Si l’Afrique doit garantir des emplois à ses 450 millions de diplômés scolaires d’ici 2030, ses Etats doivent d’urgence remédier à l’inadéquation entre les qualifications scolaires et les besoins des marchés du travail en investissant massivement dans les qualifications techniques critiques : ingénieurs civils, ingénieurs en mécanique, géomètres, gestionnaires de projets de construction, spécialistes de l’infrastructure, arpenteurs-géomètres, architectes, ingénieurs électriciens, spécialistes de l’intégration régionale, macro-économistes/planificateurs du développement et spécialistes de l’investissement financier.
C’est le message clair du Secrétaire exécutif de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF), Pr. Emmanuel Nnadozie, aux centaines de délégués présents au forum Africa Talks Jobs à Addis-Abéba (Éthiopie) du 30 octobre au 1er novembre 2017.
Le Chef du Secrétariat de l’ACBF a réaffirmé cela lors d’une séance plénière de l’événement portant sur le dividende démographique : créer des perspectives pour les jeunes en Afrique grâce au développement des compétences et la promotion de l’emploi, organisé par l’Union européenne et l’Union africaine pour aborder la question désormais préoccupante de savoir comment rendre les jeunes du continent aptes à l’emploi après leur scolarité.
L’Afrique compte la population la plus jeune du monde, avec près de 200 millions de personnes âgées de 15 à 24 ans en son sein. Une grande partie de la population du continent a moins de 65 ans, ce qui signifie que si elle ralentissait les nouvelles naissances et misait sur la productivité de cette force de travail dynamique, il y aurait une croissance et un développement rapides. Cela équivaudrait à ce que les experts appellent le dividende démographique.
«Mais l’Afrique ne bénéficie point d’un tel dividende démographique, étant donné que le chômage des jeunes est le défi numéro un du continent», a déclaré Pr. Nnadozie. Ce dont l’Afrique est témoin à ce stade est une «poussée de la jeunesse, qui, si elle n’est pas transformée d’urgence en dividende démographique, pourra devenir une bombe à retardement démographique ou un cauchemar démographique pour le continent», a-t-il déploré.
Le problème est que «les compétences sont très recherchées en Afrique, mais leur développement est compromis par le syndrome de la tour d’ivoire, qui découle de la déconnexion entre les établissements d’enseignement qui équipent les étudiants et ce dont l’économie réelle a besoin», a-t-il expliqué.
Les statistiques sur les tendances défavorables dans l’éducation aux compétences techniques critiques pour les élèves africains sont sombres quand l’on considère ce qu’ils étudient actuellement. Le chef du Secrétariat de l’ACBF a déclaré que 95% des étudiants africains étudient les sciences sociales, les affaires et le droit, tandis que seulement 4% étudient l’ingénierie, l’industrie et la construction. Pire encore, seulement 2% étudient l’agriculture bien que l’agriculture contribue à 32% au PIB de leur propre continent.
«Comme si ces problèmes sous-jacents d’acquisition de compétences n’étaient pas suffisants, l’Afrique, a-t-il dit, est aux prises avec des obstacles à la croissance et à l’expansion du marché du travail, comme on le voit dans son actuelle croissance numérique d’un taux de croissance à un chiffre au lieu de deux.
Cette situation est aggravée par la dépendance excessive du continent vis-à-vis des
exportations des produits de base (qui a toujours conduit à une croissance sans emploi) et par un secteur privé faible et sous-développé.
«Le chômage des jeunes est structurel et nécessite donc une solution structurelle», a-t-il affirmé tout en rappelant les opportunités dans les secteurs qui sont à la portée du continent. Ce sont dans les industries de produits de consommation, entre autres l’industrie légère, le secteur de la construction, en particulier le développement des infrastructures, le secteur des TIC et le secteur des emplois verts (qui connaît déjà un décollage prometteur en Afrique du Sud).
Réaliser une révolution des compétences
Le professeur Nnadozie a déclaré qu’un programme de «Révolution des compétences» ciblant les domaines d’apprentissage ci-dessus devra également impliquer que les États développent une réforme sérieuse de leurs systèmes éducatifs, investissent massivement dans la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STEM) ainsi que dans d’autres domaines de compétences techniques; réorganisent l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP) avec des niveaux d’apprentissage appropriés; mobilisent le capital humain et financier de la diaspora africaine pour soutenir les jeunes sur le continent, convoquent un dialogue tripartite régulier sur l’éducation entre les décideurs politiques, le secteur privé et les institutions de formation et adoptent de bonnes stratégies en matière de renforcement, de rétention, d’harmonisation et d’utilisation des capacités.
Comment l’ACBF contribue à la révolution des compétences
L’ACBF a déjà lancé des initiatives concrètes pour mettre en place la révolution des compétences qu’elle prêche pour l’Afrique. Celles-ci incluent :
a) l’identification des compétences techniques critiques nécessaires pour mettre en oeuvre le premier plan décennal de l’Agenda 2063,
b) la création de centres d’excellence en science et technologie dans certains pays africains,
c) un appui à la «Formation pour l’emploi et l’entrepreneuriat» au Malawi afin de préparer les diplômés au marché du travail et les doter de compétences entrepreneuriales,
d) le soutien au projet « Commerce des jeunes » au Nigéria qui a adopté une approche unique pour améliorer l’entrepreneuriat des jeunes en commençant par la plupart des projets et programmes et bien d’autres.
La Fondation continuera à coordonner les interventions de renforcement des capacités pour l’emploi et l’entrepreneuriat des jeunes en Afrique, aider les pays à élaborer des politiques nationales, notamment en procédant à des évaluations complètes des besoins des secteurs public et privé, ainsi que de ceux des établissements d’enseignement supérieur; soutenir l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP), les programmes d’entrepreneur pour les étudiants et le personnel académique et partager ses connaissances sur les questions stratégiques, les meilleures pratiques et les leçons apprises.