Véritable laboratoire d’idées du grand Sahel, le Forum de Bamako qui se tient du 22 au 24 février 2018, offre depuis plus de dix ans le cadre pour une réflexion stratégique sur le devenir de la diagonale sèche qui va de l’Atlantique à Djibouti.
Dans son discours d’ouverture de cette 18ème edition, Abdoullah Coulibaly, président du Forum, a d’abord planté l’e décors en présentant le Sahel. «Si en langue arabe il signifie rivage, le Sahel n’est pas moins un espace rebelle aux frontières figées.
Aux critères géo-climatiques de sa définition, s’ajoutent ceux de l’économie, de la politique, de la sécurité et de la diversité socioculturelle». De l’Océan Atlantique à la Mer Rouge, s’étend le Sahel que le Pr. Alioune Sall compare à une toile impressionniste sur laquelle chaque groupe humain, chaque catégorie d’acteurs apporterait sa propre touche.
Le Sahel, poursuit M. Coulibaly, est pris dans l’étau des paradoxes. «Ses richesses et ses misères se côtoient et s’engendrent mutuellement», appelant l’aménagement du territoire de manière prévenir les conflits entre éleveurs et agriculteurs.
La crise malienne de 2012 a rendu davantage nécessaire la prise en compte des critères politiques et sécuritaires dans la délimitation et la définition du Sahel. Au-delà des limites du G5 SAHEL, du CILSS, de l’UEMOA et de la CEDEAO, les questions du Sahel s’étendent aux pays du Maghreb et à la Libye.
Et monsieur Coulibaly de poursuivre: «Malgré la grande combattivité de ses populations, l’espace Sahélo-saharien est le plus souvent assimilé à la faible résilience, à la faible capacité de transformation et à l’extrême vulnérabilité face à l’insécurité générale qui revêt plusieurs formes (environnementale, énergétique, alimentaire, financière, politique, etc.).».
Le Sahel, un espace tragique
Le Sahel est devenu un tragique espace d’intégration entre les deux rives du Sahara ; un mélange cynique entre rivage, mirage et ravage.
«Les consciences à force de s’indigner sont comme anesthésiées par les réseaux sociaux et les récits rocambolesques des médias sur des mouvements terroristes et des prises d’otages par-ci, le trafic d’êtres humains et les révoltants marchés à esclaves par-là».
Les informations relatives au commerce des armes et des drogues, au blanchiment de l’argent sale, aux complicités en matière de corruption, ces informations, dis-je, sont présentées selon la tête du client : tête à sauver ou à faire tomber.
La soif du pouvoir et la course à l’argent facile ont donné à notre espace, l’image d’une mafia.
La dernière partie du discours de monsieur Coulibaly est un constat d’une situation explosive doublée d’une crise de confiance.
« L’instabilité a élu domicile au Sahel car la profonde crise de confiance découlant du déficit de gouvernance en a fait le lit. A toutes les échelles, la confiance s’est effritée. Une rupture s’est installée entre gouvernants et gouvernés, administrateurs et administrés, juges et justiciables, élites politiques et militants.
Le doute a atteint même les portes du sacré : les Mosquées et les Eglises.
La parole du prêtre comme celle de l’imam n’est plus au-dessus des soupçons.
Les dirigeants de la sous-région eux-mêmes se font-ils mutuellement confiance pour partager les informations si capitales dans la gestion de la crise, pour aller en rangs soudés et éviter à notre espace d’étaler à la face du monde la triste image de la duplicité et du panier à crabes où les uns cherchent à enfoncer les autres pour s’en sortir ?
Et pourtant, un autre Sahel est possible, affirme M. Coulibaly . « Un autre Sahel doit être. Oui, un Sahel où la gouvernance inspire confiance, s’ouvre à l’entrepreneuriat féminin, s’ouvre à la diaspora et rend cet espace attractif pour les investisseurs et les projets de développement.
Un Sahel où la famille passe du gouffre de dépenses de prestige à l’entreprise génératrice de revenus et d’accumulation de capital.
Un Sahel où la jeunesse canalise ses énergies et exprime ses talents dans tous les domaines (art; artisanat, musique, sport, recherche scientifique, innovation technologique, Technologies de l’Information et de la Télécommunication (TIC), commerce, agriculture, élevage, aquaculture, foresterie, secteur immobilier, tourisme, hôtellerie, et tant d’autres) ».