Entretien réalisé par Albert Savana
« Avec un financement de 6 millions de dollars de Dangote, Dakar Bamako Ferroviaire va relancer ses activités »
Dakar Bamako Ferroviaire (DBF), organe de gestion des chemins de fer entre le Sénégal et le Mali est confronté dans son envol à la rareté des ressources qui plombe la volonté des deux Etats voisins. Un financement escompté de 6 millions de dollars de Dangote Cement Sénégal va relancer à coup sûr les multiples activités de DBF en sus d’un plan d’investissement soutenu par la coopération belge de Wallonie. C’est la conviction de l’administrateur général Joseph Gabriel Sambou en exclusivité sur Financial Afrik.
La relance de l’axe ferroviaire entre le Sénégal et le Mali a abouti en 2016 à l’érection de l’organe de gestion Dakar Bamako Ferroviaire (DBF). Quelle première évaluation pouvez-vous faire de cette opération de sauvetage du rail ouest-africain ?
DBF n’est pas un organe de gestion transitoire mais un organe de gestion chargé de gérer une phase transitoire. Justement, la relance des chemins de fer passe par une phase transitoire réussie qui comporte l’actuelle étape de maintien et de consolidation de l’activité ferroviaire, la prochaine de la mise en œuvre du projet de réhabilitation de la voie ferrée longue de 1233 km, suivie de la signature d’une nouvelle concession cette fois ci de l’exploitation seulement et enfin l’opérationnalisation des sociétés de patrimoine(une dans chaque pays) et de l’organe de régulation.
Le financement du maintien de l’activité n’est pas évident. Il était basé dans un premier temps sur les ressources budgétaires des Etats, qui comme tout le monde le sait, peuvent être rares .Ainsi, le financement d’urgence de 7,5 milliards de FCFA (la moitié pour chaque pays) est bouclé sans que les résultats escomptés ne soient au rendez-vous.
Comme dit plus haut,DBF est toujours organe de gestion créé par une décision interministérielle interétatique signée par les ministres chargés des transports et des finances des deux pays. Il n’est donc pas encore société, cette évolution se fera si les deux Etats en conviennent.
Pour rappel, le plan d’investissement d’urgence prévoyait une enveloppe de 2,5 milliards pour l’acquisition de pièces de rechange nécessaires principalement à la remise en circulation de plusieurs locomotives. Un montant de 2 milliards était destiné à l’élimination des sections et points critiques qui empêchent un acheminement optimal(en temps et en sécurité) des marchandises de Dakar à Bamako.
DBF a démarré sa mission le 7 mars 2016 avec 2 locomotives non fiabilisées (taux de disponibilité de 19% bien loin de la norme fixée au moins à 75%) et une voie ferrée dont les parties les moins vieilles ont 74 ans d’âge et avec près de dix(10) années sans aucun entretien.
L’acquisition de quelques pièces a permis de mettre en circulation d’une 3eme locomotive et de passer à un taux de disponibilité de 40%/les solutions du Top Management sont la poursuite de l’acquisition de pièces détachées pour avoir en circulation 4 locomotives puis 6 locomotives fiabilisées(avec un taux au moins de 70%) d’ici six(6) mois.
DBF pourra compter sur 8 locomotives par le biais de la réhabilitation de deux autres locomotives à travers un partenariat et un financement innovant de 6 millions de dollars américains (sous forme de préfinancement) avec Dangote Cement Sénégal.
Quels sont à ce jour les grands chantiers liés à la remise à neuf des infrastructures ferroviaires reliant le Sénégal au voisin malien ?
Toujours sur le plan des partenariats avec le privé, Dakar Bamako Ferroviaire a signé un contrat le liant à la Société sénégalaise TRABESEN S.A., filiale du groupe belge ITB-TRADETECH. Ce contrat permettra la remise à niveau, par un financement estimé à 3 milliards de FCFA, de l’atelier de fabrication de traverses appartenant à DBF et la production de traverses béton aux normes européennes destinées aux différents Réseaux Ferroviaires du Sénégal. Ce contrat est le fruit d’une longue et étroite collaboration entre les Chemins de Fer et le Groupe ITB TRADETECH depuis plusieurs dizaines d’années, et d’un processus ayant abouti à la création de TRABESEN en août 2015, à la signature d’un protocole d’accord en février 2017, puis à la visite du Ministre Président de la Wallonie à l’usine de Thiès le 19 mai 2017 en compagnie de Monsieur le Secrétaire d’Etat au Réseau Ferré National Monsieur Abdou Ndene Sall, et enfin à la signature du contrat par Monsieur Marc Liance, Directeur Général de TRABESEN et moi même Administrateur de DBF. Cet accord permettra la création de 70 emplois directs à Thiès.
Revenant sur l’absence de transport de voyageurs sur la ligne internationale Dakar-Bamako, elle est uniquement due aux problèmes de sécurité de la voie ferrée dont l’état, particulièrement sur la section entre Tambacounda et Kidira, occasionnerait à coup sûr, de nombreux déraillements comme celui meurtrier de 2009 (qui avait fait 5 morts), date de cessation des trains de passagers appelés Express.
Plusieurs spécialistes du rail estiment que le projet de Train Express Régional (TER) du Président Macky risque d’apporter la concurrence au DBF. Quel est votre analyse de cette situation ?
Il n’y a aucun risque de concurrence entre le TER et l’activité de DBF même celle qui concernerait le transport de personnes. Le cout du TER est à la hauteur de l’ambition technologique du Chef de l’Etat et du pari sur l’avenir du transport urbain dans la région de Dakar qui enregistre déjà, et depuis plusieurs années, des congestions(embouteillages) records.
L’essentiel pour la ligne internationale, dont le potentiel économique est extraordinaire, est de trouver auprès des autorités la même volonté pour financer sa réhabilitation et garantir ainsi sa pérennité.