Vingt-quatre heures après un appel du département d’Etat américain aux autorités togolaises à défendre les droits humains des citoyens, le Quai d’Orsay lui emboite le pas, demandant aux différentes parties de la crise togolaise d’aller à « un dialogue immédiat » dans l’optique des réformes politiques.
Dans une déclaration publiée mardi 24 octobre par le département d’Etat, les États-Unis se disent préoccupés par l’escalade de la violence et les restrictions à la liberté d’expression et de réunion au Togo liées aux protestations sur les réformes constitutionnelles. « Nous sommes particulièrement préoccupés par les informations faisant état d’un recours excessif à la force par les forces de sécurité et signalons que des milices parrainées par le gouvernement utilisent la force et la menace de la force pour perturber les manifestations et intimider les civils », indique la porte-parole.
Par ailleurs, poursuit la déclaration, « les États-Unis sont également préoccupés par la décision du gouvernement togolais de restreindre les manifestations pendant la semaine de travail et d’arrêter un imam éminent dans la ville de Sokodé ». Avant d’appeler Lomé à « défendre les droits humains de ses citoyens, notamment leur liberté d’expression, de réunion pacifique et de liberté sur Internet, et à faire en sorte que toutes les personnes arrêtées lors des manifestations bénéficient du droit à une procédure régulière ».
Même son de cloche au ministère français des affaires étrangères: « nous souhaitons que le gouvernement togolais respecte le droit de manifester », a fait savoir Romatet-Espagne, la porte-parole ce mercredi. « Les manifestations doivent s’exprimer de façon pacifique », a–t-elle poursuivi, lançant un appel au dialogue.
« La France appelle à l’ouverture d’un dialogue immédiat qui doit mener aux réformes politiques attendues, en particulier la révision de la constitution prévoyant la limitation à deux mandats présidentiels et l’instauration d’un scrutin présidentiel à deux tours », a-t-elle souligné.
Positions crispées
Si les deux parties sont d’accord pour opérer des réformes constitutionnelles prescrites par l’Accord politique global signé le 20 août 2006, les conditions de leur mise en œuvre ne font pas l’unanimité, l’opposition exigeant une rétroactivité de la disposition limitant à 2, le nombre de mandats présidentiels. En clair, un départ pur et simple du président en exercice, dont le troisième mandat brigué en avril 2015 est rendu possible grâce à une modification de la constitution originelle de 1992 opérée par Feu Gnassingbé Eyadema en décembre 2002. En son article 59, elle stipulait : « En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats ».
Après plusieurs jours de discussions au parlement, les députés de la majorité ont voté mardi 19 septembre, un projet de loi portant réforme de la constitution, mettant ainsi le pays sur les rails d’une consultation référendaire à défaut d’une majorité absolue. Ceci, conformément aux dispositions constitutionnelles qui stipule que le projet de révision « adoptée à la majorité des deux tiers des députés composant l’Assemblée nationale est soumis au référendum ».
Un référendum dont on ne veut pas dans le camp adverse, quitte à multiplier les marches pour se faire entendre. Dans la foulée, l’exécutif annonce l’interdiction avec effet immédiat des marches de lundi à vendredi. « Nous ne nous laisserons pas faire », avait déclaré Brigitte Adjamagbo-Johnson, la présidente de Cap 2015, une entité membre de la grande coalition.
Ainsi, après deux jours de manifestations émaillées de violences, l’opposition annonce de nouvelles marches les 7, 8 et 9 novembre prochains pour, entre autre, demander la libération des détenus dits politiques, et le retour à la constitution de 1990.
Dégâts collatéraux
La diplomatie togolaise bat alors de l’aile. Déjà, la crise a emporté deux grandes rencontres initialement annoncées pour se tenir à Lomé : il s’agit du tout premier sommet Israël-Afrique et de la Conférence des Ministres de la Francophonie (CMF), respectivement prévus fin octobre et fin novembre 2017.
Dans un communiqué publié lundi 23 octobre, le gouvernement avait annoncé que la Conférence « ne pourra plus se tenir à Lomé du 24 au 26 novembre prochains comme initialement prévu ». En réponse, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) d’accepter « cette décision », avant de souhaiter « au plus vite un retour à un climat apaisé dans ce pays et pour la population ».
Toutefois, informe-t-elle, la conférence aura lieu à Paris aux mêmes dates et sur le même thème avancé par le Togo : « Economies nouvelles : économie bleue, économie verte – nouveaux moteurs de création de richesse, d’inclusion sociale et du développement durable ».
Reste à savoir si Lomé pourra organiser la série de rencontres qu’elle prévoit dans la cadre de la présidence de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), poste qu’occupe le président Faure Gnassingbé depuis juin 2017 pour un mandat d’un an : il s’agit d’une réunion de l’organisation sur la libre circulation des personnes dans l’espace, un sommet extraordinaire sur la paix et la lutte contre l’extrémisme violent en Afrique et un « forum économique de la Cedeao ».
Par Nephthali Messanh Ledy