Le bitcoin ne valait que quelques cents à son lancement en février 2009 par un ou plusieurs informaticiens se cachant sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto. Aujourd’hui, son usage se répand, comme l’indique l’annonce de la compagnie aérienne japonaise à bas coûts, Peach Aviation, qu’elle allait accepter d’ici à la fin de l’année, le paiement des réservations à bord de ses avions, en monnaie virtuelle bitcoin.
Dans un contexte marqué par l’essor du mobile banking, Amath Soumaré, président du Centre Africain de la Nouvelle Economie, revient dans cet entretien sur les enjeux de l’économie digitale à l’aube de la monnaie électronique. Sans oublier, les risques inhérents à cette nouvelle économie numérique.
A l’ère de la digitalisation des transactions financières dont notamment la Banque, quels sont les risques en termes de cyber sécurité ?
La généralisation de la digitalisation des opérations bancaires a des conséquences positives sur la rentabilité et la maîtrise des coûts. Il est nécessaire de mettre en place des systèmes d’information sécurisés et capables de maîtriser le risque. Le secteur bancaire a accompli une transformation digitale de grande ampleur au cours des dernières années, révolutionnant l’expérience utilisateur grâce à une pléiade d’outils comme la banque en ligne ou les applications bancaires sur mobile. Mais, ces services sont sources de nouveaux challenges en termes de sécurité. Désormais, les banques ne sont plus les seules intervenantes sur le marché des services financiers, comme par exemple dans le paiement en ligne. Des platesformes intermédiaires comme PayPal ou Venmo, ainsi que des marques de hightech (Apple Pay, Samsung Pay) ont vu le jour ces dernières années.
Avec l’arrivée de ces nouveaux acteurs et l’accroissement continuel des volumes de transactions, l’institution financière n’a plus le contrôle unique du point d’accès au compte client, ce qui crée des risques de sécurité inédits. D’un point de vue commercial, les services numériques aussi se multiplient, notamment pour réaliser des transferts de fonds plus rapidement (Swift, ACH, Fedwire, Chips, etc…). Cette digitalisation des transactions engendre deux défis majeurs pour les banques : Le premier challenge est l’innovation.
Si les banques veulent éviter d’être distancées par les start-up de la Fintech et diffuser une image de marque positive auprès du jeune public, les banques ont l’obligation, elles aussi, de proposer des modes d’utilisation intuitifs et interactifs. Le second challenge est celui de la sécurité et de la prévention des fraudes. Les intermédiaires et les nouveaux acteurs des Fintech, peuvent d’une part, recourir à d’autres standards de sécurité que les grandes institutions et donc offrir une protection moindre.
Parallèlement, les banques prennent des risques lorsqu’elles lancent de nouveaux produits avec des partenaires tiers, même aussi reconnus qu’Apple. À ses débuts, Apple Pay enregistrait un taux de fraude de 6%, un chiffre bien plus élevé que celui relevé dans le secteur des cartes de crédit. En cause: une faille dans la procédure d’authentification sur smartphone. Dans le marché des transactions digitales du «DeepWeb», on trouve des identifiants, carte de crédits, mots de passes à tous les prix.
Aussi, vous pouvez faire des transactions sur des comptes et identifiants Paypal, et autres entreprises en ligne comme dans une bourse, avec la quotation inscrite des sommes figurant en temps réel sur le compte. Ensuite, une fois le compte dévalisé, le Hacker fait le change et transfère en ligne ses bitcoins dans l’anonymat complet et sa couverture est assurée. Une transaction digne d’un nouveau « Arsène Lupin » digital. Dans ce monde digital qui laisse de plus en plus la place aux processus d’identification automatisés, le risque de cyber fraude s’accroît sensiblement.
Trouver le bon équilibre entre innovation et protection du consommateur et de ses données est essentiel pour les banques qui ont construit historiquement leur avantage concurrentiel sur la confiance et la protection de la relation client. Dans cette Nouvelle Economie digitalisée, la cyber sécurité et la prévention des cyber fraudes et attaques devient une partie intégrante de la gestion des risques des entreprises.
Les piratages des identifiants de dirigeants et les détournements de fonds vers des comptes offshore sont monnaie courante et se sont multipliés depuis ces dernières années. Enfin, ce type de développement pourrait non seulement réduire la sécurité des opérations ou faciliter le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, mais aussi accroître deux risques classiques du système financier (risques de crédit et de liquidité).
La monnaie électronique appelée bitcoin et qui n’est pas encore une monnaie en cours légal dans la plupart des pays du monde, prend de plus de l’ampleur dans les transactions numé- riques. Cette forme de monnaie est-elle sans risque pour les Etats et les usagers?
Le bitcoin est une monnaie non régulée, monnaie en ligne, est en train de devenir une monnaie de réserve, sans banque centrale. Contrairement aux devises physiques telles que l’euro ou le dollar, le bitcoin n’est régi par aucune banque centrale ni aucun gouvernement, mais par une vaste communauté d’internautes (fiducia), et ne peut donc être soumis à la tentation de la «planche à billets», arguent ses défenseurs. Cependant toutes les critiques sont unanimes sur son opacité et son extrême volatilité, dénonçant même la création d’une bulle spéculative. Le bitcoin ne valait que quelques cents à son lancement en février 2009 par un ou plusieurs informaticiens se cachant sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto.
Aujourd’hui, son usage se répand, comme l’indique l’annonce de la compagnie aérienne japonaise à bas coûts, Peach Aviation, qu’elle allait accepter d’ici à la fin de l’année, le paiement des réservations à bord de ses avions, en monnaie virtuelle bitcoin. Mais sa réputation reste très sulfureuse, notamment parce que cette monnaie virtuelle auto-régulée préserve l’anonymat de ses propriétaires. Les auteurs de la cyberattaque d’ampleur mondiale (ran- çongiciel) de la mi-mai 2017, ont exigé que le paiement des rançons soit effectué uniquement en bitcoin, la principale monnaie dématérialisée utilisée dans le monde.
La monnaie cryptographique a dépassé depuis deux mois maintenant, la parité avec l’or. Le fait que, depuis août 2015, plus de 160 000 commerçants acceptent les paiements en bitcoin, a probablement soutenu sa performance. L’Allemagne a aussi reconnu officiellement le bitcoin comme unE «monnaie privée». Une décision qui permet au pays de taxer cette nouvelle monnaie virtuelle… mais qui montre aussi l’importance grandissante qu’elle prend.
A l’avenir, peut-on s’attendre à des guichets automatiques de bitcoins ?
[private] L’installation d’un guichet automatique de bitcoins avait été annoncée en avril à Chypre. Une inauguration qui suivait logiquement le succès de la monnaie virtuelle en Espagne, pays tout autant soumis à la crise. Mais que peut-on donc acheter avec des bitcoins ? La réponse est simple : tout, pourvu que le vendeur accepte cette monnaie. D’abord destinée aux transactions en ligne, la monnaie s’est peu à peu fait une place dans le monde réel. En ligne, c’est par exemple la plateforme WordPress qui accepte désormais le bitcoin. Mais ailleurs, c’est récemment un pub londonien qui a annoncé accepter le règlement avec cette monnaie… La réalité des transactions pose quand même une question d’importance.
Quelle est la vraie valeur du bitcoin en cas de crise? La monnaie peut s’échanger contre des euros et des dollars. Mais elle n’est pas adossée à une réserve d’or tangible. Cela rend encore plus palpable le risque de dévaluation et de perte de valeur. Enfin, le bitcoin intéresse de plus en plus les Etats et les institutions bancaires. A l’image de l’Allemagne, qui a reconnu le bitcoin pour mieux le taxer, il était question d’une carte de paiement soutenue par une banque. Et, dans ce cas, le bitcoin perdrait son statut de paiement alternatif, hors des circuits bancaires. Avant d’en arriver à ce stade, il est encore temps de convertir les derniers bitcoins à l’or… Et d’opter pour des solutions sûres: l’or et l’argent.
Peut-être aussi que nous devons comprendre que le Bitcoin posséde toutes les caractéristiques de base d’une monnaie. Elle est basée sur la Fiducia, sert de monnaie d’échange sur des transactions en ligne, et devient peu à peu une valeur refuge, sans gouvernement, sans Banque Centrale. Est-elle devenue aujourd’hui la monnaie de change de la Nouvelle Economie, l’économie de l’immatérielle ?
En tant qu’expert en Intelligence Economique, pouvez-vous nous faire une évaluation du volume des flux financiers sous forme de blanchiment d’argent transitant par les voies électroniques ?
Très peu dans le système conventionnel. La plupart des flux de blanchiment d’argent passe exclusivement par les paradis fiscaux. Evaluer précisément l’argent sale via les transactions électroniques est quasi impossible, cependant avec quelques recoupements des milliards de transactions, on peut avoir une petite idée des flux d’argent de la «criminalité financière». L’argent peut–être sale, mais habillé sur une couverture «propre». En 1993, le chiffre d’affaires de la Criminalité financière était évalué à 1000 milliards de dollar, avec une croissance annuelle de 10%, toutes activités confondues (source FMI), 60% de cette somme représente elle seule, le trafic de stupéfiants.
En 1998, le volume était évalué à 1 Billion par année. En 2016, le CA de la corruption était évalué à 1,5 Trillion de dollar. Au vue de ces chiffres et de l’apparition des technologies et des moyens multiples de transferts électroniques dans le monde, on peut facilement situer au moins entre 2,5 et 3,5 Trillions de dollar, le montant des transactions par voies électroniques conventionnelles et non conventionnelles(anonymes).
Au final peut-on dire que les transactions électronique/numériques sont plus risquées que les transactions classiques/physiques ?
Le terme transaction classique fait référence à une opération commerciale, bancaire ou boursière. Cependant la transaction numériques/électronique fait référence à une opération commerciale, bancaire, boursière, qui se passe en ligne et généralement à travers les réseaux internet hauts débit sécurisé. Les transactions classiques sont vues comme des procédures liées à une « ancienne économie ». Aujourd’hui, nous vivons dans une Nouvelle Economie, une économie digitale, marquée par le sceau de l’immatériel. Cette Nouvelle Economie ne fait pas disparaitre l’ancienne, elle se superpose. Donc pas de conflit, mais une continuité dans les quatre (4) fondamentaux, qui composent la colonne vertébrale de cette Nouvelle Economie, à savoir : la vitesse, la connectivité, l’immatériel et l’innovation.
Tout va vite très vite, avec Internet et les réseaux, tout est connecté, tout est connaissance et savoir, et l’innovation constitue la vitamine, qui révolutionne les lois de Moore et de Metcalfe. Depuis plus de vingt ans (20), le monde des affaires ne cesse de se métamorphoser. Aujourd’hui, on retrouve le digital dans tous les aspects de l’entreprise: optimisation des process, nouvelles stratégies de communication/marketing, valorisation de l’image, ouverture à de nouveaux marchés (en 2016, le monde comptait 3,42 milliards d’internautes), le digital présente de nombreux atouts pour les sociétés.
Cependant, avec la digitalisation croissante du monde des affaires, les entreprises doivent respecter de nouvelles réglementations et sont aussi de plus en plus exposées aux cyber-risques. Selon l’étude « The Global State of Information Security Survey 2016 » réalisée par PwC, le nombre de cyber-attaques dans le monde qui a progressé de 38% en 2015. Cependant, la vitesse de cette révolution métamorphosée par les Gafami (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsof , IBM) donne beaucoup de soucis aux transactions classiques, qui finiront à terme par disparaitre dans la Nouvelle Economie.
Ainsi émerge une offre inventive et multiforme, qui tend à faire évoluer le paysage bancaire et financier vers un écosystème caractérisé par une grande hétérogénéité des acteurs: acteurs traditionnels telles les institutions financières; grandes enseignes internationales de la sphère numérique des Gafami des opérateurs de télécommunications qui disposent d’une base de consommateurs très large et d’une forte capacité d’innovation via les téléphones mobiles; mais tout autant, entreprises innovantes spécialisées dans les technologies financières, souvent de petite taille, les fameuses « fintechs». Cette transformation du secteur financier, par laquelle des entités non financières s’engagent dans des activités financières réglementées, affecte les modèles bancaires traditionnels et les conditions de fonctionnement du système financier.[/private]