En Afrique, on dépense environ 5 € par personne pour les accès Télécoms et Internet. Au Brésil, le chiffre est de 30 €. Il faudrait passer à 35 milliards d’euros d’investissement public par an pour permettre au numérique de passer à 9,5% du PIB Africain contre 8% aujourd’hui.
Du 25 au 27 octobre 2017, Bercy (Paris) a abrité la 6ème édition des ATDA (Assises de la Transformation Digitale en Afrique). Organisées à l’initiative de CIO Mag et de la Direction Générale des Entreprises, les Assises de la Transformation Digitale en Afrique ont permis de réunir plus de 600 décideurs dont 96 intervenants et keynotes speakers.
La grande majorité des participants (dirigeants d’entreprises de services numériques, Directeurs de systèmes d’information tous secteurs d’activité confondus, organisations patronales africaines, personnalités politiques et représentants de la société civile) étaient venus d’une quinzaine de pays d’Afrique.
Tous ont reconnu que la révolution des données est une chance pour l’Afrique, une occasion de relever les innombrables défis auxquels le continent est confronté. Et en particulier dans cinq secteurs identifiés prioritaires : la formation, la connectivité, l’e-gouvernement, le e-paiement et la cybersécurité.
Au regard des urgences, le développement du capital humain est un facteur clé de la réussite du continent. Ceci passe par la maîtrise de l’information. Pour les professionnels, en développant les applications et les contenus, l’Afrique se donnera ainsi les moyens de créer de la valeur aussi pour les besoins de son marché intérieur mais également pour l’exportation de services à valeur ajoutée.
Les formations doivent être au centre des dispositifs financiers, c’est un enjeu clé de la transformation numérique. «Il faut développer en terre africaine des centaines de milliers de nouvelles compétences dont le secteur du numérique a besoin», explique Bruno Mettling, PDG Orange Afrique et Moyen orient.
Mais comment doter l’Afrique des compétences numériques
nécessaires ? Il s’agit d’accroître les formations des ingénieurs (data scientist, experts en cybersécurité, en développement), des techniciens supérieurs pour permettre au continent de tirer pleinement les bénéfices de la transformation numérique par la création d’emplois qualifiés, la production et l’exportation de services à valeur ajoutée.
Multiplier le nombre d’ingénieurs sans démultiplier le nombre d’écoles
Faisant le parallèle avec l’Inde qui compte
quasiment la même population (1,2 milliard d’habitants contre 1 milliard pour l’Afrique), ce pays forme quelque 500 000 ingénieurs en informatique par an, alors que l’Afrique en forme à peine 100 000 ingénieurs par an (avec de grandes disparités entre les régions).
«S’il est urgent de multiplier par cinq le nombre d’ingénieurs pour rentrer dans la compétition internationale, il n’en demeure pas moins vrai qu’il serait illusoire d’envisager de démultiplier de façon mécanique le nombre de professeurs et d’établissements», reconnait Francis Meston, Directeur Exécutif Atos.
Dans la configuration actuelle, il faudrait, pour la plupart des pays africains, créer une école par jour pour supporter cette montée en puissance des besoins. L’Afrique peut y arriver grâce au digital en s’inspirant des modèles existants comme l’Ecole 42 qui forme près de 900 ingénieurs tous les ans par du eLearning, l’auto-apprentissage en groupes.
Selon le Dr. Hamadoun I. Touré, DG de Smart Africa : «valoriser le capital humain, permet également d’assurer la pérennité des talents en Afrique afin qu’ils puissent mettre à disposition leurs compétences au développement du continent».
Cela implique aussi les talents de la diaspora dont le retour est souvent conditionné par les moyens mises à disposition pour contribuer à l’avancée de leur pays. Parmi les nombreuses idées proposées, il y a celle de mettre en
place un « ERASMUS » du numérique en Afrique. Il s’agit de
développer des réseaux d’établissements scolaires ou mettre en place une validation des diplômes par les organisations patronales en cas d’absence de politique publique, etc.
ACCÉLÉRER LA CONNECTIVITÉ POUR LIBÉRER LE POTENTIEL DE DÉVELOPPEMENT
Promouvoir le numérique suppose aussi accélérer le développement des télécommunications et la connectivité. C’est un préalable pour le développement du numérique. Bien que la pénétration mobile (70%) connaisse une grande avancée avec près de 1 milliard de cartes SIM en circulation, la faible pénétration de l’Internet (20%) demeure une
réelle inhibition au développement du secteur.
Les acteurs invitent les autorités africaines et européennes à activer, en particulier, deux leviers pour booster le développement du numérique :
* Promouvoir l’investissement public. En Afrique, on dépense environ 5 € par personne pour les accès (télécoms, Internet). Au Brésil, le chiffre est de 30 €. Il faudrait passer à 35 milliards d’euros d’investissement public par an pour permettre au numérique de passer à 9,5% du PIB contre 8% aujourd’hui.
* Aider l’investissement privé, en particulier celui des opérateurs télécoms. L’enjeu étant de suspendre provisoirement les ponctions fiscales en échange d’un accroissement des investissements sur les réseaux. De ce fait, les pays récupèrent au centuple leurs investissements.
Parmi les autres idées à mettre en œuvre, les professionnels
suggèrent de :
* Prioriser le secteur privé pour favoriser la croissance et le
développement du secteur numérique, par des partenariats privés africains et publics privés (PPP)
* Engager des investissements dans les infrastructures de
télécommunications : longue distance, réseaux de collecte, réseaux d’accès car tout commence avec les infrastructures
* S’approprier le développement de Datacenters sur son territoire.
LE MARCHÉ NUMÉRIQUE AFRICAIN, UN POTENTIEL DE 600 MILLIARDS D’EUROS
Au niveau mondial, l’économie digitale représente 22,5% de
l’économie contre 5% pour l’Afrique. Pour permettre à l’Afrique de rattraper la moitié de son retard sur le reste du monde à l’horizon 2025, la mise en place de tous ces leviers (humains, financiers, équipements) permettra au continent de capter près de 300 milliards de PIB supplémentaires.
Ce qui implique d’adopter dès aujourd’hui les mesures structurelles suivantes :
* S’orienter vers un marché commun du numérique africain
* Privilégier une approche sous régionale avec un objectif
panafricain pour atteindre une taille critique suffisante pour mener à bien les projets
* Créer des projets et des dispositifs mutualisés
* Elargir le potentiel de marché et la zone de chalandise
* Harmoniser les pratiques fiscales pour éviter le dumping
* Nécessité de développer des sources de financement pérennes pour les projets en créant un fonds dédié au numérique géré par le Conseil africain du numérique
* Mettre en place les mesures nécessaires de cybersécurité
nécessaires pour un développement sûr des activités numériques avec le maximum de confiance
* Créer une identité numérique pour le e-Citoyen africain
Faisant la synthèse de ces contributions et de ces recommandations des professionnels du numérique dans son discours de clôture, Mohamadou DIALLO, Président du comité d’organisation des ATDA, s’est engagé à faire le suivi nécessaire auprès des autorités d’Adidas Abeba et
de Bruxelles pour faire entendre les priorités des acteurs. En
attendant, la seconde séquence des ATDA se prépare pour Abidjan, le 28 novembre à la veille du sommet UE-UA.