Dans son sixième rapport sur la Côte d’Ivoire publiée ce 8 février, la banque mondiale pointe du doigt le fossé technologique de l’économie ivoirienne comme le principal goulot d’étranglement de sa marche vers l’émergence. Certes, le pays a retrouvé la trajectoire de la croissance, mais il lui faut un secteur privé plus performant et plus compétitif pour accélérer son développement .
Selon l’institution financière en effet, à l’exemple des pays de l’Asie de l’Est, « l’émergence économique est avant tout un phénomène technologique » : « ces pays ne sont sans doute pas encore à la pointe de la recherche et de l’innovation, mais ils ont réussi à mettre en place une dynamique de rattrapage technologique ». Et la Côte d’Ivoire est encore loin du compte.
« En Côte d’Ivoire, la productivité du travail et du capital d’une entreprise est généralement trois à quatre fois inférieure à celle d’une entreprise en Indonésie, au Maroc ou en Chine ». Or, note la Banque, sans des entreprises plus performantes, puisqu’elles sont le principal employeur du pays et génèrent l’essentiel de ses revenus, la Côte d’Ivoire de saurait prétendre à l’émergence.
Rattrapage technologique
Cependant, le secteur privé ivoirien reste à la traîne en matière d’innovation : seules 3 % des entreprises utilisent des licences technologiques importées contre plus de 15 % dans le reste de l’Afrique selon la Banque mondiale. En outre, ces entreprises « dépensent moitié moins en recherche et innovation que leurs homologues africaines ».
Il est donc urgent de changer la donne : « la vitesse de convergence de la Côte d’Ivoire peut s’accélérer si elle adopte et adapte les nouvelles technologies, par le biais d’un rattrapage technologique », ce qui impose de « privilégier l’ouverture vers l’extérieur à travers les investissements étrangers et les exportations ».
« Ces deux vecteurs favorisent en effet les transferts de technologie et de compétences car la vaste majorité des nouvelles technologies, y compris celles qui peuvent façonner l’Afrique de demain, sont souvent développées par la propriété d’entreprises de pays avancés. La recherche de partenariat doit donc devenir une priorité » suggère l’institution.
Attirer les investissements, former le capital humain et renforcer la connectivité
Pour réussir, la Banque mondiale conseille à la Côte d’Ivoire d’adopter une stratégie autour de trois axes complémentaires : s’ouvrir vers l’extérieur mais aussi renforcer les compétences de sa main-d’œuvre ainsi que la connectivité au sein de son économie, ces deux derniers facteurs jouant un rôle essentiel dans la diffusion et l’adaptation des nouvelles technologies importées au sein du tissu économique local. Et la banque de citer l’exemple « de nombreux pays en Asie et plus récemment en Afrique, comme le Rwanda et l’Éthiopie ».
La Côte d’Ivoire doit attirer les investissements étrangers dans des secteurs dans lesquels elle possède des avantages comparatifs. Ces secteurs « peuvent potentiellement attirer des investisseurs étrangers et se tourner vers l’exportation afin de bénéficier de transferts technologiques et de compétences, qui font encore cruellement défaut à la Côte d’Ivoire ».
Ensuite, le pays doit renforcer les capacités de ses ressources humaines afin « d’assimiler, adapter et faire fructifier un nouvel outil technologique ». Une perspective qui impose des partenariats de formation avec les entreprises privées, en particulier étrangères, et les Ivoiriens de l’étranger.
Enfin, Abidjan doit mettre en œuvre une bonne connectivité qui « facilite les échanges et agrandit la taille du marché, générant des économies d’échelle qui sont souvent indispensables à l’établissement d’entreprises étrangères et au développement d’activités d’exportation ». Cela nécessite d’abaisser les coûts de transports physiques et virtuels mais aussi de réduire les distances, à travers le processus d’urbanisation par exemple. Les priorités ici sont egalement d’améliorer la performance des ports ivoiriens (ainsi que leurs connexions annexes), de réduire les coûts associés à l’usage des outils de téléphonie mobile et internet (1,5 à 3 fois plus chers qu’au Ghana par exemple) et de mieux gérer le processus d’urbanisation en augmentant la densité économique au sein des villes tout en maîtrisant les coûts de congestion.