L’activiste Kémi Séba a été relaxé purement et simplement mardi 29 août 2017. Le procureur avait requis 3 mois de prison avec sursis contre le leader de l’ONG Urgences Panafricanistes et la relaxe de son supposé complice, Abitalib Sow, poursuivi pour lui avoir remis le briquet de l’autodafé du billet de 5000 FCFA. Ce dénouement satisfait tout le monde.
A commencer par la BCEAO qui s’est retrouvée dans une impasse préjudiciable pour son image, entre la loi qu’elle défend dans ce procès et la légitimité qui lui est opposée par une jeunesse africaine qui a fait montre, dans la circonstance, d’une unité rare.
Pour Kémi Séba et ses partisans, ce dénouement a le goût de la victoire. Ce procès est la preuve de la frilosité des gouvernants africains face à un débat porté, non pas seulement par des non experts, des clowns comme le clame-t-on dans certaines officines pro-CFA, mais en fait, par des économistes de renom (Kako Nubukpo, Ndongo Sylla, Moussa Demba Dembelé, etc) des historiens et des sociologues. Beaucoup plus visible que ces derniers, Kémi Séba incarne la figure contestataire du militant, le Gavroche qui sait que poser des barricades tombe sous le coup de la loi. La transgression des règles contestées n’est-elle pas, par essence, inscrite dans toute démarche de contestation de l’ordre ancien et de son corpus légal?
Du reste, il apparaît clairement que la question Franc CFA est une question politique. En l’espèce l’économie politique doit, plutôt que de rappeler son monopole sur un tel débat, évaluer les coûts d’opportunité de l’évolution ou de la réforme, de la stable inertie actuelle ou du saut risqué vers plus de souveraineté.
Les monétaristes doivent sans doute trouver le taux optimal de couverture des émissions de Franc CFA par la Banque de France au lieu de livrer aux militants une guerre de patrimoine sur un domaine aérien qu’ils voudraient réserver aux seuls experts.
En réalité, les acquis de l’Afrique ont été jusque-là plus le fait des Kémi Séba que des Bac +15 qui ont de tout temps, il faut le dire, le rôle de faire entendre la voix de la raison et d’évaluer les coûts des décisions et des désirs de la cité.
Déclaration du Kémi Séba face au juge
Kémi Séba est apparu serein devant le juge du flagrant délit, ce mardi 29 août à Dakar, dans le cadre du procès déclenché suite à la plainte de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), notifiée le 25 août via le cabinet de Me Adama Gaye.
Voici sa dans une salle acquise à sa cause qui a fini par être évacuée: « Je me nomme Stellio Gilles Capo Chichi alias Sémi Kéba. Je suis né le 9/12/1981 à Strasbourg en France. Je suis chroniqueur à Vox Africa. Je suis marié à deux épouses et père de trois enfants. Je suis de nationalité franco-béninoise et titulaire de passeport français et béninois dont je ne me rappelle pas de la référence. (…) Je jouis de toutes mes facultés physiques et mentales. J’ai été arrêté et condamné à 2 mois de prison ferme, en 2007 et 2014 en France, relativement à mes activités politiques contre Sarkozy et Hollande ».
j’ai brûlé un billet de 5.000 F CFA. Cet acte était illustratif par rapport aux idées que nous défendons!
« J’ai pris acte de l’objet de ma conduite au siège de votre service, relativement à cette plainte déposée par la BCEAO à mon encontre. Je tiens à préciser que depuis janvier 2017, (des membres) de la société civile africaine, issus de pays d’Afrique francophone, ont sous la direction de notre mouvement, et pour la première fois depuis la période des indépendances, commencé à organiser de façon simultanée des mobilisations dont l’objet est de lutter pour l’élimination du franc CFA et de la France-Afrique. C’est dans ce contexte que nous avons organisé au Sénégal, à la date du 19 août 2017, un sit-in à la place de l’Obélisque. Effectivement, je reconnais qu’au cours de mon allocation, j’ai brûlé un billet de 5.000 F CFA. Cet acte était illustratif par rapport aux idées que nous défendons.
Je tiens d’abord à préciser que le nommé Alioune Ibn Abitalib Sow n’était pas au courant de la volonté de brûler le billet. Aucun membre de mon organisation n’était au courant de l’action que je comptais poser. J’ai demandé à Alioune le briquet sans lui expliquer les raisons. La manifestation du 19 août 2017 portait sur la France-Afrique et non sur le franc CFA ».
« Pour dire vrai, je savais effectivement que le Code pénal a incriminé l’action de brûler un billet de banque ayant cours légal au Sénégal. Cependant, il faut comprendre par là qu’il y a un adage qui dit que face à une loi injuste et immorale aucun citoyen doté de raison n’est tenu de respecter cette dernière. Je précise que la loi de 1946, sur l’instauration du franc CFA, bien qu’elle ait subi, au cours des années, de légères modifications, est injuste, car elle nous a imposé une monnaie de servitude qu’est le franc CFA. Je n’ai pas l’idée dans le futur de brûler un autre billet. Mais, l’organisation de manifestations contre le franc CFA va clairement s’amplifier dans toute l’Afrique. (…) J’appelle la justice et la BCEAO à comprendre que mon acte était un acte purement symbolique et je ne cherche pas à être l’ennemi, mais j’assume pleinement mon acte ».
Dans son plaidoyer, le représentant de la BCEAO s’est limité sur l’aspect légal de l’acte de Kémi Séba: « La monnaie est un attribut de la souveraineté. Seule la BCEAO a le pouvoir de décider de la non circulation d’un billet. C’est pourquoi, il est imposé aux banques de reverser les fonds reçus de leur client à titre de vérification. Seule la BCEAO peut détruire un billet, avec l’accord de la hiérarchie », a déclaré Ahmadou Alhaminou M. Lo, Directeur national de la BCEAO, entendu sur Procès-verbal .