En quête de fonds à Paris pour financer son Plan national de développement, le président guinéen semble avoir reçu le soutien de la communauté internationale. Celle-ci devra cependant veiller à ce que l’environnement ne soit pas sacrifié sur l’autel de la croissance.
La visite aura été bien plus fructueuse que prévu. À l’issue de la table ronde qu’il a organisée à Paris les 16 et 17 novembre, Alpha Condé a récolté plus de 20 milliards de dollars d’engagements des partenaires économiques et financiers de son pays, alors qu’il tablait sur une levée de 4,5 milliards.
Le Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020 reçoit ainsi le soutien de la Banque mondiale (qui s’engage à le financer à hauteur de 1,6 milliard de dollars), la Banque islamique de développement (1,4 milliard), la Banque africaine de développement (725 millions), l’Union européenne (500 millions), la CEDEAO (223 millions) et de nombreux pays partenaires, dont la France, l’Arabie saoudite, le Koweït, le Japon, la Belgique, l’Italie et le Royaume-Uni. Les investisseurs privés ont quant à eux annoncé plus de 7 milliards de dollars.
Composé d’une cinquantaine de projets, le PNDES vise notamment à atteindre une croissance plus élevée et inclusive grâce à la préservation de la stabilité macroéconomique et de la viabilité de la dette publique. Afin de booster la croissance guinéenne à l’horizon 2020, le plan vise à développer les infrastructures (routes, chemin de fer Conakry-Bamako-Bobo Dioulasso), à doper la production électrique et surtout à amorcer la transformation structurelle de l’économie tout en mettant le pays sur la trajectoire du développement durable.
L’environnement menacé
L’économie guinéenne est particulièrement dépendante du secteur minier, qui a contribué a plus de 98 % aux revenus d’exportation du pays en 2016 (contre 84,12 % en 2015).
« Ces nouvelles données de la Banque centrale guinéenne montrent la quasi-dépendance de l’économie guinéenne à l’égard de son secteur minier, et sa vulnérabilité face aux variations des prix des produits miniers », analyse l’agence Ecofin. « Alors que le secteur sort à peine d’une crise mondiale (chute des prix des matières premières), la Guinée devra espérer que les prix des produits miniers ne replongent pas, pour ne pas vivre la même situation que le Nigeria avec le pétrole », ajoute-t-elle.
Économiquement risquée, l’exploitation de la bauxite représente également un défi écologique pour le pays. L’incurie de l’État dans ce domaine mènerait la Guinée à vivre la même situation que le Vietnam, l’Indonésie ou la Malaisie, pays en partie dévastés par l’exploitation déréglementée et dangereuse du minerai. Les mines de bauxite sont en effet à ciel ouvert et le traitement du minerai produit des « boues rouges » très toxiques et en très grandes quantités.
Au Vietnam, en Malaisie, la pollution est devenue excessive, la prévalence de maladies graves a explosé et la déforestation s’est considérablement accélérée. Les puissants groupes chinois Chinalco et China Hongqiao Group, désormais établis en Guinée, étaient alors pointés du doigt pour leurs méthodes d’exploitation désastreuses.
Accompagner et vérifier les efforts
Pour éviter de reproduire les erreurs des pays d’Asie du Sud-Est, la Zambie a mis en place en juillet un nouveau programme de rénovation des installations minières et de protection de la nature. Un projet qui souhaite s’attaquer également aux problèmes sociaux engendrés par ces industries. De son côté, la Guinée n’a pas pris de réelles mesures coercitives pour surveiller ces entreprises. Conakry s’est contenté de mettre en place une politique de défiscalisation des investissements afin d’attirer davantage d’investisseurs et multiplier les chances de découvrir de nouveaux gisements.
Le pays possède quelque 25 milliards de tonnes de bauxite, soit la moitié des réserves mondiales. Sans parler de ses réserves de fer, diamants, or et uranium. Mais il est aussi l’une des 10 nations les plus touchées par la déforestation.
Les efforts de l’État guinéen pour protéger le pays des ravages de l’exploitation minière devront être gigantesques. Et la communauté internationale, qui a généreusement accepté de les soutenir, devra jouer un rôle central en matière d’accompagnement et vérification.
François Lamontagne