De nombreux pays sont confrontés à des problèmes de carburant tels que l’adultération du carburant et la contrebande. Cela prive ces pays des recettes fiscales nécessaires au développement. Tous les pays sont potentiellement vulnérables à la fraude sur le carburant. Cependant, dans les économies en développement où chaque dollar compte, la fraude sur le carburant peut réduire considérablement les revenus d’un gouvernement.
Les prix du carburant étant alignés sur les prix du marché international, les pays qui subventionnent leur carburant exposent leurs économies à des pertes en raison de la vente de combustibles à bas prix dans des pays voisins. En Philippine par exemple, la contrebande de carburant occasionne un coût d’opportunité qui se chiffre à 750 millions de dollars de recettes fiscales, avec des carburants frelatés qui se retrouvent dans la chaîne d’approvisionnement. Dans le même ordre, d’autres pays asiatiques qui subventionnent le carburant tels que l’Indonésie, la Malaisie et le Bangladesh enregistrent des pertes lorsque leurs carburants subventionnés sont clandestinement introduits dans des pays qui facturent le carburant aux prix du marché international (TGB, 2015). Une conséquence de cette situation est que beaucoup de citoyens qui résident dans ces pays affectés paient les prix les plus élevés pour des produits pétroliers dont la qualité et l’accessibilité ne sont pas garanties.
Les gouvernements ont mis en place des programmes complets de marquage des carburants en se servant de marqueurs moléculaires et de systèmes de gestion perfectionnés. Ces programmes permettent notamment aux gouvernements de réduire l’évasion fiscale et les subventions, de minimiser les pertes fiscales et de générer des revenus. Les programmes de marquage de carburant comprennent un certain nombre de composantes, notamment les méthodes de marquage des carburants, la sécurité dans la chaîne d’approvisionnement, les essais en laboratoire, l’échantillonnage et les essais sur le terrain et l’analyse des données. La prévention de la fraude sur les carburants profite au gouvernement à travers l’augmentation des revenus fiscaux et des revenus de ventes provenant de l’augmentation des volumes de carburant officiel. De même, il en résulte une plus grande transparence et des données améliorées pour aider au contrôle du carburant national.
Le marquage de carburant dans d’autres pays
La Tanzanie par exemple importe 100% de ses produits pétroliers grâce à un système d’approvisionnement en gros (NTRC, 2016), ce qui lui permet de surveiller efficacement le degré de détérioration des produits pétroliers dû à l’adultération et de garantir une récupération rapide des recettes fiscales sur les produits. Le programme de marquage des carburants a été adopté en 2010 et a considérablement réduit la fréquence des adultérations de carburant en Tanzanie, passant de 78% en 2007 à moins de 5% en 2015 (EWURA, 2015). Les avantages de la mise en œuvre d’un système de marquage du carburant sont également visibles dans le cas de la Serbie. En Serbie, l’adultération du carburant avait entraîné une perte annuelle de plus de 40 millions d’euros (NTRC, 2016). En 2013, le ministère de l’énergie, du développement et de la protection de l’environnement mit en place un système de marquage des carburants. La mise en œuvre du système entraîna une augmentation des ventes de diesel et d’essence de respectivement 18% et 14% et un retour sur investissement, 6 à 7 fois plus élevé. En dépit du fait que le pays était confronté à plusieurs défis économiques et à des inondations désastreuses au moment de l’introduction de la technologie, le système de marquage des carburants était toujours couronné de succès.
Le marquage de carburant au Ghana
Afin de préserver la pureté et la qualité des produits pétroliers ainsi que de prévenir et détecter l’adultération des produits pétroliers, le gouvernement du Ghana a lancé un système de marquage des carburants. Dénommé ‘’système de marquage des produits pétroliers (PPMS)’’, le programme est conduit par l’intermédiaire de la National Petroleum Authority (NPA). Le système de marquage des carburants avait pour but de permettre à la NPA de contrôler la qualité des produits pétroliers et de récupérer également les recettes fiscales provenant de la vente de ces produits pour accroître les revenus. Selon une étude réalisée par la Banque asiatique de développement (BAsD, 2015), le programme de marquage du carburant du Ghana portait principalement sur la gestion de la chaîne d’approvisionnement, l’adultération des carburants et les problèmes de qualité des carburants associés à l’adultération. L’importance du programme et de son succès ont été mis en évidence lors d’une première enquête menée entre mai et juin 2013. L’enquête a révélé que sur les 2 700 points de vente en détail du pays, il y avait une violation de plus de 32%. Par conséquent, la violation selon la NPA se traduit par une perte de revenus pour le Ghana évaluée à 50 millions de Ghana Cedi en raison du détournement de produits pétroliers subventionnés. Cependant, une enquête de suivi a été menée en septembre 2013 après la mise en œuvre de la PPMA et a montré une réduction de la violation de 32% à 7%. Non seulement cela a eu un effet positif sur les revenus, mais a aussi réduit l’adultération et les cas de contrebande. Par ailleurs, la diminution de l’adultération signifie également que les moteurs d’automobiles subissent moins d’usure. Cela a aussi contribué à l’épuration des gaz d’échappement avec moins de polluants dans l’air.
Le Niger
Alors que les prix mondiaux du pétrole ont grimpé en flèche en 2007 et 2008, le Niger a contrôlé la hausse des prix de détail en réduisant les taxes. Plus tard, lorsque les cours mondiaux ont chuté brusquement au cours de la deuxième moitié de 2008, le Niger a gardé des prix de détail relativement élevés pour compenser les pertes subies lorsque les prix étaient maintenus anormalement bas. L’un des principaux défis auxquels le Niger est confronté est le détournement de carburant destiné aux pays voisins sur son marché local. Les produits pétroliers destinés aux pays voisins n’impliquent aucune forme de taxation et, par conséquent, certaines entreprises ou individus du secteur ont imaginé des moyens de détourner des produits pétroliers sur le marché nigérien à des prix relativement bas. La porosité des frontières nigérianes avec le Niger contribue également à la contrebande d’essence où un litre d’essence au Nigéria coûte trois fois moins qu’au Niger. Le mode de fonctionnement de ces trafiquants consiste à obtenir du Nigéria des carburants destinés à la vente sur le marché noir et à les transporter au Niger (Sahel, 2001). Une autre question clé pour le Niger est celle de l’amélioration de ses cadres juridiques et réglementaires car ceux-ci n’ont pas été mis à jour depuis des décennies. Le Niger s’appuie plutôt sur des textes disparates de l’époque coloniale française (Matthews, 2014). Le pays souffre également d’un suivi et d’une application faibles des textes. Ceci est valable dans d’autres pays, quoi que certains d’entre eux disposent parfois de cadres juridique et institutionnel plus solides que ceux du Niger. Malheureusement, on ne dispose pas d’informations sur le secteur pétrolier au Niger en ce qui concerne les prix et leur structure, les différences entre les prix intérieurs et internationaux, les sources et les volumes d’importations et les entreprises opérant dans le pays. Il est important que le gouvernement collecte et mette l’information à la disposition des fournisseurs et des consommateurs. Avec un public bien informé, il devient difficile d’ignorer les insuffisances qui affectent le bon fonctionnement du marché. La République du Niger pourrait également s’inspirer de l’expérience d’autres pays comme la Colombie qui fait face à une situation similaire avec son pays voisin, le Venezuela. La Colombie a mis en place un programme de recyclage pour les détaillants d’essence de contrebande, tout en intégrant des réseaux informels de vente au détail dans les réseaux de distribution légitimes. Au Cambodge, le gouvernement a choisi de lutter contre la vente d’essence de contrebande et d’adultération dans les rues et dans les stations-service illégales par des contrôles de qualité et leur intégration dans le secteur formel (Ndoye, 2014). De même, les problèmes d’autres secteurs, tels que les pannes de courant affectant le raffinage et l’exploitation des pipelines, le mauvais état de l’infrastructure routière et ferroviaire et la capacité insuffisante des pays à faible revenu comme le Niger à développer et imposer un cadre juridique approprié posent des défis supplémentaires au secteur pétrolier(Matthews, 2014).
Conclusion
Les programmes nationaux de taxe sur les carburants et de subventions mis en œuvre dans des pays tels que la Philippine, le Venezuela et le Royaume d’Arabie saoudite créent d’importantes opportunités commerciales exploitées illégalement, privant ces pays des recettes fiscales escomptés. De plus, la fraude sur le carburant engendre des effets secondaires tels que la consommation accrue de carburant, les émissions de gaz nocifs, les chaînes d’approvisionnement perturbées et la perte de confiance par rapport au gouvernement. Bien que le système de marquage des carburants ait été utilisé depuis les années 1950, l’évolution actuelle des technologies de marché et ses avancées en matière analytique fournissent la base technique pour des programmes de marquage de carburant extrêmement précis et efficaces. Un programme de marquage des carburants permet aux gouvernements d’adopter une approche généralisée qui analyse chaque phase de la chaîne d’approvisionnement, en commençant par les raffineries ou les dépôts de carburant du pays jusqu’à la vente finale de carburant au détail. Il fournit également aux pays une plus grande transparence. Cependant, le succès d’un programme de marquage des carburants exige un engagement à long terme de la part de plusieurs organismes gouvernementaux, y compris les principaux dirigeants des différents ministères des finances, de l’énergie, des douanes, des transports et de l’application de la loi. Un programme de marquage du combustible bénéficierait à la République du Niger. Le Niger doit par ailleurs améliorer ses cadres juridiques et réglementaires ainsi que le suivi du secteur. L’efficacité et le succès d’un programme de marquage de carburant sont évidents quand il réduit la fraude sur les carburants et contribue à l’accroissement des revenus fiscaux pour le gouvernement.
Lana Celik, Assistante de recherches à IMANI Africa