Nous publions ici la deuxième partie de la chronique de Daniel Aggre intitulée : « Les PME à la BRVM: comment réussir? ». Dans cette suite et fin, l’expert financier du marché de la BRVM, Daniel Aggre, founder de SikaAdvisory, nous donne des exemples de mauvaises et bonnes communication financières.
La communication financière d’une entreprise doit être cohérente et répondre à une stratégie claire et nette. Dans le souci d’encourager les PME à adopter de bonnes habitudes dès leur entrée sur le marché financier régional, nous présentons ci-dessous des exemples de mauvaises et bonnes communications financières.
Exemples de mauvaise communication financière à la BRVM : Cas de SERVAIR ABIDJAN CI, BOA et CFAO MOTORS
1) SERVAIR ABIDJAN CI : Mauvais timing
Le 03 Mai 2016, lors de l’assemblée générale de la compagnie, le management de SERVAIR ABIDJAN annonce le fractionnement de son titre à raison de vingt (20) actions nouvelles pour une (1) ancienne. Suite à cette publication, le cours de l’action bondit de +14.82% en seulement deux (2) jours.
Cette annonce est un catalyseur pour le titre qui va enregistrer une croissance exponentielle de +95.88% du début de l’année jusqu’au 28 septembre 2016. Avec un pic observé le 22 septembre à 180 000 FCFA avant fractionnement.
Fait important, le 16 Septembre 2016, la compagnie annonce la date effective de son fractionnement à savoir le 30 Septembre 2016. Puis le 29 septembre 2016, la compagnie de restauration aérienne annonce une baisse de son résultat net semestriel de 46.02%.
Cette communication se fait la veille du fractionnement du titre SERVAIR. Dès le lendemain de cette publication, le titre perd 7.47% et enregistre une dégringolade de -30.72% en 8 jours.
Cette date du 29 septembre 2016 marque ainsi le début de la chute vertigineuse de l’action SERVAIR ABIDJAN. Le titre perdra ainsi 81.87% de sa valeur du 29 Septembre 2016 au 31 Décembre 2017 et perdra aussi la confiance des investisseurs.
Conclusion ?
2) La mauvaise information des intervenants du marché sur l’augmentation de capital des BOA
En juin 2017, les filiales de la Bank Of Africa (BOA) effectuent une série d’augmentation de capital par incorporations de primes d’émission. Ainsi que des reports à nouveau par la création d’action nouvelle et de distribution d’action gratuite.
L’annonce de BOA CI, BOA BENIN et BOA SENEGAL de procéder à la distribution gratuite d’une (1) action nouvelle pour une action ancienne à chacun de ses actionnaires, suscite un engouement chez les investisseurs.
Ces derniers, malheureusement vont mal interpréter l’opération et seront également induits en erreur par bon nombre de conseillers financiers et négociateurs/traders sur le marché.
Cette mauvaise compréhension du processus d’augmentation de capital par incorporation de réserve aurait pu être évitée avec des analystes aguerris à ce genre d’opération. Ces derniers auraient pris le soin de donner de plus amples informations à leur clientèle.
Certains intervenants du marché ont incité des investisseurs à souscrire à cette opération en méconnaissance du processus réel de l’opération.
3) L’amalgame fait par le marché entre CFAO MOTORS et CFAO Retail
Le 19 Décembre 2015, Le président Ivoirien Alassane Ouattara inaugure en grande pompe le premier hypermarché subsaharien du groupe français Carrefour en compagnie de plusieurs hauts responsables de CFAO et de Toyota Tsusho Corporation.
Cette ouverture crée une certaine hystérie sur la BRVM et nombreux sont ceux des intervenants du marché à considérer cette ouverture du magasin comme étant bénéfique pour CFAO MOTORS.
Un amalgame se crée entre CFAO retail qui est l’organe chargé du magasin «Playce» et CFAO MOTORS qui est responsable de la distribution des véhicules en Côte d’Ivoire. Certains négociateurs/traders incitent ainsi de nombreux investisseurs à acheter l’action CFAO Motors.
Par conséquent, le titre enregistre une croissance exponentielle et réussi même à atteindre son plus haut cours historique depuis son introduction à la bourse sur cette période à 160 000 FCFA (avant fractionnement) le 24/03/2016.
Le 25 mai 2016, soit deux (2) mois plus tard, lors de l’assemblée générale de CFAO MOTORS, le conseil d’administration de la compagnie annonce clairement que le magasin Playce ne fait pas partie de leur activité. Aussi cette forte hausse du cours de leur titre n’est pas de leur fait.
A la fin de cette AG, le cours de CFAO MOTORS commence à chuter à la bourse. En seulement 14 jours de cotations le titre va perdre 43% de sa valeur. C’était vraiment dommage pour les acheteurs qui se retrouvaient du mauvais côté de la courbe.
Dans ce cas, certains intervenants du marché (négociateur/trader) ont induit de nombreux investisseurs en erreur.
Exemple d’une excellente communication financière à la BRVM : cas de BOA Mali et ONATEL
1) ONATEL : Excellente réaction du management d’ONATEL
Le 04 Octobre 2016, l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARCEP) du Burkina Faso exige d’ONATEL, le règlement d’une amende de 5 milliards FCFA au plus tard le 20 octobre 2016. Sous peine de payer en plus, 100 millions FCFA par jour de retard.
Une semaine plus tard, c’est-à-dire le 12 Octobre, le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) lors d’une conférence de presse affirme que ONATEL n’aurait pas déclaré de manière sincère tous les équipements et matériels acquis par TELMOB lors de l’opération de fusion-absorption de TELMOB SA par l’ONATEL. En outre, le réseau accuse l’entreprise d’une fraude douanière évaluée à 11 milliards FCFA.
Dès l’annonce de la sanction du régulateur, le cours boursier d’ONATEL enregistre une baisse de 18.01% en 8 jours. Afin de faire face à toutes ces accusations, surtout celles liées à la fraude douanière, le management d’ONATEL va émettre un communiqué le 17 octobre 2016 pour se défendre.
Cette sortie aura pour effet immédiat la limitation de la baisse du titre et permettra de ralentir la perte de valeur de l’action ONATEL.
Ainsi, Huit (8) jours après cette sortie du mangement, ONATEL enregistrait juste une perte de 0.20%.
Le communiqué du management avait réussi à amortir la forte baisse de l’action.
2) BOA MALI : Détournement de 20 milliards FCFA et réaction du management
Le 08 septembre 2016, un article publié dans un quotidien malien, fait écho d’un détournement de fonds à la BOA MALI. Cette information est rapidement reprise sur tous les sites financiers.
Les intervenants du marché financier sont stupéfaits par ce scandale qui intervient tout juste après 100 jours de l’OPV. Et surtout après une croissance fulgurante de 181% en 1 mois de l’action.
Suite à cette information, les investisseurs commencent à se débarrasser du titre et à sécuriser au plus vite leurs investissements. L’action va perdre ainsi 44.53% de sa valeur en seulement 11 jours de cotation.
Le 27 septembre 2016, coup de théâtre ! Le management de la banque, avec une sérénité exceptionnelle, publie un communiqué annonçant une hausse de +23% du résultat net du 1er semestre et confirme la bonne tendance de l’activité de la banque.
Cette communication va freiner la baisse du titre et rassurer les investisseurs sur les fondamentaux de l’entreprise. Le jour même de cette communication, le cours de l’action BOA MALI va ainsi gagner 7.49%. Le titre enregistrera également une croissance de + 29.98% en seulement 4 jours !
Soit 3 jours d’affilés à +7.50% le lendemain de la publication.
Le communiqué sur le résultat de la banque dans un moment de panique a permis de rassurer les investisseurs quant aux fondamentaux de la banque et stabiliser le cours du titre. Un véritable coup de maître !
Recommandation sur l’amélioration de la communication financière des PME :
1- Produire des notes de recherches et de recommandations régulières sur les sociétés cotées.
2- Les inciter/ encourager à produire des prévisions sur leurs activités (chiffres d’affaire, PER, P/B…), ceci donnera une claire vision aux investisseurs.
3- Communiquer régulièrement sur l’avancée de leurs investissements aux investisseurs.
4- Toutes recommandations d’achats ou de ventes d’un gérant de fonds ou tout autre structure financière doit se faire sur la base d’une note de recherche. Le comité d’investissement d’un fond ou d’une structure qui fait le mandat sous gestion ne peut pas se substituer à une note de recherche. Le comité d’investissement peut statuer sur l’opportunité d’un investissement sur la base de 2 ou 3 notes de recherches.
Si une telle loi est instaurée sur notre marché, ceci emmènera toutes les SGI as se doter d’un desk de recherche et permettra la création de plus de maisons de recherches indépendantes. C’est un des éléments qui permettra à notre marché de tendre vers un marché efficient.
Préparé par Daniel Aggre et Diallo Ahmed
(equity analyste a sikadvisory)