Abidjan a accueilli ce 27 novembre le 6ème forum des Affaires UE-Afrique qui rassemble les acteurs des secteurs privés des deux régions autour de la thématique de l’emploi des jeunes, une question qui sera au cœur du sommet UA – UE qui s’ouvre ce mercredi.
L’Afrique dispose des jeunes « en nombre et même en surnombre », une main d’œuvre abondante mais essentiellement désœuvrée ou sous employée, qui a du mal à s’intégrer dans des économies africaines dont l’expansion croissance fait saliver les autres régions du mondes.
Les réformes économiques et structurelles engagées sur le continent donnent pourtant des résultats probants, a rappelé Victor Harrison, commissaire aux affaires économiques de la Commission de l’Union africaine. Après une hausse du PIB d’environ 5% sur la dernière décennie, la croissance qui a ralenti devrait repartir cette année avec une prévision de 2,6% et 4,5% en 2018. L’environnement s’y améliore considérablement : alors qu’il fallait, par exemple, en moyenne 61 jours pour créer une entreprise sur le continent en 2003, ce chiffre es&t aujourd’hui passé à 24 jours, se rapprochant de la moyenne mondiale estimé à une vingtaine de jours. Et cette année, le continent devrait accueillir un record de « 100 milliards de dollars d’investissement », ajoute Victor Harrison
Seulement, là où le bat blesse, c’est que « la croissance africaine n’est pas inclusive » analyse Albert Yuma, président de Business Africa, organisation représentant les patronats du continent noir.
Sortir du piège d’une situation « perdant – perdant »
L’Afrique hérite ainsi d’un profil démographique potentiellement « explosif » avec des jeunes sans perspective d’emplois durables qui se précipitent aux portes d’une Europe débordée « qui ne sait ce qu’en faire » au point où les deux régions se retrouvent dans une situation de « perdant-perdant » poursuit-il. D’où la nécessité pour les acteurs du monde des affaires d’accompagner les politiques publiques par des investissements productifs générateurs d’emplois.
Il faut en Afrique une « croissance à forte densité de main-d’œuvre ; la croissance doit générer des emplois » a insisté Albert Yuma qui préconise de réserver plus de marge de manœuvre aux entreprises du continent afin de leur permettre de « se développer sans la crainte d’une concurrence extérieure excessive ».
Face à des pesanteurs multiples comme le manque ou l’insuffisance des infrastructures, il importe en effet, note le président du patronat de RD Congo, de « protéger nos industries naissantes » au risque d’être les « idiots utiles du dogme du libre échange » : « le Kenya a une productivité totale des facteurs équivalent à 40% de celui de la Chine », souligne Albert Yuma, pour expliquer que les entreprises du continent ne peuvent soutenir la concurrence de celles des pays développés et émergents.
Transformer les défis en opportunités
Tout l’enjeu est donc de trouver des axes « d’un partenariat stratégique équitable et gagnant-gagnant » a rappelé pour sa part Daniel Kablan Duncan, le vice-président ivoirien. Les défis tels le changement climatique, la faiblesse du capital humain, l’insuffisance des infrastructures ou encore le peu de diversification des économies, qui pouvaient être considérés il y a quelques temps comme des entraves sont tous autant d’opportunités pour investir et des niches d’emplois que peuvent saisir le secteur privé européen, note -t-il
Plusieurs secteurs d’activités peuvent être explorés pour changer la donne en Afrique. L’agriculture qui est le plus grand employeur et reste le principal bassin d’emplois est encore à développer afin éviter l’exode rural qui fait de nos mégalopoles des « trappes à pauvreté ». Ensuite il faut s’orienter vers l’industrie dont les effets se répandent sur toute l’économie, notamment avec le développement de la sous-traitance. « Il faut une transformation plus poussée de nos matières premières » pour relever la part du secteur industriel dans la création de richesse, a invité Daniel Kablan Duncan. Mais il faut que les investissements dans ce secteur, notamment dans les ressources minières non renouvelables, « profitent effectivement au pays », insiste Albert Yuma, également patron de la GECAMINE, qui a récemment dénoncé l’exploitation de la société publique congolaise par ses partenaires internationaux. Également, l’économie numérique est une autre niche d’opportunités qui reste encore peu exploitée alors que le potentiel en Afrique reste important au regard du développement exponentiel du mobile money, entre autres.
L’on estime que 450 millions de jeunes africains vont arriver sur le marché de l’emploi d’ici 2030. Et si les perspectives d’emplois durables et décents ne s’améliorent pas par un afflux d’investissements pour mettre en valeur le potentiel économique du continent africain, le statut quo de la situation de « perdant-perdant » risque de perdurer avec son lot de drame et de menace pour la stabilité de ces deux parties du monde. « Nous n’avons pas d’autres choix que de nous inscrire dans cette nouvelle dynamique », a exhorté Daniel Kablan Duncan.