Les bourses de Londres, de Casablanca et la BRVM ont scellé le 9 novembre dernier un partenariat pour le lancement de «Elite BRVM Lounge», un programme d’accompagnement des PME de la zone UEMOA sur le marché boursier.
Lancé en 2012 par la London Stock Exchange, Elite est un programme international implémenté dans 25 pays (Europe, Asie, Maroc) et qui enregistre de plus de 600 entreprises.
Dans ce entretien, Edoh Kossi Amenounve, directeur de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières de l’UEMOA (BRVM) et Karim Hajji, directeur de la Bourse des valeurs mobilières de Casablanca (BVC), expliquent en détail le déroulement du programme ainsi que les avantages que pourront en tirer les PME.
Pouvez-vous expliquer le programme Elite auquel la BRVM adhère et l’implication des partenaires que sont les bourses de Londres et de Casablanca ?
Edoh Kossi Amenounve : Le programme Elite a été conçu par la Bourse de Londres pour l’accompagnement des PME en vue de leur permettre d’accéder à des financements de marché. Le programme a été développé dans plusieurs pays et en Afrique, pour la première fois, au Maroc. C’est la Bourse de Casablanca qui a été la première bourse en Afrique à implémenter le programme Elite depuis 2014 et ils sont à leur quatrième promotion avec 48 entreprises qui sont déjà dans le programme.
A la BRVM, nous avons avec la bourse de Casablanca depuis très longtemps des relations de coopération qui portent sur différents aspects techniques liés par exemple à des doubles cotations ou encore à l’intégration des marchés. Quand nous avons appris que la bourse de Casablanca était en train d’implémenter le programme Elite au Maroc, nous les avons approché pour en connaître les atouts pour nos PME. Et c’est des discussions que nous avions alors engagées que nous sommes parvenus à un partenariat tripartite entre la bourse de Casablanca, la bourse de Londres et nous en vue de l’implémentation de Elite au sein de l’UEMOA à travers une adaptation, comme cela a été fait au Maroc, à notre environnement et aux PME. C’est pour cela que nous avons qualifié l’implémentation UEMOA de «Elite BRVM Lounge».
Comme Casablanca l’a fait, nous allons sur la base du programme tel que conçu par Londres, pour l’adapter aux besoins spécifiques, au contexte de notre Union (UEMOA, ndlr) en interrogeant les PME – ce que nous avons déjà commencé – pour bien cerner leurs besoins.
Nous allons ensuite créer un écosystème régional dans lequel nous allons retrouver à la fois nos partenaires techniques, les bourses de Londres et Casablanca, mais également des partenaires régionaux comme les SGI, les cabinets d’avocat, les cabinets d’expertise comptable, les agences de notation, les fonds de Private equity, les cabinets conseil, bref, tous ceux qui peuvent apporter une contribution à l’amélioration de la gestion de la gouvernance des PME. C’est donc cet écosystème qui va prendre en main l’accompagnement de ces PME dans le programme Elite vers évidemment ce que nous souhaitons : la cotation sur la BRVM.
Mais ce qui est intéressant, c’est que Elite est un label international. Les PME qui vont faire « Elite BRVM Lounge » auront la même certification que celles qui font le programme Elite au Maroc ou dans n’importe quel autre pays. La bourse de Casablanca vient d’avoir trois PME marocaines qui ont déjà obtenu le label Elite. Cela fera en sorte que les entreprises de notre Union pourront entrer dans un réseau mondial avec d’autres PME qui vont échanger leurs expériences, vont bénéficier de l’expertise de tout ceux qui sont dans les écosystèmes des différents pays ou régions de manière à les accompagner dans leur cheminement sur le marché des capitaux.
Pouvez-vous détailler le parcours que ces entreprises auront à faire dans ce programme ?
Nous avons pris les trois phases du programme de façon générale plus un programme labellisé. Certes nous apportons des innovations, mais on doit rester dans un cadre quand même formalisé de sorte à ce que les PME encadrées aient le niveau requis pour obtenir la certification du comité mondial de labellisation. C’est pour cela que nous avons des partenaires techniques (bourses de Londres et de Casablanca, ndlr) et c’est ensemble que nous discutons des contenus des programmes.
Alors, les trois phases sont les phases clés du programme Elite qui sont appelées le « Get ready », le « Get fit », et le « Get value ». Le « Get ready » c’est la préparation. C’est à ce niveau que nous allons échanger avec les dirigeants de la PME pour écouter leurs besoins et voir ce que l’on peut leur apporter. De façon globale à cette étape-là, il s’agira essentiellement de question de gouvernance, de préparation de la stratégie de l’entreprise, de montage de business plan etc. Donc il y aura des ateliers que nous allons tenir à Abidjan avec un certain nombre de modules tournant autour de ces sujets-là où nous ferons venir ces PME en face d’experts de notre écosystème – j’ai parlé de cabinets d’avocat etc., – qui viendront échanger avec eux à travers des ateliers qui sont très professionnels pour les accompagner.
Une fois que la PME a passé cette étape, nous passons à une autre plus spécifique sur les questions de financement. C’est là où il y aura des ateliers sur les différents modes de financement, le financement bancaire, le financement par le marché et la préparation d’un IPO (entrée en bourse, ndlr). Donc la PME, pendant également une année, va participer en face d’experts de ces sujets à des ateliers sur la préparation.
Et une fois les modules de cette phase seront, je dirais, « validées », la PME va ensuite passer à la troisième étape qui est la « Get value ». Cette étape-là n’a pas de durée, parce que c’est une étape où cette dernière rentre dans un écosystème général et en fonction de son niveau de préparation, elle va aller vite ou moins vite à la cotation en bourse. Dans cette étape il y aura un suivi. Si l’entreprise est par exemple déjà prête, elle pourra prendre un conseil juridique, un conseil financier, une SGI pour préparer l’admission à la cote. Donc pendant cette troisième étape-là, tout sera fait pour que la PME accède au marché des capitaux.
En ayant accès au réseau international du programme Elite, quelles sont les opportunités pour les PME ?
Vous avez un programme international qui s’appelle Elite et vous « passez tous les examens » du programme pour être labellisé Elite. Cela veut dire que vous avez satisfait à toutes les conditions pour être considéré comme une PME structurée, transparente pour pouvoir accéder à des financements. Et comme vous rentrez dans une plateforme mondiale, tous ceux qui s’y connectent savent que vous êtes labellisé. De sorte que le jour où vous allez lancer une IPO, les investisseurs internationaux et même régionaux vont acheter vos titres, et c’est le plus « gros » avantage. (…).
Vous savez, la cotation en bourse, ce n’est pas un exercice facile. C’est un exercice qui doit se faire avec une préparation rigoureuse et minutieuse. Et c’est justement cette préparation qui manque souvent aux entreprises ou qui les freinent dans leurs volontés d’aller à la bourse. C’est pour cela que nous, BRVM, en regardant ce qui se passe dans le monde et particulièrement en Afrique, nous disons que pour notre compartiment (projet de compartiment dédié aux PME à la BRVM, ndlr), la principale innovation sera ce programme d’accompagnement. Nous allons mettre l’accent sur l’accompagnement parce que nous considérons que c’est ainsi qu’on aura plus de chance de récupérer des entreprises sur le compartiment.
Quelles sont les conditions d’éligibilité à ce programme ?
Évidemment, nous allons quand même sélectionner parce que nous ne pouvons pas offrir le programme à tout le monde. D’abord il faut que la PME manifeste l’intérêt d’adhérer au programme. Il y a ensuite un comité de sélection qui va regarder son organisation, son business plan ou son projet, son marché, son secteur d’activité, ses ressources humaines pour voir si la PME répond aux conditions minimales d’organisation d’une entreprise moderne. Si elle ne répond pas à ces conditions, elle se fera accompagner, mais si elle répond déjà, l’accompagnement dans le programme Elite sera accéléré.
Il n’y a pas une contrainte de taille ou de chiffre d’affaires avec un standard international à respecter. Quand on parle d’adaptation à nos PME, il s’agit d’une adaptation en fonction de leurs besoins, de leurs niveaux de maturité et de leur volonté d’avoir accès au marché des capitaux. Nous n’allons rien prendre qui soit contraignant, qui soit étranger à nos réalités. Le Maroc ne l’a pas fait en appliquant le programme tel que conçu par la Bourse de Londres. Quand on parle d’adaptation c’est le fait d’utiliser des experts locaux qui connaissent la réalité des PME, qui sont en mesure de bien appréhender la problématique de leur financement et de leur accompagnement.
Quel retour avez-vous des PME qui suivent le programme au Maroc ?
Karim Hajji : Nous avons eu un retour très positif. 95% des PME qui suivent ce programme se sont déclarées satisfaites ou très satisfaites. Aucune PME n’a quitté le programme en cours de route. Les deux premières cohortes sont déjà dans la deuxième année. Il y a donc vraiment un intérêt pour ce programme et comme l’a dit M. Amenounve, c’est un programme qui est effectivement sur mesure, qui est mis en place pour les PME marocaines et non les PME anglaises ou italiennes. Le programme a été mis en place en interrogeant les PME elle-même sur les problématiques qui sont les plus prégnantes pour elles. Celà peut être la gouvernance, cela peut être la succession pour le cas des entreprises familiales, cela peut porter sur la stratégie de développement pour les PME qui stagnent depuis quelques années. Donc il y a plusieurs problématiques qui ont donné lieu in fine à la mise en œuvre de 6 modules de formation qui commence par la stratégie de l’entreprise, la gouvernance pour mettre en place cette stratégie, ensuite il y a le type de financement pour répondre aux besoins de l’entreprise, puis la valorisation économique de l’entreprise elle-même, et, enfin, l’equity story qui permet à l’entreprise de rédiger une histoire avant de se présenter sur le marché des capitaux.