ouest et de Monsieur Guy Martial AWONA, directeur général de ORABNAK Gabon, sous la modération de EVOU MEKOU, Vice-Gouverneur de la BEAAC, Président suppléant de la COBAC.
Les travaux de ce panel ont porté sur le cadre juridique des relations entre les établissements de crédit et de microfinance et leurs clients. Les intervenants ont rappelé l’entendue des droits et obligation des établissements de crédit et de microfinance, ainsi que ceux de leurs clients et mécanismes pour la mise en œuvre de ces droits devant les instances judiciaires. Il en ressort que le client bénéficie d’une protection légale garantie par les institutions judiciaires, afin d’éviter les abus du banquier.
Ainsi, en cas de faute, ce dernier peut engager sa responsabilité civile ou pénale. Toutefois, il est apparu que certaines décisions de justice peuvent avoir un impact considérable sur le fonctionnement de établissements de crédit, pouvant compromettre leur pérennité, notamment l’exécution provisoire prononcée par certains juges. Les discussions sur ce thème ont fait ressortir la nécessité de mettre en place dans la CEMAC un cadre juridique et institutionnel en matière de protection des consommateurs des services bancaires. Il a été également rappelé l’obligation pour les banquiers de respecter, non seulement la règlementation bancaire en vigueur, mais également les règles de droit commun et les jurisprudences applicables en matière 3 d’information, de conseil et de mise en garde du client, afin de se prémunir contre les risques de contentieux. La troisième session était relative aux concours de compétence entre les juridictions nationales et communautaires en matière de contentieux bancaire.
Elle était animée par Monsieur Jean-Claude AWANA, président de la cour d’appel de N’Gaoundéré, Maitre Thomas DINGAMOTO, ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Tchad, et Monsieur François-Xavier ZINGA, liquidateur de COFINEST. Monsieur Georges TATY, Juge a la Cour de Justice de la CEMAC, modérait les interventions de ce panel. Les différentes présentations ont, d’une part, mis en relief la question de conflits de compétence entre les juridictions nationales et communautaires en matière de contentieux bancaire dans la CEMAC et, d’autre part, indiqué les moyens juridiques et judiciaires de leur résolution. Ainsi, les décisions de la COBAC à l’encontre des établissements de crédit et de microfinance sont susceptibles de recours uniquement devant la Cour de Justice de la CEMAC, seul habilitée à connaitre des litiges opposant la COBAC et les établissements assujettis. L’on peut retenir que la prépondérance du droit spécial en matière bancaire semble rendre difficile la collaboration entre le régulateur bancaire, le juge national et le juge communautaire lors de l’exécution de certaines décisions, mais que ces difficultés dont progressivement réglées, notamment en matière de procédures collectives d’apurement du passif depuis l’adoption du règlement CEMAC
Ces débats ont été suit d’un mot de sensibilisation de Monsieur Claude AYOIGUENDHA, Président de la Fédération des APEC de la CEMAC, puis d’un exposé de Monsieur Rafaël TUNG NSUE, Président de la COSUMAF, sur le risque de crédit du point de vue du régulateur des marchés financiers. Au terme des débats, les représentants de institutions et les professionnels de la justice et du secteur bancaire se sont engagés à œuvrer pour une meilleure collaboration et une diffusion ainsi qu’une maitrise approfondie des textes qui régissent l’activité bancaire dans la CEMAC.