Le Rwanda est un pays où les autorités nationales sont dans la cabine de pilotage et déterminent là où le pays doit aller dans le cadre de sa Vision. C’est ce qui est à l’origine des progrès de l’Agriculture dans le pays sur les cinq dernières années, comme le déclare Attaher Maiga, Représentant de la FAO. Après cinq ans de présence au Rwanda, ce haut cadre livre ici un bref bilan de fin de mission, au micro du journaliste André Gakwaya de Rwanda News Agency (RNA), partenaire de Financial Afrik dans la région des Grands Lacs.
Voudriez-vous nous brosser un bref bilan de votre passage à la tête de la FAO/Kigali ?
Attaher Maiga (A.M) Je suis arrivé au terme de ma mission de cinq ans au Rwanda. Je dois dire que c’est difficile de faire un tel bilan. Il se passe tellement de choses en un jour dans ce pays si bien que chaque jour est un bilan en soi. Mais si je dois en faire , c’est d’abord de relever les progrès de l’Agriculture au Rwanda en termes d’augmentation de la production et de la productivité grâce aux programmes nationaux qui existent pour ce faire. Cela est un acquis.
Et aussi en termes de politiques et de stratégies, je pense que l’environnement au Rwanda est très bien articulé autour des politiques marcoéconomiques et sectorielles. Dans l’Agriculture, il y a une politique agricole et la stratégie de transformation de l’Agriculture. Je trouve que ces deux documents de politiques et de stratégies sont bien articulés et assez étoffés. On sent aussi que compte tenu de l’environnement, le système de rendre des comptes (accountability) est assez solide au Rwanda.
J’ai remarqué qu’il y a toujours cette préoccupation de voir, par rapport à ce qu’on a prévu de faire : Qu’est-ce qu’on n’a pas pu faire ? Qu’est-ce qui n’a pas pu être fait ? Cet environnement est très, très solide. Il permet de voir vraiment les résultats qu’on a pu atteindre. Il permet de donner des explications sur ce que l’on n’a pas pu atteindre.
En termes de bilan aussi, j’ai été très impressionné par le leadership de ce pays. Un leadership au sommet très éclairé, très visionnaire. On sait que les leaders de ce pays ont une vision pour le Rwanda. Ils savent où ils veulent se rendre dans le futur proche, moyen et même à long terme. C’est cela qu’on appelle « la Vision ». Ils mettent tout l’engagement et toutes les ressources disponibles pour pouvoir atteindre les objectifs qui sont reflétés dans les visions. Et quand je dis des leaderships, c’est aussi à plusieurs niveaux. Il y a le plus haut niveau, le suivant, l’intermédiaire, le niveau national, le niveau décentralisé. Ceci aussi m’a beaucoup impressionné durant mon séjour ici.
Je pense aussi que le Rwanda est un pays où les autorités nationales sont dans la cabine de pilotage comme on dit en Anglais « pilot site ». Et cela est très bien. Cela veut dire que ce sont les autorités qui déterminent là où elles veulent aller. Et nous en tant que partenaires,- spécifiquement ici je parle au nom de la FAO et de la Famille des Nations Unies-, cela nous facilite la tâche parce que nous, nous sommes là pour accompagner les pays dans les objectifs qu’ils se sont fixés eux-mêmes. Ce n’est pas à nous de fixer les priorités et les objectifs. Et là je pense que c’est quelque chose que j’ai beaucoup apprécié au Rwanda. Cela facilite la tâche à des partenaires comme nous qui sommes là pour appuyer les priorités nationales identifiées par les nationaux eux-mêmes.
Et dans ce sens-là, le bilan que je peux faire pendant ma mission ici, c’est que j’ai essayé de faire du mieux que puisse , pour mettre à la disposition du pays des compétences techniques de mon institution qu’est l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et Agriculture, la FAO. Nous ne sommes pas une institution de financement. Nous sommes une Agence Technique qui a de l’expérience, de l’expertise, dans le monde entier. Et notre rôle est de mettre cette expérience, cette expertise, à la disposition du pays. Et c’est cela que j’ai essayé de faire pendant ma mission ici.
Je voudrais exprimer mes vifs remerciements aux autorités nationales avec lesquelles j’ai eu à travailler pour avoir facilité cela. Parce que j’ai trouvé en face de moi des interlocuteurs très courtois, disposés à écouter. Cela a contribué à réaliser les objectifs qu’ils se sont définis. C’est très agréable de travailler dans un tel environnement.
Vous voyez que l’environnement pour atteindre les résultats est très dynamique. J’ai beaucoup apprécié dans ce sens le système des « Imihigo » ou Contrats de Performances où chaque année les objectifs sont définis à tous les niveaux des leaderships et techniques. Un an après, on revient pour dire ceci a été fait, ceci n’a pas été fait. Cela est quelque chose que j’ai durant mon séjour ici.
Pour ne pas être trop long, je dirais que le concept de « Home Grown Solutions »est très bon. Le pays essaie de trouver des solutions à ses problèmes tout en tenant compte de la dynamique régionale. C’est un élément que je veux souligner. Au niveau de l’Agriculture qu’on développe, on essaie de voir quand on a la production vers où exporter ses produits. Je m’en félicite pour cela.
Je pars d’ici satisfait du temps que j’ai passé ici. Parce que j’ai eu des relations très cordiales. Nous travaillons ici avec les Ministères de l’Agriculture, de l’Environnement, de la Terre et Forêts, du Commerce et Industrie, et les institutions affiliées. Bien entendu, il y a le Ministère des Finances et du Développement Economique qui joue un rôle très critique de coordination et d’harmonisation de ce qui se fait, et aussi de mise à la disposition des Ressources Financières et Budgétaires. C’est un environnement que j’ai apprécié pour toute l’énergie que les uns et les autres mettent pour atteindre les objectifs du pays. Donc, c’est difficile de faire un bilan de cinq ans. Mais ce sont les éléments que je tenais à relever.
Il y a sans doute des programmes inachevés ou inscrits dans la continuité que vous confiez à votre successeur.
On est dans un environnement dynamique. Chacun joue sa partition. Moi, j’étais là durant ma période. J’ai fait ce que j’ai pu du mieux que je pouvais. Bien entendu, la roue continue de tourner. Mon successeur va devoir prendre les choses où je les ai laissées pour pouvoir avancer dans la direction souhaitée par les autorités nationales. Et dans ce sens, je voudrais peut-être juste mentionner le nouveau cycle de programmation qui est en cours présentement au Rwanda.
Vous savez que la plupart de documents de politiques stratégiques s’arrêtent en Juin 2018. Et à partir de Juillet, il y a de nouveaux cycles qui commencent. Et dans le cadre de l’Agriculture précisément, il y a le PSTA4, qui est le Plan Stratégique de Transformation de l’Agriculture, la 4ème Génération.
Je pense que mon successeur aura beaucoup de plaisir à être impliqué dans la mise en œuvre de ce PSTA4, qui est à mon avis un Plan Stratégique de Transformation vraiment réel de l’Agriculture en tenant compte de tous les points faibles du Plan Stratégique précédent.
Il tient compte des ODD (Objectifs de Développement Durables), de l’engagement du Secteur Privé, des questions de recherche agricole, de la dimension du changement climatique, de l’accès au financement, mais aussi de la dimension institutionnelle. Parce que, pour transformer l’Agriculture, il faut s’assurer que les institutions en place répondent aux exigences du moment. La Société civile et tout le monde y ont eu vraiment une large consultation pour l’élaboration de ce document stratégique.
Mon successeur aura vraiment à mon avis beaucoup de plaisir à participer à la mise en œuvre de ce Plan Stratégique en ce qui concerne le secteur de l’Agriculture.
Bien entendu, comme j’ai mentionné d’autres partenaires nationaux avec lesquels nous travaillons et qui touchent au document stratégique, je suis convaincu que mon successeur va prendre toutes ces questions à cœur afin de contribuer et d’apporter l’assistance technique que le FAO peut apporter dans les objectifs qui sont définis dans ce document-là. Ceci va être reflété en fait dans ce que nous appelons à la FAO notre « cadre Programmation pays » qui est aussi un document de cinq ans basé sur les priorités nationales. Nous aurons donc à partir du 1er Juillet 2018 un document de Programmation juste de la FAO au Rwanda qui se basera sur toute cette nouvelle dynamique qui commence. Donc, je pense que c’est cela que je laisserai à mon successeur comme implication.
– Qu’est ce qui vous attend de particulier à Niamey ?
Je n’ai pas encore tous les détails sur ce qu’il y a au Niger. Mais ce que je sais, c’est qu’il y a un nombre de défis à relever parce que le Niger est un pays sahélien. Le défi climatique est toujours présent. Tous les pays sahéliens font face à la variabilité de la pluviométrie, les sécheresses récurrentes sont là. Le Niger est un pays aussi très pastoral. L’élevage est un secteur très important. Je suis au courant qu’il y a un programme très important qui s’appelle « 3N » qui signifie le «Niger Nourrit les Nigériens», qui est un programme très important de sécurité alimentaire.
Les défis là-bas sont aussi les systèmes d’alerte précoce pour s’assurer qu’on anticipe sur ce qui va arriver. Et tout cela doit se faire en coordination avec les autres institutions qui travaillent que ce soit au niveau de Nations Unies, et d’autres partenaires au développement.
Voila grosso modo, le genre de défis auxquels je m’attends au Niger. Il faudra voir aussi, comme j’ai pu le faire ici, comment apporter l’expérience et l’expertise de la FAO. Je suis très, très content que je pourrais utiliser certaines expériences et leçons que j’ai apprise ici au Rwanda pour voir comment elles peuvent être appliquées au contexte du Niger. Je pense que cela est important.
Propos recueillis à Kigali par André Gakwaya